Cassilmena
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Cassilmena


 
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 Les vertiges de la pensée [PV]

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Nell
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Nell


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MessageSujet: Les vertiges de la pensée [PV]   Les vertiges de la pensée [PV] Icon_minitimeSam 6 Sep - 15:35

« Si tout est illusion, nos illusions sont illusoires. »


[Alain Pontaut]
Extrait de La Tutelle


---


Ses pas l’avaient conduit jusqu’à ce quartier suintant le sang et l’horreur. L’odeur l’avait pris à la gorge, l’empêchant de respirer et il avait dû lutter pour retenir la bile qui menaçait de sortir de ses lèvres.
L’atmosphère en elle-même était épouvantable. Chaque rue, chaque détour semblait cacher un ou deux cadavres mal rangés. C’était ici que les gens réglaient les affaires plutôt corsées et nécessitant d’autres moyens de persuasion que l’argent.

Parce qu’ici, les lois ne régissaient plus le monde. Elles étaient trop obsolètes et trop conformistes pour que les habitants acceptent de s’y prêter. Chacun faisait ce qu’il voulait quand il le voulait et le désir de se plier aux règles relevait plus du jeu que d’une véritable envie d’être momentanément quelqu’un de bien. C’était un petit bout de terre coupé du monde et de tout ce qui le composait, complètement à part et laissé à l’abandon, livré à lui-même.
Une seule règle était à même de diriger ce lieu de terreur : le plus fort gagne. C’était la seule capable de contenir les ardeurs des plus aventureux et de les faire rebrousser chemin avant le début d’une quête dont l’issue serait plus que malheureuse. Mais il était bien trop arrogant de dire que ce genre de fin était malheureuse.
C’était devenu tellement commun de voir des gentilshommes finir leurs jours entre les crocs d’un quelconque vampire que personne ne s’en formalisait. Tout cela faisait parti d’un quotidien et d’une rengaine établis depuis bien trop longtemps pour qu’une personne aille s’en plaindre. Et puis… Qui serait assez fou pour oser protester ? Ce geste relevait plus d’un désir de suicide que d’un véritable acte héroïque. Les héros n’existaient pas. Ils étaient seulement les idéaux créent par les contes de fées, mais personne n’y croyait… Ou plutôt, personne n’arrivait à y croire parce que personne ne pouvait les atteindre ou s’identifier à eux. Ils étaient trop parfaits pour devenir une source d’espoir.


« Si en finir avec ta vie aujourd’hui fait parti de tes projets, il ne fait, hélas, pas parti des miens. Le jour où nous serons tous les deux sur la même longueur d’onde à ce niveau-là, peut-être pourrons-nous revenir sur la question. D’ici là, mieux vaut rebrousser chemin et attendre ce moment, d’accord ? »

Il se contenta de l’ignorer. Child le froussard avait ressurgi, prenant la place de Child le suzerain. C’était assez embêtant. D’abord parce que le courage ne faisait désormais plus parti de ses attributions, mais ensuite parce que, s’il décidait de continuer dans cette voie, il s’exposait à de terribles représailles et à des gémissements sans fin de la part de son compagnon d’infortune…
Il serra les dents, jetant un regard noir à son ami. Il lui était impossible d’avouer à la créature qu’il s’était perdu et qu’il ignorait donc le moyen de sortir de ce guêpier. Sa mauvaise manie de marcher sans regarder où il allait l’avait une nouvelle fois pris sur le fait et avait décidé de le conduire dans un endroit dont il ignorait tout, mais dont l’ambiance seule suffisait à le remplir d’effroi.
Si, pendant un instant, il avait cru être en train de dormir, perdu dans un cauchemar des plus communs, il avait bien vite déchanté.


« Ce gamin était horrible, et encore… Ce n’était qu’un enfant. Mieux vaut ne pas s’attarder ici. On risque d’y laisser notre peau. »

Un enfant, oui. Un petit garçon aux yeux rieurs qu’il avait voulu aborder pour lui demander son chemin, prétextant vouloir l’aider à retrouver une mère dont il aurait peut-être été séparé pour que Child ne se doute de rien. L’animal en avait d’abord était étonné, puis avait fini par déclarer que la bonne éducation qu’il dispensait à son serviteur avait finalement porté ses fruits.
Ils avaient donc suivi le bambin à travers plusieurs ruelles et, au moment où Nell allait enfin se décider à s’avancer vers lui, un pauvre homme, probablement saoul, avait croisé leur chemin. L’enfant n’avait pas attendu. Il s’était dirigé vers l’homme et l’avait forcé à se courber devant lui avant de planter ses canines, signe si distinct des vampires, dans le cou de l’individu.
De là où ils étaient, les deux compères avaient pu voir le vieux bonhomme se vider de son sang pour ne devenir qu’une carcasse que le gamin avait laissé là, à la merci des charognards venus fouiller les poches de son veston à la recherche de trésors.
Ils allaient y laisser la vie. Sur ce point-là, Nell était d’accord avec Child. Une première !

Doucement, le soleil était parti se coucher, le ciel bleu laissant place à une étendue noire. Les étoiles s’étaient allumées une à une, accueillant la lune qui montait dans le ciel, posant ses yeux bienveillants sur la terre en dessous d’elle… Sauf sur ce quartier que son regard avait soigneusement évité, empêchant le jeune homme qui continuait de tourner en vain dans les ruelles de croiser un visage familier.
Avec la nuit, d’autres créatures avaient fait leur apparition, des bars s’étaient ouverts, des passants s’interpellaient. Le quartier frémissait et se secouait, le ciel nocturne le réveillant de sa torpeur.
Si, le jour, cet endroit paraissait vide et désert, il n’en était rien dans l’obscurité. La morosité des lieux s’estompait pour devenir une immense cacophonie qui s’ébroua sous les yeux écarquillés des deux amis.


« C’est le moment de filer ! »

Gêné, il laissa l’animal se percher sur son épaule.

Il ne valait guère mieux que tous ces pyrrhoniens remettant sans cesse en question tout et n’importe quoi. A trop douter, allait-il finir par douter de tout ? Allait-il douter s’il veille, si on le pince, si on le brûle ? Allait-il douter s’il doute ? Allait-il douter s’il est ? Il n’était rien de plus inutile, il n’y avait pas de meilleur moyen de perdre son temps alors que celui-ci allait sans cesse en s’enfuyant, rendant impossible l’arrêt de la fuite du temps.
A trop critiquer les autres et à ne jamais se remettre en question, il finirait par déclarer qu’il possédait certainement la vérité et la raison, lui qui, si peu qu’on le poussait, ne pouvait montrer aucun titre, et était forcé de lâcher prise. Quel imbécile il était ! Il devait seulement avouer alors pourquoi continuer de se prendre la tête avec des sottises ?

