En plein ciel (pv)

Yilna ferma les yeux concentrée sur son ascension, plus haut toujours plus haut encore plus haut. Elle aurait pu s’arrêter bien avant, elle était suffisamment en hauteur mais elle continua à monter encore et encore, ses pieds nus s’écorchant parfois sur la pierre abrupte la karnash continuait de monter. La falaise était presque à la verticale, les prises se faisaient de plus en plus rare mais la jeune femme ne s’en souciait pas, elle était toute entière à son escalade, il n’était pas question d’échouer encore cette fois ci.

Yilna finit par s’arrêter, elle était suffisamment en hauteur cette fois, de toute façon elle ne pouvait pas monter plus haut. Elle posa son katana sur le sol et l’observa un moment, peut-être qu’elle devrait l’utiliser ? La karnash ferma les yeux et le remit en place sur son dos, elle avait pris une décision elle s’y tiendrait. Le vent souffla lui ébouriffant les cheveux, lui hurlant son amour, la karnash ferma les yeux et respira profondément. Pourquoi ? Voulait-il vraiment savoir pourquoi ? Trop de souffrance et de folie… Yilna ne savait plus comment avancer ni même pourquoi continuer, elle avait déjà tout perdu, elle s’était rendu compte qu’elle n’était qu’une âme errante, une âme qui avait trouvait le moyen de se piéger dans son propre esprit. Le vent souffla plus fort devinant les sombres pensées de la karnash, sombre pensées qui lui avait traversé trop de fois l’esprit.

Yilna s’approcha du bord et regarda en bas, elle voyait à peine le sol, cette fois-ci elle ne pouvait pas échouer. La jeune femme repensa alors à son enfance, ces instants si précieux de bonheur avec son père adoptif, le bonheur qu’elle n’aurait jamais connu sans lui. Bonheur qui avait volé en éclat lorsqu’on lui avait pris sa vie. La karnash avait alors tué pour la première fois, mais cela n’avait pas apaisé sa souffrance, son père n’était pas revenu. Elle était alors partit, loin très loin, comment aurait-elle pu savoir qu’elle s’exilait vers le pire des enfers ? Comment aurait elle pu savoir qu’elle finirait par revenir plus détruite qu’elle ne l’était en partant ? Comment aurait-elle pu savoir qu’elle n’aurait sans doute probablement jamais du partir ? Yilna respira profondément éloignant la douleur qu’évoquaient ses souvenirs, il fallait qu’elle se libère l’esprit, elle était venue ici pour ne plus avoir à souffrir, ne plus être cette personne si paradoxal incapable de trouver la paix, cette personne si déchirée qui n’avait fait que tomber encore et encore. Tout ce qu’elle avait accompli pour arriver jusqu’ici ne valait plus rien désormais puisque tous ses efforts avaient été réduits en poussière…en partie par sa faute.

Le vent cessa de souffler puis repartit de plus belle, Yilna eut un sourire triste, le vent son fidèle allié, jamais il ne l’avait abandonné, mais même lui ne suffisait plus, c’était trop tard à présent. La karnash fit un pas en avant, elle avait toujours adoré voler, la chute serait facile, le problème n’était jamais la chute, mais l’atterrissage. La karnash regarda une nouvelle fois le ciel puis se laissa tomber en avant dans le vide, à cette distance elle ne devrait pas pouvoir se régénérer toute seule

Le vent souffla alors avec violence comme s’il essayait de lutter contre les lois de la gravité, pendant un instant, l’espace d’une seconde, Yilna sembla flotter dans les airs, mais la karnash n’aidait pas son élément et elle recommença à tomber. Yilna ferma alors les yeux, elle crut entendre des battements d’ailes mais elle les ignora, tout cela n’avait plus d’importance, les dernières secondes qui lui restaient devaient être des secondes de vide et de liberté absolue, qu’au moins juste une fois elle puisse être totalement apaisée.

Yilna ferma son esprit et s’oublia…. Le choc fut brutal….mais elle n’était pas sur le sol…la karnash rouvrit les yeux.

