Délires et luttes nocturnes [PV Alice Elyhndre]

La nuit venait à peine de prendre toute la place dans le ciel, étouffant les derniers rayons de la lumière du jour, et déjà une ombre furtive sortait d'un souterrain. Le ciel n'allait bientôt pouvoir être plus noir, puisqu'avait déjà commencé l'éclipse qui voilerait entièrement la lune, symbole de la lumière qui se cache derrière son ombre, pour mieux revenir plus tard. La nature semblait influencée par celui qui venait de sortir de sa cachette. Ou plutôt, c'était le contraire, l'être qui était influencé par la nature. Sinon c'était un peu des deux. L'être lui-même ne pouvait le dire. Peut-être une vision extérieure saurait-elle confirmer et infirmer les bonnes hypothèses qui s'affirmaient en cet égard au côté obscur.

Dans le ciel, un oiseau. Charognard, le cou dénudé, le bec fait pour dépecer. Les grandes ailes aux plumes jaunes déployées, et les pattes repliées contre son corps, l'oiseau volait en tournoyant, se plaisant lui aussi dans le silence nocturne que rompit soudainement un sifflement strident suivi d'un appel presque innocent.

"Miru! Reviens! Je n'y vois rien!"

Une voix. Masculine, désorientée, confuse. L'ombre furtive ne savait où aller. L'oiseau, en réponse à l'appel, se rapprocha en quelques coups d'ailes de son compagnon, et émit un faible cri, si faible qu'il en était pratiquement imperceptible. Pourtant, l'ombre l'entendit, et suivit l'oiseau, qui semblait le guider vers l'endroit que tous deux cherchaient.

La lune était rouge, presque complètement couverte. Le chaos semblait émerger des derniers rayons de lumière qu'elle voulut bien diffuser, et, bientôt, plus rien ne devint visible pour l'homme.

Aveugle. C'était ainsi qu'il se sentait. C'était l'impression qu'il avait. Il ne voyait rien. Sa vie, la nuit, n'était plus que sons, odeurs, sensations. Ses yeux ne lui apportaient rien. Il se mit à courir, suivant les petit cris et les battements d'aile du vautour. Quiconque l'aurait vu aurait cru à un garçon tout à fait innocent courant dans les prés, ne se souciant pas du fait que la nuit était tombée. Un grand garçon, n'ayant pas vieilli dans sa tête... D'autres auraient pensé à un fantôme, celui d'un gamin mort dans cette plaine à l'herbe trop verte, et dont l'ombre était restée sur terre pour avertir les intrépides. On pouvait presque entendre son souffle dans la légère brise du soir. Certains l'auraient pris pour un présage. Bientôt, un pressentiment lui dit d'arrêter. Son pied frôla une pierre. Il tourna sur lui-même, et ne fut même pas surpris par l'arrivée de l'oiseau sur son épaule. La petite expression de satisfaction de l'oiseau lui signifia qu'ils étaient arrivé.

"En effet, l'ambiance de ce lieu est différente..."

Il savait ce qu'étaient ces pierres, et ce qu'elles signifiaient. Il ne se sentait pas si étranger à ce lieu... Peut-être les superstitieux avaient-ils raison... Peut-être était-il quelqu'un d'autre... Peut-être n'appartenait-il pas à ce monde... Cet homme à l'allure jeune, avec ses traits réguliers, ses cheveux presque noirs, ses yeux violets...et sa peau si pâle... Cet homme qui, soudainement, se mit à rire, comme aux prises avec des spasmes malsains incontrôlables. Un rire qui semblait déchiré, un rire qui semblait déchirure. Déchirure entre deux sentiments, entre deux états de conscience, entre deux personnes, peut-être. Un rire qui ne semblait appartenir à la joie, mais plutôt à la douleur, et à un sentiment étrange, indéfinissable.

"Mais qu'est-ce que je fais ici?"

Nouveau rire, nouvel éclat de folie.

"Ici, parmi les morts, parmi ceux qui sont tombés pour ne jamais plus se relever!"

Un rire qui semblait aussi furieux qu'il n'était fou, un rire malsain.

"C'est vrai, je SUIS MORT!"

Quiconque aurait eu la "chance" d'assister au spectacle aurait hésité à bouger, de peur qu'il n'entende. À genoux par terre, il faisait peur à voir. Et pourtant, L'oiseau semblait habitué aux crises, posé sur la pierre un peu plus loin. L'innocence avait quitté, déserté, pour laisser place à une folie qui faisait presque pitié. Chacun des gestes était empreint de douleur, de lutte...