Seulement, la seule chose qu’il voulait éviter à cet instant, était les plaintes de Child qui ne feraient qu’attiser la curiosité – puis la colère – des créatures de la nuit. Valait-il mieux de ne rien lui dire ?
Il continua d’avancer, ne se souciant guère plus de la question et, alors qu’il marchait, il se changea peu à peu en un chat noir aux yeux dorés sur lequel Child se jeta aussitôt dans le but de le taquiner.


« Miaou ! »

Se moqua la créature blanche alors que Nell sortait ses griffes, faisant reculer son adversaire qui maintint alors une distance sécuritaire entre lui et le félin.
Le chat soupira. Décidément, le Roi Child n’était pas discret et il s’étonnait que personne ne l’ait repéré.
Bah ! Peut-être était-il seulement très chanceux.


Dernière édition par Nell le Mer 1 Oct - 17:43, édité 2 fois
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Sayuki
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MessageSujet: Re: Les vertiges de la pensée [PV]   Les vertiges de la pensée [PV] Icon_minitimeSam 6 Sep - 22:25

« C’est lorsque l’on s’y attend le moins que ce que l’on espère arrive. »


---


La journée avait été particulièrement chaude et ensoleillée. Une douce brise de fin d’été avait accompagné ce magnifique ciel bleu, dépourvu de tout nuage. L’elfe de glace en avait profitée pour aller faire un tour au lac. Elle avait toujours aimait cette endroit paisible, qui lui rappelait beaucoup de souvenirs. Elle aimait s’allonger dans l’herbe fraiche, les yeux rivés sur le ciel accueillant ce beau soleil éveillant toute sa grandeur et sa puissance. Elle se plaisait ensuite à regarder son doux reflet dans le lac brillant, qui renfermait maints trésors. Elle passait ensuite quelques heures à lire un bon bouquin, et oubliait alors tout le monde autour d’elle, tellement elle était absorbée par sa lecture. Sayuki adorait les journées comme celle-ci. Elles étaient reposante et des plus agréables pour la jeune femme. C’est ainsi que le soir venu, elle était reposée et n’avait à se plaindre de rien.

Un de ces devoirs de reine était de régulièrement visiter chaque lieu de l’île. Certains ne lui posaient aucun problème, car elle y allait volontairement régulièrement. D’autres en revanche lui étaient des plus déplaisants. Quand elle n’avait pas passé une excellente journée, ce qui arrivait plus souvent que l’on aurait cru, elle n’avait aucun envie d’assumer cette tâche. Pourtant, il le fallait. C’est pourquoi elle garder en réserve ce devoir pour les fins de journées comme celle-ci, douce et reposante. Elle était alors dans de parfaites conditions pour aller visiter ces lieux où elle n’avait pas forcément sa place. Peut-être cela allait lui gâcher la journée, mais si elle ne le faisait pas là, elle ne le ferait jamais, car son humeur ne serait pas assez bonne.

Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas inspecter le quartier mal famé. De tous les lieux de l’île, je crois bien que c’est celui-ci que Sayuki aime le moins. Elle n’y va jamais, ou alors quand c’est une nécessité. Après tout, quoi de plus logique ? Ce lieu n’est en aucun cas fait pour les personnes comme elle. J’entends par là, les personnes qui sont tournées vers la lumière. Quand une personne de ce type a le malheur de s’aventurer dans ce quartier, ses habitués lui réserve une fin toute particulière. La plus courante est celle donné par le vampire, qui vous vide de votre sang en faisant douloureusement prolongé son plaisir. D’autres connaissent des fins plus barbares, comme une mort précédée par une longue agonie, dut à de nombreux coup de couteaux donné par des personnes saoules, pour le divertissement. C’est pourquoi les personnes bénéfiques s’aventurant dans ce lieu doivent êtres nécessairement puissantes et à même de se protéger par ces propres moyen, si celle-ci tiens à la vie du moins. L’autre possibilité est que vous soyez complètement maniaco-dépressive et que vous cherchez à mettre fin a votre vie de la manière la plus douloureuse et dangereuse qu’il soit.

Vous comprenez maintenant qu’il soit tout à fait normal que notre jeune reine n’aime pas inspecter ce quartier si ténébreux. Les devoirs d’une reine sont parfois bien tristes et cruels. Mais que voulez-vous, il ne peut pas y avoir que des avantages. Je dirais même qu’il y a parfois plus d’inconvénients que d’avantages.
C’est donc non sans quelques appréhensions que Sayuki se rendit à la tombée de la nuit dans le quartier mal famé. Le quartier mal famé était un lieu essentiellement nocturne, qui ne s’animait donc que la nuit. La journée, il avait plutôt tendance à être désertique. Pour inspecter correctement ce lieu, elle devait donc s’y rendre à ses « heures de pointes », si je puis dire. Sayuki avait revêtu une tenue sombre et pratique, autant pour paraître le plus possible inaperçue, que pour combattre si elle y était forcé. Elle avait ainsi caché son sabre, et portait son arc et ses flèches sur son dos. Elle avait également caché quelques poignards au niveau de ses mollets. Sa combinaison était bleu marine, quoi que tirant un peu sur le noir. Elle recouvrait tout son corps, ne laissant découvert que sa tête. Elle était moulante et faisait ainsi ressortir les gracieuses formes féminines de l’elfe. Elle avait laissait ses cheveux détachés pour cacher ses oreilles pointues sous son épaisse chevelure noire aux reflets bleutés. Il ne valait mieux pas qu’on puisse voir aussi aisément son appartenance à la race elfique. Dans cet accoutrement, elle avait l’air d’une parfaite voleuse, et se confondait tel un caméléon dans la nuit. Personne n’aurait pu imaginer qu’elle était un être pur, dépourvu de toute intention malsaine.

Elle se rendit au quartier mal famé à pied. Erador lui était inutile. De plus, un cheval blanc n’avait pas sa place au quartier mal famé et elle craignait trop qu’il lui arrive malheur. Quand elle fut enfin sur les lieux, elle se glissa dans l’étroite ruelle glauque qui était l’entrée de ce quartier maudit. La douce lumière de la lune disparaissait peu à peu derrière les hauts murs sombres, et les seules sources de lumière étaient celle des pubs qui faisaient à cette heure tardive leurs meilleures affaires. Sayuki croisait déjà des êtres complètement saouls, qui passaient à côté d’elle en lui criant des moitiés de phrases dont les mots qui les composaient étaient incompréhensibles. Elle tâchait de les ignorer et de passer son chemin.