Les cieux.... autrefois elle vécut dans ce royaume blanc, frais et doux. Autrefois, elle était naïve et ignorait tout de la terre, n'en connaissant que les préceptes qu'on voulut bien lui conter lors de son apprentissage angélique, celui qu'elle aurait dû suivre si elle avait été une bénéfique. Autrefois, elle était sur les traces des anges gardiens, ces êtres qui protégeaient autrui, ces êtres qui vivaient pour leur prochain, oubliant alors leur propre désir et existence, des soldats du bien qui se battait pour la vie des autres... Tout cela... c'était autrefois. Une vie oubliée, une vie du passé à laquelle elle n'aspirait plus depuis tant d'année maintenant. Elle qui fut ange, avait désiré une vie bien à elle. Etait-ce égoïste? Peut-être... ce fut ainsi que les anciens le perçurent. Le bien d'autrui avant le sien, voilà ce qu'on lui dit. Mais n'était-elle pas un être comme tous les autres? N'avait-elle pas droit au bonheur? " Ton bonheur sera dans celui des autres ". Voilà le discours qu'on lui tint. Pourquoi? Pourquoi lui refusait-on cela? On lui vola ce qui aurait pu être ses bonheurs... On lui vola et la déchéance fut sienne. Sa vie n'était plus au ciel, elle n'était pas comme eux, elle se refusait à suivre leur folie parmi autant d'hypocrites. Non.... la jeune femme qui portait le nom savant de la Grande Ourse commit l'irréparable pour briser ses liens, ses chaînes....

Les cieux. C'était étrange les ressentiments que cela évoquait chez notre Faucheuse. Elle ne les aimaient plus, cependant, on ne pourrait nier l'incroyable sensation de liberté qui nous gagnait lorsque l'on planait, lorsque l'on prenait les courants, que l'on sentait le vent sur ses joues. Divine sensation.... un blasphème pour une ange noire comme elle. Mais qu'importe, elle avait toujours été pleine de contradiction, et ce, depuis sa naissance. La seule être pure a avoir des cheveux aussi noirs que les ténébres, un regard aux septs péchés, une démarche de démone et pourtant.... elle fut tout ce qu'il y avait de plus pure et d'angélique dans son passé. Quelle splendide ironie.

Callisto volait à ces instants même, fouettant le vent sifflant dans ses plumes d'ébène, femme-oiseau ne serait-ce que pour un moment éphémère. Elle était si majesteuse alors, cette déchue là, accompagnée de son oiseau de mauvaise augure, Abel. Son corbeau se montrait bien sage, profitant alors du temps qu'il pouvait passer avec sa tendre maîtresse. Aucun bruit, aucun croassement, il apréciait simplement. Néanmoins, il ne pouvait s'empêcher d'être dans l'inquiétude. La jeune femme n'avait pas dit un mot depuis un certain moment, et son regard était si terne que l'on aurait pu croire qu'elle ne s'attachait plus à la vie. Pourtant, il n'y avait rien de tout cela.

La faucheuse rêvait, elle se perdait dans ses songes, elle se rappelait, se remémorait ses vieux souvenirs. Cependant, le tout était ponctuait par la douleur. Ses ailes.... cela faisait si longtemps qu'elle ne volait plus, aujourd'hui était un entraînement, une façon de se réunir à nouveau en parfaite symbiose avec son symbole maléfique. Callisto n'avait plus jamais retrouvé le courage de les ouvrir pour prendre son envol, marchant sur la terre comme si elle avait des boulets enchaînés à ses chevilles. Mais brusquement, le rêve s'achevait....

Abel croassa soudainement. Son présent unique oeil perçant srcuptait alors les alentours depuis un moment. Il y avait quelques secondes, il avait cru voir une silhouette sur une falaise en contrebas, mais elle avait sauté. En tant que bonne sentinelle, il rapporta l'information à sa maîtresse qui trouva cela étrange, une silhouette qui disparait, une seule silhouette.... Instinctivement, elle porta ses yeux rosés en direction du sol et elle put confirmer elle-même la présence de quelqu'un qui venait de sauter.

Qu'il était dommage d'achever sa vie ainsi, un grand plongeon pour mieux disparaître une fois que l'on aurait percuté le sol. C'était bien horrible. Ou horrible et familier. Callisto se souvenait parfaitement le jour où elle quitta les cieux en plongeant dans le vie, mais elle, elle était pourvue d'ailes, et cette pauvre âme perdue. Cela ne devait pas être le cas.

Surprenant alors brusquement son propre compagnon, la Faucheuse piqua rapidement et à une vitesse fulgurante en direction du corps en chute. Sans surprise, elle reconnut là une femme mais qui ne bronchait pas. Etait-elle évanouie? Non... elle appelait la mort, elle la désirait. L'ange pouvait le ressentir au plus profond d'elle-même. Elle fut autrefois comme cela, se sentant aussi riche en émotion et pauvre en conscience, vouloir disparaître parce que tout n'était que douleur. Mais elle avait compris aussi que la solution ne résidait pas dans cette délivrance ultime.