"S'IL Y A QUELQU'UN QUI ÉCOUTE, POURRIEZ-VOUS M'EXPLIQUER CE QUE J'AI FAIT POUR MÉRITER CE QUE J'ENDURE PERPÉTUELLEMENT?"

Alice marchait d'un pas furtif dans les rues. Sa démarche était gracieuse, presque une alerte signifiant qu'elle dansait tout en avançant vers le futur, incertain et toujours aussi effrayant à ses yeux. Tandis que le grelot d'Akira chantait en harmonie avec la mélodie folklorique de ses pas dansants, la silhouette de cette jeune femme tournait, sautillait, puis s'arrêtait avant d'exécuter quelques pas plus romantique, puis repartait de plus belle, toujours plus libre, toujours plus gracieux.

*Akira, il faudrait un jour que je t'apprenne à danser sur deux pattes, à moins qu'une idée me vienne afin que tu puisses danser sur deux pattes...*

Cette pensée la fit sourire. En fait, chaque pensée qu'elle pouvait avoir l'amenait à sourire, parfois à rire. C'était un peu ses roues de secours face a la vérité cruelle qui l'habitait depuis tant d'années, depuis l'abandon dont elle avait été victime. Depuis que ses propres parents, son sang, l'avait jeté de leur maison. Oui pour elle, chaque nouvel idée ou envie était une véritable sauvegarde de sa joie nonchalante.

Un pas de danse décisif la fit se stopper net et dans un silence presque affolant. Tout en regardant autour d'elle, elle entendait une voix vague au loin, semblable à un cri, ou bien autre chose ? elle était trop loin pour le percevoir d'une meilleure façon. Son handicap vocal avait développé la sensibilité de ses sens restant, et cela lui avait plus que servi au cours de sa triste vie solitaire. Son doigt vint se poser sur ses lèvres, indiquant à Akira de descendre et d'inspecter les lieux en silence. Si il se passait quelque chose ici, elle espérait pouvoir aider, au moins, bien que ce serait de manière vive et unique, ne désirant pas apporter de malheurs à l'éventuel personne concerné.

*Akira*On se retrouve près de l'entrée de ces catacombes, là bas.* Indiqua-t-elle secrètement tout en pointant du doigt sans lever sa main, vers le lieu dit.

Puis sans se retourner elle entama une marche parfaitement silencieuse, reprenant presque un rythme de danse, tout en regardant autour d'elle, s'attendant à voir quelqu'un dans le besoin. Pendant plus minutes, qui passèrent lentement, Alice scruta ainsi le cimetière dans lequel elle s'était rendu, cherchant désespérément un visage à mettre sur le vague écho qu'elle avait perçut quelques temps plus tôt.

Soudain, ce fut un nouveau cri qui résonna, cette fois ci c'était confirmé, il s'agissait d'un humain, ou du moins d'une voix masculine. Elle était beaucoup plus audible que précédemment, et Alice s'empressa d'aller en sa direction. Soudain un nouveau, comme si l'homme parlait, à qui ? Alice n'aurait su répondre à cette question là. Elle ne sentait aucun autre son dans l'air, hormis sa respiration, la voix désespéré, et les pas d'Akira lorsqu'il était près. Alors qu'elle dépassait la tombe d'une de ses amies, qu'elle était venue prier par cette nuit ténébreuse, Alice entendit cette fois la voix masculine parfaitement, toute proche. Elle bifurqua, et s'arrêta net face à la scène sous ses yeux, tandis que le hurlement s'enregistrait dans son esprit au taquet.

"S'IL Y A QUELQU'UN QUI ÉCOUTE, POURRIEZ-VOUS M'EXPLIQUER CE QUE J'AI FAIT POUR MÉRITER CE QUE J'ENDURE PERPÉTUELLEMENT?"

Quel question, Alice ne put s'empêcher de retenir sa respiration pendant une trentaine de seconde, sous se spectacle. Première fois pour elle qu'elle voyait quelqu'un d'autre véritablement dans la souffrance et la folie, un peu comme elle au fond. Sans réponses, sans aide, sans personne à qui le dire. Sans MOYEN de le dire, dans son cas. Akira était à côté d'elle blotti dans un petit buisson, qui était peut être un rosier en fait, Alice sentait un doux parfum de fleur a ses pieds, alors elle était quasi certaine des fleurs. Secouant vivement la tête, elle entama un pas vers le jeune homme accroupi au milieu des tombes, levant par la même occasion une main comme si elle en avait besoin pour l'atteindre, ce qui était peut être le cas au final, perdu dans ses ténèbres quasi totale, elle ne percevait que de façon médiocre les formes, sans doute un autre avantage à avoir perdu un de ses sens. Puis, presque par bouclier, elle s'empressa de communiquer avec cet homme, par le seul moyen qui lui restait possible d'utiliser : Sa faculté de s'exprimer par les pensées.