D’après ce qu’elle voyait déjà, le quartier n’avait en rien changé. Il était toujours aussi mal fréquenté et attirait toujours autant les mêmes âmes rongées par le mal, s’amusant à leur façon avec les âmes égarés. A maintes reprises Sayuki voulut intervenir, mais elle savait qu’elle ne devait pas. Son déguisement ne servirait donc plus à rien, et elle se serait trahie. Elle était assez intelligente pour ne pas faire une tel faute, du moins, pas si tôt. Elle eu donc le cœur brisé nombres de fois, quand elle devait abandonner à son sort une pauvre victime innocente appelait à l’aide.
Elle aurait voulue pouvoir ré éclairer ce quartier sans lumière, pourvoir ainsi y effacer un peu de sa noirceur pour y installer des gens plus méritants. Mais elle savait pertinemment que son envie était désespérée et ne mènerait jamais à rien. On ne peut anéantir le mal, on peut juste apprendre à vivre avec. C’est ce que la chef des elfes tentait de faire.

Les plus sombres pensaient traversaient sa tête, pendant qu’elle marcher à travers les nombreuses petites ruelles. Toutes ces pensées étaient si sombres qu’elles provoquaient la plus grande des aversions en Sayuki. Les seuls qui n’étaient pas guidés par le mal étaient guidé par le désespoir, et appartenait à ces pauvres victimes dont les noms seraient les prochains écrits dans le grand livre des morts. Pourtant, parmi toutes ces pensées, Sayuki put en distinguées des différentes… Elle se concentra sur celle-ci et ne mit pas longtemps à réaliser que cette voix lui était familière. Pourtant, elle était incapable de mettre un nom et un visage à cette voix. Le jeune homme espérait trouver un moyen de sortir sans se faire remarquer. Il n’était pas un malveillant habitant ces ruelles, et n’était pas encore une de leurs victimes. Elle se laissa guider par ses pensées au fur et à mesure que leur volume amplifiait. Plus elle marchait et plus elle avait l’impression d’être prêt du but, et sur le point de se remémorer à qui appartenait cette voix.

Quand elle arriva à tournant d’une rue, elle prit la ruelle parallèle à celle-ci et s’engouffra dedans. C’est alors qu’elle aperçut un petit animal doté d’une fourrure aussi blanche et pure que de la neige. Sayuki se stoppa net, rendue muette et immobilisée par l’étonnement. Ses yeux s’agrandirent quelque peu et elle entrouvrit la bouche. Child… ? Que faisait-il ici ?
Son regard se posa alors sur l’animal qui l’accompagnait : Un chat noir. Elle reconnaissait maintenant le propriétaire de ces pensées, et l’aura qu’il dégageait lui semblait plus que familière. Il s’était donc transformé en chat pour passer le plus possible inaperçu…
L’elfe ne bougeait toujours pas, encore sous l’effet de choque. Elle ne s’attendait pas du tout à le revoir ici… A vrai dire, elle ne s’attendait pas à le revoir un jour, vu la manière dont avait finit leur première et dernière rencontre. Que devait-elle faire à présent ? Le sortir d’affaire ou tout simplement l’ignorer ? Elle ne pouvait anticiper sa réaction et craignait celle-ci. Cependant, elle ne pouvait passer son chemin et faire comme si elle ne l’avait pas vu… Cette idée lui paraissait improbable.

Elle reprit donc contenance et se remit à marcher, suivant les deux petits êtres. Elle accéléra le pas de manière à se trouver juste derrière Child. La seule solution qu’elle avait pu trouver sur le moment était de s’adresser à Child, qui lui, ne l’aurait sûrement pas oublié. Lors de leur première rencontre, Sayuki avait eu l’impression qu’elle avait été appréciée par l’animal. Du moins, plus que son maître. D’autant plus qu’elle était pratiquement persuadé que celui-ci l’avait déjà rayé de sa mémoire. Elle n’allait donc pas à s’adresser à un « inconnu », ou du moins quelqu’un qui croyait ne jamais l’avoir rencontré de sa vie. Quand elle fut assez proche de Child, elle murmura entre ses dents :


« Child… »

Elle espérait avoir parlé assez fort pour que sa voix parvienne aux oreilles de l’animal. Elle espérait également que celui-ci se souvienne d’elle… Après tout, leur rencontre ne remontait pas à si longtemps. Et s’il n’avait pas la même capacité à oublier les gens qu’il croisait que son maître, il se souviendrait sûrement d’elle. Pourquoi s’inquiétait-elle autant si soudainement ? Il n’y avait aucun raison. Si elle devait s’inquiéter pour quelque chose, c’était plutôt pour sa vie qui était en danger dans ce lieu, et non pour la réaction de l’être qui pourrait certainement lui faire le moins de mal parmi toutes ces autres personnes rongés par les ténèbres.
Voyons, calme-toi.



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Nell
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MessageSujet: Re: Les vertiges de la pensée [PV]   Les vertiges de la pensée [PV] Icon_minitimeDim 7 Sep - 13:56

« Pourquoi nous retirer et abandonner la partie, quand il nous reste tant d’êtres à décevoir ? »


[Emil Michel Cioran]
Extrait de Syllogismes de l’amertume


---


« La vie humaine est semblable à un chemin dont l’issue est un précipice affreux. On nous en avertit dès le premier pas ; mais la loi est portée, il faut avancer toujours. Je voudrais retourner en arrière. Marche ! marche ! Un poids invincible, une force irrésistible nous entraîne. Il faut sans cesse avancer vers le précipice. Mille traverses, mille peines nous fatiguent et nous inquiètent dans la route. Encore si je pouvais éviter ce précipice affreux ! Non, non, il faut marcher, il faut courir ! telle est la rapidité des années.
On se console pourtant parce que de temps en temps on rencontre des objets qui nous divertissent, des eaux courantes, des fleurs qui passent. On voudrait s’arrêter : Marche ! marche ! Et cependant on voit tomber derrière soi tout ce qu’on avait passé ; fracas effroyable ! inévitable ruine ! On se console, parce qu’on emporte quelques fleurs cueillies en passant, qu’on voit se faner entre ses mains du matin au soir et quelques fruits qu’on perd en les goûtant : enchantement ! illusion !
Toujours entraîné, tu approches du gouffre affreux : déjà tout commence à s’effacer ; les jardins moins fleuris, les fleurs moins brillantes, leurs couleurs moins vives, les prairies moins riantes, les eaux moins claires : tout se ternit, tout s’efface.
L’ombre de la mort se présente ; on commence à sentir l’approche du gouffre fatal. Mais il faut aller sur le bord. Encore un pas : déjà l’horreur trouble les sens, la tête tourne, les yeux s’égarent.
Il faut marcher ; on voudrait retourner en arrière ; plus de moyens : tout est tombé, tout est évanoui, tout est échappé. »*

Marche ! Marche !

Toujours plus loin, ne pas se retourner, ne pas se perdre, ne jamais s’égarer en chemin, même lorsqu’une voix semble tirer en toi un quelconque souvenir, une quelconque sensation. Même lorsque la seule envie est celle de se retourner, il faut garder les yeux rivés vers l’avant. Aller vers la suite, ne pas s’arrêter, même pour quelques instants.
Car le piège est là, l’illusion se referme alors, enfermant entre ses griffes le peu qu’il reste de ta personne. Poursuis ta route sans jeter un seul regard vers ce qui a précédé. Même si tu ignores où tu es, même si tu as peur, ne rebrousse pas chemin, ne reviens pas sur tes pas ou les geôliers t’attendront, toi, celui qui a cru pouvoir fuir, et ils t’emprisonneront à nouveau dans ce donjon froid où tu pleureras chaque jour, te demandant pourquoi ta ruine est si vite arrivée.