Tendant ses deux bras frêles, elle saisit à la taille la jeune femme, l'arrêtant nette dans sa tombée puis l'enserrant contre elle. Ses ailes battirent alors lourdement, faisant du surplace et là, Callisto murmura simplement et agréablement à l'oreille de celle qui attenta à sa propre vie, des mots compatissants.

" Là n'est pas la solution mon enfant... Je crois que tu peux offris au monde encore beaucoup. Il n'est pas l'heure pour toi de t'éteindre. "

C'était comme si pour cette seconde là, Callisto avait volontairement endossé son rôle d'ange gardien qu'elle s'était refusée autrefois. Pourtant,, il n'y avait rien de calculé dans son geste, tout n'était que spontanéité. Elle était envahie par un étrange pressentiment. Cette jeune femme là ne devait pas mourir, pas encore. Donner du sens à une vie, Callisto le pourrait peut-être.... en espérant que cela lui serivira un jour. Il ne fallait pas l'oublier, l'ange déchue n'en restait pas moins une femme dont les ténèbres avaient enfouis son coeur dans de l'encre noire.... Cependant, elle n'avait pas encore ce genre d'idée en tête....

Yilna mit un moment à réaliser qu’elle se trouvait dans les bras d’une femme. Elle l’écouta d’abord silencieuse, incapable de savoir ce qu’elle éprouvait à la vue de ses ailes noires qui la maintenait en l’air et par la même occasion en vie, et quoi répondre à cette phrase qui avait pénétré profondément en elle ? Offrir au monde ? Yilna n’y croyait plus…
Puis vint la colère, qui était-elle pour l’empêcher de mourir ? Pourquoi n’arrivait-elle à rien ? Pas même à s’ôter la vie ? La karnash s’agita avec violence pendant un bref instant, bref instant qui fut suffisant pour les agitaient fortement, puis soudainement Yilna s’immobilisa statue vivante fixant le vide sous elle.

« Pourquoi ? Pourquoi même ça… ça n’a aucun sens…je n’arrive à rien… »

Yilna soupira elle ne comprenait pas pourquoi l’ange déchu l’avait sauvé puisque tel était le cas, bien que le sauvetage ne soit pour l’instant qu’uniquement physique, elle l’avait juste empêché de s’étaler sur le sol. La karnash ferma les yeux et respira profondément elle sentit la douce caresse du vent et elle regarda une nouvelle fois en bas. Comme les dernières fois de sentiments se confondaient en elle, le soulagement et la douleur, soulagement d’être encore en vie, douleur de n’être pas morte. Comme beaucoup de chose Yilna était souvent tailladé entre la vie et la mort, sur un fil tenu et parfois comme aujourd’hui elle basculait d’un côté ou de l’autre. Enfin qu’importe la karnash pour le moment ne voulait pas choisir, elle était remontée sur le fil, elle n’aurait plus qu’à se plonger dans ce drôle d’état pas morte mais pas vraiment en vie non plus. Une idée saugrenue traversa alors l’esprit de la karnash, elle releva la tête vers l’ange, l’ange déchu… elle se souvenait très bien des paroles de son père alors qu’elle ignorait encore qui elle était vraiment, à l’époque elle n’y avait pas prêté attention mais après cela était venu la hanter comme beaucoup d’autres choses du reste.

« Vous êtes une déchue ? Une déchue ! »

Un grand sourire traversa le visage de Yilna, sourire qui n’avait rien de joyeux plutôt un sourire douloureux et triste plein de rancune et d’incompréhension. La karnash se rappelait encore avec qu’elle hargne son père lui avait dit un jour que les karnash étaient des déchus, qu’ils avaient été grands et beaux mais qu’à présents ils ne valaient plus grand chose, Yilna encore trop jeune pour se préoccuper de telles paroles les avaient néanmoins conservés dans un coin de son esprit, car après tout elle était elle-même une karnash et à l’époque elle ne se trouvait pas le moins du monde moins que rien quant à déchu, elle n’avait pas vraiment ce genre de notion en tête.

« S’il vous plaît posez-moi, je ne vais pas sauter à nouveau, pas dans l’immédiat en tout cas, il serait bête de penser que cette fois ci marcherait mieux que les dernières »

La voix de Yilna était devenue curieusement lointaine, en réalité elle était en train de se fermer à nouveau, s’éloignant le plus possible de ses sentiments néanmoins sa position le les lui rappelait trop. Elle s’agita d’ailleurs à nouveau puis se mit à hurler à nouveau sans raison apparente passant d’une extrémité à l’autre, c’était comme si elle perdait totalement le contrôle de ses nerfs. Yilna ferma alors les yeux et se fondit dans le vent pour se dégager avec douceur de l’emprise de l’ange, elle atterrit sur la falaise, à l’endroit exact ou elle avait plongé. Elle regarda en bas, se retourna saisit une pierre et la jeta de toutes ses forces dans le vide, ce geste avait beau être totalement puéril il était également très relaxant, bien que l’apaisement soit minime et éphémère.