*Auprès de l'inconnu* Pardonnez moi, je sais que je ne suis probablement pas à ma place à se moment précis, mais je vous ai entendu depuis assez loin, auriez vous besoin d'aide par hasard ?*

Son "ton psychologique" était neutre, zen sinon, mais peut être un peu anxieux quand même. Elle ne voulait pas qu'il aggrave son état par la seule faute de la présence d'une petite demoiselle. Elle espérait en fait pas du tout qu'il pense à fuir ou a se faire du mal à cause d'elle, surtout pas. En y pensant, Alice se dit qu'elle ne supporterait peut être pas un tel rejet, si même les gens dans le besoin venait à avoir peur d'elle... Vers qui saurait-elle se tourner ? Akira n'avait que rarement besoin d'elle, un chat savait s'auto-gérer pour quasiment toute les choses qui lui était vitale. Avançant d'un nouveau pas vers l'ombre de cette voix masculine, Alice espérait à chaque souffle qu'il allait simplement accepter son aide, même si cela consistait juste à refaire un lacet, lui tapoter l'épaule, ou que savait-elle, lui offrir un peu d'eau...

En pleine crise existencielle, Matis délirait, littéralement, et son esprit s'était perdu dans les ombres, courant quelque part en rond dans la noirceur, tentant de retrouver le corps qu'il devait habiter. Mais alors que la folie semblait atteindre son point le plus fort, le plus destructeur, une voix inconnue retentit dans sa tête.

*Auprès de l'inconnu* Pardonnez moi, je sais que je ne suis probablement pas à ma place à se moment précis, mais je vous ai entendu depuis assez loin, auriez vous besoin d'aide par hasard ?*

Il lui fallut un moment pour que le message se rende, et qu'il soit interprété, et le vampire fixa sur la nouvelle arrivante deux globes oculaires violets pratiquement exorbités, et ses traits momentanément tirés lui donnaient l'air d'être fou à lier, ce qui n'était peut-être pas si loin de la vérité, après tout... Aussi, les questions qui venaient à l'esprit pour le moment dérangé du vampire étaient simples, et prononcées directement, d'un ton qui dévoilait l'état d'esprit du jeune homme, et à un débit très rapide.

"Pourquoi tu ne peux pas parler? Qu'est-ce qui t'empêche de te prononcer? Qu'est-ce qui fait que la vie, le MONDE(!) t'a forcé à te taire?"

La respiration saccadée. Les lèvres presque retroussées qui dévoilaient en partie les canines pointues du mort-vivant, et la nature qu'il tentait tant bien que mal de refouler. Une hostilité pure. Mais pas envers la nouvelle arrivante, non, pas envers elle. Elle pouvait comprendre...peut-être... Une hostilité envers le monde, envers tous ceux qui l'avaient rejeté, abandonné, dans les moments où il aurait eu le plus besoin des autres et de leur soutien. Il aurait préféré mourir, plutôt que de s'abreuver de sang. Même sa famille l'avait renié. Et l'espoir de trouver en le seul être qui ne fut pas au courant de son état l'avait mené où il était. Mais le mal continuait de progresser... Ce même mal qui le déchirait, qui lui faisait réaliser qu'il finirait peut-être par devenir un prédateur pur, sans âme possédant des valeurs humaines, ayant seulement un instinct de tuer, comme seul atout, avec des griffes qui tendaient à pousser, et des dents qu'il possédait déjà. La simple pensée de ce mal l'horrifiait, et il se laissa tomber à plat ventre par terre, encore en plein délire, mais ses plaintes approchaient les sanglots, et jamais il ne pleurait en crise de folie.

"N'y a-t'il personne qui puisse comprendre, qui puisse m'aider? J'en ai marre, je n'en peux plus... Si seulement quelqu'un pouvait m'aider, simplement me dire que tout ira bien..."

Quelques spasmes désespérés commençaient à secouer sa poitrine, comme s'il allait bientôt pleurer. En fait, c'était le signe que le retour de sa lucidité était proche...