Marche ! Marche !

Sans cesse, sans relâche, oublie tout ou tout te rattrapera.
Mais pourquoi oublier… ? Parce que sinon tu te retourneras. Pourquoi ? Parce que tu voudras savoir. Savoir quoi ? Savoir à qui ce sentiment appartient, savoir qui l’a réveillé au fond de toi. Alors raye tout, avance et ne te plains pas. C’est pour ton bien, tu sais ?

Child s’arrêta. Cela faisait plusieurs minutes qu’ils marchaient sans savoir où ils allaient, tournant au hasard des ruelles, mais ce n’est pas un élan de protestations qui stoppa la créature. Quelqu’un l’avait appelé, lui. Il bomba le torse, bourré de fierté et d’orgueil. Même dans ce genre de quartier, aussi terrible soit-il, il était connu. Peut-être un admirateur secret qui avait entendu parler des nombreuses frasques qu’il avait commises par le passé ? Etait-on venu le féliciter ?
Impatient de découvrir son visage, il se retourna vivement et afficha une mine ahurie lorsqu’il découvrit qui venait de murmurer son prénom. Voilà quelque chose qui n’allait pas ravir le chat qui avait bondi sur une caisse pour repérer les alentours. Néanmoins, l’humeur de Nell ne l’inquiéta pas longtemps et, tel un acteur de l’un de ces films à l’eau de rose qui font tant pleurer les gens, il courut vers celle qu’il considérait depuis longtemps comme son amie… Et elle avait intérêt à se sentir honorée de cette faveur qu’il lui accordait. Il n’était pas ami avec n’importe qui.


« Sayu ! »

Murmura-t-il. Le prénom de la jeune femme était bien trop long pour qu’il continue à l’appeler Sayuki. C’était trop formel selon lui et un roi n’avait pas à se plier aux règles de bienséance. S’il voulait abréger un prénom, il en avait parfaitement le droit… Être souverain devait comporter quelques avantages au risque de mourir d’ennui, assis sur son trône, la tête surmonté d’une couronne bien trop lourde pour lui.
Il sauta dans ses bras, se blottissant contre elle, heureux de la retrouver. Il ne faisait pas parti de ces rabat-joie à la mémoire de poisson rouge comme certain. Lorsqu’il prononça cette accusation muette, ses yeux convergèrent comme un seul homme vers le chat noir qui n’avait toujours pas compris ce qu’il se passait.

Une fois qu’il eut fini de vérifier que personne ne surgirait par surprise, Nell se retourna pour voir où se trouver son ami qu’il ne retrouva pas. Ses yeux fouillèrent les alentours à la recherche d’un pelage blanc difficile à cacher et il le dénicha dans les bras d’une femme, apparemment heureux de la place qu’il occupait. Le Roi Child avait retrouvé ses priorités : gouverner et dominer.
Exaspéré, il descendit de la caisse, ne faisant aucun bruit, ses yeux de miel allant rencontrer les saphirs de son compagnon, accusateurs, ce à quoi l’animal répondit par un regard moqueur. Voilà qu’il le mettait dans l’embarras en se jetant dans les bras d’une parfaite inconnue… Qu’est-ce qui lui disait qu’elle ne faisait pas parti de ces vampires qui partaient à la recherche de sang frais dès la tombée de la nuit, hein ? Imprudent ! Inconscient ! Pourquoi diable continuait-il donc de se traîner ce boulet derrière lui ? Il ne faisait que le ralentir, ne lui servant strictement à rien.

Ennuyé à l’idée de quitter son déguisement, il dû cependant s’y résoudre lorsqu’il comprit que Child ne quitterait pas son perchoir à moins qu’on ne l’y force. Cette boule de poils ne lui apportait que des embêtements et des contraintes.
Il retrouva forme humaine et posa ses yeux sur la jeune femme qui lui faisait face.

Une longue chevelure noire dégringolait en cascade le long de ses épaules et de son dos, encadrant un visage à la peau de nacre qui, momentanément, lui sembla familier avant qu’il ne secoue la tête, décrétant qu’il lui était parfaitement inconnu.
Elle était vêtue d’une combinaison moulant gracieusement chaque courbe de son corps et, attachées ci et là, il put distinguer, même dans la nuit, les armes qu’elle avait emportées avec elle. Elle n’était, de toute évidence, pas là pour distribuer de jolis sourires aux gens, bien qu’il ne doutât que bon nombre de personne dans ce quartier rêverait de la voir leur accorder ne serait-ce qu’un regard.
Alors pourquoi jeter son dévolu sur un animal aussi idiot que l’était Child ? Etait-elle complètement folle ? Ses yeux se dirigèrent vers les siens et il sombra dans un regard émeraude qui fit ressortir une douce sensation. Loin d’être amer, ce sentiment était chaud et sucré, faisant s’envoler la fatigue accumulée au cours des dernières heures.
Il baissa aussitôt la tête et tomba sur des lèvres gourmandes et rosées qui ne firent qu’attiser cette impression. Mais, si délectable soit-elle, il finit par revenir sur Child, renvoyant dans les bras de Morphée cette idée idiote qu’il avait eue de se jeter, lui aussi, dans les bras de la jeune femme.
Déjà que lui la prenait pour quelqu’un de légèrement dérangé, mieux valait ne pas la laisser penser qu’il était lui-même fou. Ce genre de situation ne serait très certainement pas à son avantage, mieux valait donc l’éviter.


« Child… »

S’impatienta le jeune homme qui n’attendait que le moment où l’animal se déciderait à quitter ces bras pour revenir vers lui. Il ignorait s’il devait s’excuser ou non auprès de la jeune femme pour le sans-gêne dont faisait preuve son ami. Après quelques secondes de réflexion, il opta pour cette solution qu’il jugeait être la meilleure et ses yeux revinrent se poser sur le visage de la demoiselle.

« Veuillez m’excuser. Mon ami n’est pas quelqu’un de très axé sur la politesse et la bienséance. »

Ses paroles déclenchèrent les foudres de Child qui se tortilla dans les bras de l’inconnue pour faire face à Nell.

« Pardon ? Tu ne la reconnais donc pas, pauvre ignare ?! »

Et c’était reparti pour un tour ! Toujours cette même litanie qui se répétait, incessante. Il ouvrait la bouche et Child trouvait immédiatement quelque chose à redire. C’en devenait presque… Lassant. Il savait que ce genre de situation amusait beaucoup les gens autour de lui, mais il n’était pas du même avis qu’eux. Peut-être parce qu’il subissait sans pouvoir rien y faire. Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher d’aimer cette créature. Paradoxe assez étrange auquel il n’arrivait pas à se faire. Comment pouvait-il apprécier le fait de se retrouver dans une situation qui lui déplaisait ? Peut-être était-il réellement en train de devenir fou… ?
Un soupir s’échappa lentement de ses lèvres alors qu’excédé, Nell essayait de convaincre l’animal, à grands renforts de regards appuyés, qu’il n’était pas bien d’importuner les gens qu’il ne connaissait pas et, que même le fait de connaître le nom d’une personne ne suffisait pas à pouvoir prétendre la connaître.

Il finit par se laisser tomber sur la caisse et se laissa aller contre le mur de la maison, incapable de faire changer d’avis un Child encore plus entêté que d’habitude.
De son côté, le Child en question était en train de s’excuser lui aussi à la jeune femme, mais pas pour les mêmes raisons que le jeune homme.


« Je suis désolé… Il a tendance à… Oublier très vite. Après tout, ce n’est qu’un être sous-développé incapable de savoir ce qu’il veut. Un simple idiot qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Mieux vaut ne pas s’occuper de lui. »

Sur ce, Child cessa de regarder le métamorphe qui boudait dans son coin pour se concentrer uniquement sur une personne qu’il considérait comme bien plus chaleureuse et ouverte que le râleur qu’il côtoyait chaque jour.
Il s’arrêta sur la tenue de Sayuki, intrigué de la voir habillée ainsi, ayant gardé dans ses souvenirs, une elfe vêtue d’une robe bleu lui allant à ravir. Pourquoi ce changement ?


« Tu pars en guerre ? »

Demanda-t-il, à la fois intrigué et ne pouvant se départir de cette pointe de moquerie qui le caractérisait si bien.

Dans son coin, Nell continuait de râler, essayant de se souvenir comment il était arrivé dans ce quartier.
Autant profiter de ce temps qui lui était offert pour retrouver son chemin et ainsi éviter d’avoir à dire à Child qu’ils étaient bel et bien perdus. Avoir droit à une nouvelle cacophonie de la part de l’animal ne lui plaisait que très peu.



---


*Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704)
« Sermon pour le jour de Pâques ».


Dernière édition par Nell le Mer 1 Oct - 17:43, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Les vertiges de la pensée [PV]   Les vertiges de la pensée [PV] Icon_minitimeDim 7 Sep - 16:10

Quand elle eut murmuré le nom de l’animal, elle jeta des coups d’œil discrets autour d’elle, pour vérifier qu’aucunes personnes malveillantes ne les épiaient. A son grand soulagement, cette ruelle était vide, et plus ou moins éloignés des bars les plus fréquentés du quartier. Les personnes habitants les quelques maisons de la ruelle devaient être sortis se saouler, ou trouver un chaton égaré à martyrisé. Ils étaient donc momentanément seuls et à l’abri de tout accident soudain. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. Pour se rassurer, elle écouta attentivement les pensées des gens aux alentours, et essaya de réduire son rayon d’entente à cette ruelle et les édifices présents. Elle ne put entendre que les pensées du méthamorphe et de son compagnon, ainsi que d’autres pensées insolites qui semblaient appartenir à des chats d’égouts.

Soulagé, elle reporta son attention sur Child qui s’était retourné et courrait à présent vers elle tout en murmurant son prénom d’une petite voix enjouée. Sayuki n’eut d’autres réponses qu’un joli sourire amical, heureuse de revoir cette petite boule de poil si attachante. L’animal lui sauta littéralement dans les bras et se blottit contre elle. Il avait l’air heureux de la revoir et cette nouvelle ne put que ravir notre elfe qui s’empressa de serrer l’animal contre son cœur, tout en lui caressant son doux pelage soyeux.
L’attention de Child se reporta alors sur son maître, et celle de l’elfe en fit de même. Le chat noir était en train de guetter une présence alentour, perché sur une caisse. Ce n’est que lorsqu’il eu finit qu’il s’inquiéta alors de l’endroit où pouvait bien se trouver son compagnon. Il le chercha du regard et put enfin le dénicher dans les bras de l’elfe, qui était identifié comme une parfaite inconnue, d’après les pensées du jeune homme.

Sayuki ne fut guère surprise. A vrai dire, elle ne s’attendait pas le moins du monde à ce qu’il la reconnaisse, et elle s’était déjà faîte à cette idée depuis longtemps. Elle avait su qu’il l’oublierait à la seconde même où il lui avait demandé de partir, lors de leur première rencontre. Elle ne s’était pas faîte d’illusion à son sujet et ne s’était donc pas faîte prié pour essayer de l’oublier. Cependant, cela n’avait pas été aussi efficace que pour Nell. Elle n’y avait pas pensé, ce qui était déjà un grand exploit, mais elle ne l’avait pas rayé de sa mémoire pour autant.
Le chat noir descendit de sa caisse et reprit forme humaine devant la jeune femme.

Nell…

Nell apparut devant Sayuki, et la première chose que ses deux émeraudes rencontrèrent furent ses prunelles d’or. Elle ne fit cependant pas l’erreur de s’y attarder et contempla ce que le jeune homme était devenu depuis leur dernière rencontre. Il n’avait guère changé, et provoquait toujours ce même sentiment d’intérêt profond chez l’elfe. Pendant un quart de seconde, elle crut qu’elle mourrait si jamais elle ne le serrait pas dans ses bras. Mais elle chassa bien vite cette pensée de son esprit et l’envoya aux oubliettes. La courbe de son visage était toujours aussi parfaite et harmonieuse. Ses traits avaient cependant quelque peu durci, ce qui laissait voir qu’il avait pu se rendre compte par lui-même de la dureté de la vie sur cette île pour de nouveaux arrivants comme lui. L’aura qu’il dégageait avait augmenté en puissance et Sayuki fut heureuse de constater qu’il avait réussit à évoluer dans un milieu pareil. Il avait mûri, ainsi que bel et bien oublié la jeune femme lui faisant face.

De toute évidence, il ne comprenait pas pourquoi cette « inconnue » avait jeté son dévolu sur Child. L’idée qu’ils se connaissaient peut-être ne lui avait pas même effleuré l’esprit.
Nell s’impatienta en prononçant entre ses dents le nom de son ami. Il ne mit ensuite pas longtemps à s’excuser auprès de Sayuki, qu’il ne reconnaissait toujours pas. La scène qui suivit amusa beaucoup l’elfe, et un léger sourire s’étira sur ses lèvres. Child, indigné et furieux, ne put s’empêcher de faire des reproches à son « serviteur », tout en l’insultant de pauvre ignare. L’elfe de glace dut se contenir pour ne pas laisser échapper un petit rire cristallin quand elle découvrit la tête que faisait Nell au discours plaintif de l’animal.
Découragé, et sachant pertinemment que Child n’allait pas quitter les bras de la jeune femme, le méthamorphe renonça et alla s’asseoir sur la caisse, se laissant aller contre le mur de la maison. De son côté, Child prononçait maintes excuses à l’encontre de la jeune femme, pour la mémoire de poisson rouge de son maître.


« Ce n’est rien Child, je ne m’attendais pas à ce qu’il se souvienne de moi. »

Dit-elle en un sourire bienveillant. Elle constata ensuite que l’animal s’attardait à présent sur sa tenue plus ou moins étrange et bien différente de celle qu’elle portait lors de leur dernière rencontre. Le questionnement de Child se lisait dans ses yeux et il ne mit pas longtemps à lui demander ironiquement si elle partait en guerre. A ces mots, un doux rire cristallin s’échappa de sa bouche fendue en un large sourire. L’humour du petit animal ne l’avait pas quitté et Sayuki était heureuse de le constater.

« Quelle idée, à quelle guerre pourrais-je bien partir ? Non, je suis simplement contrainte d’inspecter de temps en temps ce lieu, et tu devrais savoir qu’il n’est pas très bien fréquentés. Dit-elle en baissant le ton. Mieux vaut se fondre dans la masse et être prête à tout. »

Elle inspecta une nouvelle fois les alentours, pour vérifier à nouveau qu’aucune présence n’approchait. Elle ne détecta cependant personne. L’elfe reporta alors son attention sur l’animal qui se trouvait toujours dans ses bras. Une question lui brûlait les lèvres : Que faisaient deux êtres inoffensifs dans un tel endroit ? Ils risquaient leur vie en s’aventurant ainsi en pleine ici. C’était un acte bien irresponsable et insoucieux, qui pourrait bien se finir par une punition cruelle et irrémédiable : La mort.

« Mais que faîtes vous ici en pleine nuit ? C’est dangereux, vous ne devriez pas vous aventurer ici ! »

L’elfe regarda alors le jeune homme qui marmonnait des paroles incompréhensibles dans son coin. Il était en train d’essayer de se souvenir comment avait-il bien pu atterrir ici. L’elfe se dirigea vers lui. S’il ne pouvait se souvenir tout seul de qui elle « tait, elle allait lui rafraichir la mémoire. Cependant, elle ne ferait pas une seconde fois l’erreur de se laisser séduire par un homme qui l’aurait de toute façon déjà oublié quand elle sortirait de son champ de vision. Elle n’allait pas laisser paraître ses sentiments aussi aisément et resterait imperceptible.

« Vous ne vous souvenez certainement pas de moi, je me nomme Sayuki et je vous ai accueillie le jour de votre arrivé sur ces terres. Je vois qu’une deuxième possibilité de vous aider s’offre aujourd’hui à moi. Vous ne devriez pas vous trouver ici. »
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MessageSujet: Re: Les vertiges de la pensée [PV]   Les vertiges de la pensée [PV] Icon_minitimeMer 1 Oct - 17:37

« Ceux qui contrôlent leur désir, c'est que leur désir est assez faible pour être contrôlé ; et la raison qui contrôle prend la place du désir et commande à l'insoumis. »


[William Blake]
Extrait de Le Mariage du Ciel et de l'Enfer


---


Un rêve, un songe, trop léger et trop éphémère pour qu’il puisse saisir entre ses doigts ces fragiles grains de sable qui s’échappaient inlassablement. Il referma la main et ne rencontra que du vide.
Trop tard.
Ses yeux avaient mis trop longtemps à s’ouvrir et, le temps qu’il se rende compte de la fuite de sa mémoire, tout s’était déjà envolé. C’avait été trop doux, il en avait eu trop envie pour pouvoir accepter sans rien dire que ces souvenirs-là restent. Il les haïssait, mais, en même temps, il les aimait. Un paradoxe qui reflétait bien cette indécision agitant sans relâche le jeune homme.
Un choix implique toujours des conséquences, et il ne voulait ni trancher entre deux choses, ni avoir à éprouver les retombées de cette décision. Alors il restait là, les bras ballants, oubliant peu à peu ce qu’il faisait et laissant tomber.
Pauvre imbécile.
Peut-être avait-il plusieurs fois déjà laissé couler entre ses doigts des faveurs dont on ne lui referait plus l’offre. Qu’avait-il bien pu laisser filer ? Qu’est-ce qui s’était échappé ? Comment Child pouvait connaître cette jeune femme qui l’attirait inexorablement et pas lui ?

Son cerveau lui criait de passer son chemin. Il lui proposait, malsain, l’ignorance. Mais n’était-ce pas là un nouveau choix ? Il mourait d’envie de se lever et de refermer ses bras autour du corps de cette inconnue. Il aurait aimé la posséder tout entière et ce désir lui faisait peur.

Qui était-elle ?


« Inspecter les lieux… »

Répéta Child. Drôle de formulation. Qui était Sayuki pour avoir à « inspecter » les lieux ? Faisait-elle partie d’une sorte de police dont il n’avait pas connaissance ? Il n’avait jamais entendu parler de gens surveillant l’île… Mis à part les six reines qui la gouvernaient peut-être, mais elles étaient, pour lui, des êtres absolument inaccessibles… Des divinités, en quelque sorte. Il acceptait même, faveur rare qui ne s’accordait pas du tout avec le caractère du petit animal, de leur donner un rang plus élevé que le sien. Sûrement étaient-elles les seules personnes sur la Terre à même de bénéficier de cet extrême honneur.
Il ne parvenait pas à se faire une image précise des reines. Au cours de leurs vagabondages à travers l’île, il avait appris à respecter le fait que les six entretenaient un équilibre instable et fragile. Une chose précieuse et difficile à préserver qui l’impressionnait et le répugnait en même temps.
Lui qui pensait cette contrée dépourvue de disparités, il s’était confronté à trois tendances : bénéfiques, neutre, et maléfique. Deux reines bénéfiques, deux reines neutres, et deux reines maléfiques. Oui, c’était logique. Mais jamais au grand jamais, il n’avait osé demander le prénom de ces six reines. Seul celui d’Elys s’était échappé par mégarde de la bouche d’un aubergiste et Child avait sévèrement réprimandé et injurié le pauvre homme jusqu’à ce que Nell se décide à l’arrêter.
Autant dire que, dans sa tête, les reines relevaient plus du sacré que d’une chose vraie et concrète.

Il releva la tête, observant les émeraudes de l’elfe contre laquelle il se tenait toujours blotti. Il était vrai qu’ils n’auraient jamais dû atterrir dans ce quartier, mais elle… ? Pourquoi cette obligation ?


« Je crois que, même s’il lui est impossible de l’avouer, cet imbécile s’est encore perdu. »

Maugréa-t-il, plus pour lui-même que pour la jeune femme qui se dirigea vers son esclave, toujours aussi bienveillante qu’à leur première rencontre. C’est ainsi que l’animal eut le déplaisir de rencontrer le regard noir de Nell. Même dans l’obscurité, il parvenait à comprendre que son attachement pour une personne qu’à priori il ne connaissait pas le mettait dans l’embarras et c’était cette même gêne qui amusait et poussait Child à rester avec Sayuki, à l’abri des foudres du jeune homme.
Si les regards pouvaient tuer, il serait déjà mort un nombre incalculable de fois… Mais également, si cette phrase se trouvait être véridique, la vie serait nettement moins drôle. Après tout, qu’est-ce que la vie sinon une immense farce dans laquelle il est nécessaire de tirer le meilleur parti ? A la grande loterie du destin, l’animal s’estimait ravi. Il avait quelqu’un à embêter, il avait une amie, et un orgueil incroyablement démesuré. Que demander de plus ?


« Vous êtes bien ici, vous… Pourquoi ce privilège ? »

Répliqua Nell, légèrement cassant à l’adresse de la jeune femme.

Il se détourna d’elle, croisant le regard tentateur des femmes de la nuit. C’est ainsi qu’il réalisa qu’il se trouvait non loin du quartier des plaisirs où des hommes ivres morts se faisaient dépouiller sans le moindre scrupule par des jeunes filles d’à peine seize ans qui offraient sans sourciller leurs corps à de vieux dégoûtants dont les femmes attendaient certainement avec impatience et angoisse leur prochain retour à la maison.
Le contraste entre ces jeunes épouses et ces demoiselles usées bien trop tôt par la vie était trop important pour qu’il retienne le sourire qui bordait ses lèvres. L’humiliation de l’une et de l’autre le faisait rire et, au milieu des deux, se trouvaient les plus dangereuses, celles qui se rendaient désirables pour ensuite s’enfuir avec le cœur qu’elles venaient tout juste de dérober, vantant leurs multiples conquêtes auprès de leurs semblables.
Un cercle vicieux auquel il était impossible d’échapper.

Il se leva, étirant ses bras au-dessus de sa tête, prêt à repartir. Rester ici à discuter avec une étrangère n’avait jamais fait parti de ses projets, et puis, il y avait cette autre raison qu’il ne voulait pas s’avouer qui le forçait à fuir la jeune femme.
C’était ce désir qu’il maintenait solidement ancré au fond de lui et qui menaçait de s’échapper s’il cédait. Il le sentait grossir, prendre de l’importance, jusqu’à ce qu’il finisse par le consumer entièrement, dévorant le peu de choses qu’il possédait encore.
Il la détestait autant qu’il la convoitait, et il n’était pas sans savoir que ce paradoxe était dû à ce souvenir mal effacé de son subconscient qui continuait à lui crier, voix perdue parmi un chaos d’autres pensées, ce qu’il s’était passé.

Ses yeux se dirigèrent vers Child qui refusa de bouger de son abri, souverain heureux de pouvoir prouver une fois de plus sa supériorité à son esclave adoré.
L’esclave tira sur ses chaînes, alors que le maître se maintenait fermement enraciné sur ses positions : ce n’était pas le moment de céder aux caprices d’un imbécile.
S’en suivit un duel silencieux entre les deux amis pour savoir qui, à la fin, obtiendrait le dessus et, au bout de quelques secondes et de menaces muettes, l’animal remua et sauta sur le sol avant de se diriger vers celui qui avait su le dominer, vaincu… Pour l’instant du moins.


« La vengeance est un plat qui se mange froid. »

Marmonna la créature alors que Nell le récupérait par la peau du cou.

Le regard du jeune homme convergea une nouvelle fois vers « l’amie » de Child.


« Je vous remercie pour l’aide que vous me proposez, mais je ne pense pas être suffisamment idiot pour faire confiance à n’importe qui. »

Une douleur au niveau de son auriculaire le força à relâcher son emprise sur la boule de poils blanche qui se retrouva à nouveau au sol.

« Toi peut-être… Mais moi je ne tiens pas à tourner pendant des heures dans ce quartier. Donc je te propose de mettre un peu de côté cette fierté mal placée que tu te traînes depuis un moment et de la laisser nous aider à sortir d’ici. »

Les prunelles dorées se refroidirent d’un seul coup et glacèrent Child jusqu’aux os. Il parvint cependant à tenir bon et Nell se résigna, retrouvant son air boudeur alors que le roi, triomphant, regagnait la place qui lui avait été ravie pendant quelques minutes.
Il se tourna vers Sayuki, malicieux.


« Maintenant que cette tête de mule m’obéit enfin, si tu es toujours prête à nous aider, je suis d’avis de sortir d’ici le plus vite possible. »

[HJ : Vraiment désolée du retard T.T. Je trouve mon post pas génial, va falloir que je me remette dedans >.< ].
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MessageSujet: Re: Les vertiges de la pensée [PV]   Les vertiges de la pensée [PV] Icon_minitimeMer 15 Oct - 19:48

[Désolé pour le retard aussi. Mon post risque d’être misérable, après ma pause rp, j’ai du mal à m’y remettre.]


Il ne l’avait pas entièrement oublié. Ou du moins, une partie de son subconscient s’en souvenait, et lui rappelait les événements passés. Ce qu’il ressentait à l’encontre de ces souvenirs, et de l’être qui en était le sujet, était un paradoxe intéressant entre la haine et le désir, un désir de convoitise… Le sentiment qui naquit chez Sayuki suite à ses pensées fut indescriptible. Un mélange de soulagement et d’angoisse. Elle était rassurée, d’un côté, mais s’efforçait de rester totalement impassible, et indifférente par rapport au jeune homme.
Le seul pressentiment qu’elle pouvait avoir en cet instant, était que les choses n’aillaient certainement pas évoluer dans le bon sens, ou du moins, dans le sens qu’elle désirait… Mais que désirait-elle au fond ? Elle n’était pas même capable de fournir une réponse à cette question. Elle désirait à la fois plus, et rien… Tout ou rien, c’était ca. Le tout lui paraissait lointain, et inaccessible, tandis que le rien lui glaçait le sang et lui briser le cœur en milles morceaux.

Sayuki ferma les yeux et se ré-concentra sur la situation actuelle. Child paraissait perplexe par rapport à la réponse que lui avait donnée la jeune femme. Il ne croyait donc pas qu’elle pouvait se trouver ici pour inspecter les lieux ? Ou peut-être ne comprenait-il donc pas… Elle suivie avec attention sa longue réflexion, et elle ne put retenir un léger sourire. La vision qu’il avait des six reines était bien trop idyllique et valorisante pour que Sayuki puisse se coller à ses personnages dit divins. Pourtant, elle était bel et bien une des six reines de Cassilmena… Il est vraie que Nell et Child n’étaient pas encore au courant, et que la plus part des nouveaux arrivants ne connaissaient pas le nom des six reines. Non qu’on n’entende pas parler d’elle, au contraire. Pour sa part, quand elle rencontrait de nouvelles personnes, elle ne disait pas forcément le rang qu’elle occupait au sein de l’île. Les réactions variaient beaucoup, et pouvaient être gênante comme humiliantes. En se plaçant sur le même pied d’estal que ses nouvelles rencontres, elle pouvait ainsi parler librement, sans que son interlocuteur se sente obligé de faire preuve d’une politesse exacerbée.
Le questionnement de Child était certains, pas il n’était en revanche pas sûr qu’il doute de son identité, et de son rang… Elle eu à nouveau à léger sourire, puis ajouta en un chuchotement, d’une voix douce et feutrée :


« C’est mon devoir… »

Pendant que l’elfe s’approchait du méthamorphe, Child maugréa quelques paroles désobligeantes sur son maître. Sayuki n’en prit pas compte, et proposa son aide à Nell tout en se présentant, une nouvelle fois. Sa réponse fut froide et cassante. Avait-il d’autres répliques encore moins chaleureuse en réserve ?
Il ne fallait guère qu’il croit que ce lieu était réservé à des privilégiés. Ce quartier était tout ce qu’il y avait de plus dangereux et de plus malsain, et s’y aventurer était comme risquait sa vie. Bien qu’elle ait du mal à se l’avouer, elle tenait à la vie du jeune homme, et ne l’aurait jamais laissé ici tout seul, sans protection, et ouvert a tous les dangers de la nuit dans le quartier mal famé.


« Ne croyait pas qu’être dans ce quartier soit un quelconque privilège. C’est un danger, et il est de mon devoir de vous mettre à couvert de tout danger »

Dit-elle dans un chuchotement presque imperceptible. Le jeune homme se détourna bien vite d’elle, et se mit à observer deux jeunes filles, pour ne pas dire deux fillettes, reines de la nuit. Le quartier des plaisirs était en effet tout proche de cette ruelle, et les créatures s’y aventurant étaient soit des jeunes filles du quartier en question, soit des fidèles clients, déjà soul et heureux de vivre.
Sayuki ne put s’empêcher d’avoir de la pitié pour ses fillettes, dont la vertu avait été dérobée bien trop tôt. Certaines n’avait pas choisie, et leur destin les avaient guidé là sans qu’elle y puisse quelque chose. La tragédie de leur sort ne pouvait que faire de la peine à l’elfe, qui avait un grand cœur. Cependant, elle éprouvait un réel mépris pour les femmes ayant choisie cette voix, et qui allaient eux même sélectionner leur futures employées. Elles étaient dégoutantes et répugnantes, et ne méritaient pas même un minuscule intérêt.

L’elfe de glace éternelle détourna son regard de ses femmes au moment ou Child bondit sur le sol, et alla rejoindre son maître à contre cœur. Une lueur de victoire brillait dans les yeux de Nell… Elle comprit en un instant ce qu’il venait de se passait, et ses yeux s’assombrirent.
Il était plus qu’évident que le jeune homme ne voulait pas d’elle, et qu’il userait toutes ses forces et toutes les autres forces inimaginables pour ne pas avoir à restait plus longtemps avec elle. Il ne voulait pas lui parler, et ne daigner pas même la regardait. Alors vous imaginez bien que passer encore quelques minutes à ses côtés lui serait plus qu’insupportable.
Elle lui reprochait dors et déjà d’être ainsi, trop fier pour pouvoir se permettre quelques égards, et bien trop têtu.
Au grand étonnement de Sayuki, il ne partit pas sans la remercier de l’aide qu’elle lui proposait, mais la suite et fin de sa phrase fut beaucoup plus déplaisante. Il aurait pu se taire, si c’était pour enfoncer le couteau dans la plaie et la traitant comme « n’importe qui ». C’est sûr, après tout, elle n’était qu’une parfaite inconnue, ils étaient inconnues aux yeux de l’un et de l’autre, et ne comptait certainement pas chercher à ne plus être des inconnue. Cet anonymat leur convenait parfaitement, et tout était parfait ainsi.

Cependant, Child sembla mordre le doigt de son maître, et celui-ci le relâcha immédiatement. L’animal n’avait guère l’intention de quitter l’elfe, lui. Il préférait d’ailleurs largement accepté son aide plutôt que de tourner en rond pendant des heures, rien que pour la fierté de son maître.
Sayuki ne loupa pas le regard miel de Nell qui se refroidit derechef et glaça Child par un regard emplit de reproche. Il finit par se résigner, et à reprendre sa moue râleuse. Child quant à lui retrouva sa place initiale, heureux qu’il était. Il accepta avec chaleur la proposition généreuse de Sayuki. Oui, je dis bien généreuse, car après tout, elle n’avait pas que ca à faire d’aider deux égarés à sortir de ce labyrinthe d’horreurs. Elle devait surveiller et inspecter les lieux, et elle n’avait pas toute la nuit pour cela. Elle essaierait donc de les conduire vers la sortie le plus efficacement possible, en empruntant la route la plus rapide. Néanmoins, elle savait qu’ils feraient sûrement certaines rencontres fâcheuses…


« Très bien, suivez moi c’est pas ici. »

Sans jeter de regard au dédaigneux Nell, elle sortit de l’étroite ruelle et tourna à main gauche au bout de celle-ci. Ils s’engouffrèrent ensuite dans une autre rue sombre, mais moins étroite. Les passants étaient plus nombreux, et il y avait donc moins de chance qu’ils aient des problèmes. Ils passèrent devant un groupe de jeunes prostitués, et les regards de ces demoiselles à l’encontre de Nell n’échappèrent pas à Sayuki. Elle eu envie de les foudroyer du regard, mais n’en fit rien. Elle ne voulait montrer aucun signe qui la trahirait.
A la sortie de la longue rue, ils empruntèrent une rue plus étroite et encore plus sombre, et les passants se réduisaient à présent au nombre de zéro, si on excluait les trois personnes traçants dans la nuit. Sayuki connaissait les quelques risques qu’il y avait à s’aventurer dans une rue déserte, mais après tout, le quartier des plaisirs se trouvait encore à proximités, et les usagers devaient plus se trouver là bas que dans cette ruelle reculée. Les risques de dangers étaient donc assez limités. De plus, cette ruelle était le chemin le plus rapide, et elle souhaitait être le plus efficace possible.
Sayuki n’osait se retourner et croiser les prunelles dorées tentatrice de son tentateur… Elle avait peur des ravages qu’elles étaient capables de faire sur son être, et les détestaient, dans un sens…
Elle les détestait autant qu’elle les aimaient. Mais ses limites étaient nettes et précises cette fois ci, et elle ne s’accorderait aucun égarement. A quoi bon, alors que l’être derrière elle l’avait dors et déjà en partie oublié, après leur première rencontre foudroyante.
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