Se calmer, il fallait qu’elle se calme, c’était la priorité…Des choses à offrir au monde ? Comment pouvait-elle le savoir ? Mais peut-être était-ce vrai, peut-être que l’ange déchu avait seulement voulut l’aider. Oui sans doute mais Yilna était trop énervé pour s’en rendre compte.

Callisto venait de s'enrôler dans une histoire qui ne la concernait pas, néanmoins ce fut en toute connaissance de cause qu'elle s'immiça ainsi dans la vie d'une karnash. Pourquoi cette volonté soudaine de sauver la vie d'une inconnue? Elle n'avait savait rien, tout n'était de l'ordre que de la spontanéité. Parfois, il n'y avait pas besoin de raison pour tendre la main à quelqu'un.... Pourtant, l'ange noire pourrait parfaitement comprendre que de venir ainsi ombrager un projet de mort était assez frustrant, mais elle sentait que c'était une bonne chose. Un profond préssentiment l'avait saisi au fond d'elle, et la jeune femme suivait souvent ses instincts, jusque là, cela ne lui avait point jouer de mauvais tour.

Tenant alors dans ses bras la rescapée, voilà que celle-ci s'agita alors pendant un bref instant, comme désireuse qu'on la lâche pour qu'elle reprenne sa longue chute. Son envie de mort était donc si forte? Peut-être pas, parce qu'elle cessa.... Une inconnue venait de lui sauver la vie, et elle se sentait même capable de lui offrir des raisons de continuer son chemin. De quel droit? Elle n'en savait rien, mais elle ne comptait pas lui imposer la suite des évènements. La karnash serait libre de se jeter dans le vide à nouveau, Callisto s'abstiendrait de la retenir si tel était son souhait. Mais sur le coup, elle la serra un peu plus contre elle, lui soufflant maternellement un "chuuuuuuuut", qui se voulait calmant.

Quand enfant la jeune fille se calma, l'ange noire donna une réponse en échos à la soudaine affirmation de celle qu'elle venait de sauver. C'était donc cela ? Elle ne se sentait pas capable d'accomplir quoique se soit? Alors il fallait lui trouver un but, un objectif... l'aider à retrouver un semblant de confiance. Sans nul doute que ces malheurs venaient d'une solitude qu'elle ne parvenait pas à comprendre. Callisto savait le fardeau que cela était, elle se rappelait O combien elle n'était plus que l'ombre d'elle-même après sa déchéance, seule, si seule autrefois... Présentement, elle avait un compagnon corbeau. Aussi minimale soit cette présence, elle apportait énormément à la Faucheuse, mais aussi savoir qu'il y avait des gens qu'elle aimait sur ces terres, c'était une idée réconfortante. C'était peut-être cela dont elle avait besoin cette karnash... une présence.

La jeune femme aux yeux rosés avait étrangement pitié de cette situation. Mais se sentait-elle capable d'incarner cette présence amicale, un soutien dans la vie de cette femme qu'elle ne connaissait pas encore? Un défi. Avait-elle l'étoffe pour le relever? Nous le verrons bien....

" La mort viendra te faucher en temps voulu. En attendant, il te faut donner du temps au temps. Tu finiras biens par trouver et arriver à ce que tu souhaites. Mais sais-tu vraiment ce que tu désires? As-tu seulement un désir? En as-tu pris conscience? "

La déchue venait de poser des questions toutes bêtes, emplies de simplicité mais qui en disait long lorsque l'on ne savait pas répondre. Cela signifiait tout simplement qu'il fallait prendre une pause pour réfléchir, qu'il était temps de se reposer et faire le point.

Ce fut à ce même instant que l'inconnue tourna la tête vers Callisto, la regardant et se rendant compte qu'elle était une ange déchue. La Faucheuse se sentit curieuse à ce moment là. Sa race avait-elle si mauvaise réputation? Possible... On ne pouvait pas dire que ses congénères faisaient preuve de clémence. Ironique non? Lorsque l'on savait que tous venait d'une descencande angélique, des gens qui se devaient bienveillants au départ mais dont leur route les mena au ténèbre. Quoiqu'il en soit, notre dame resta muette, le visage doux néanmoins.

Elle jeta par la même occasion un regard en biais vers son camarade Abel qui volait à ses côtés. Le corbeau la suivait partout et en tout occasion, sauf si elle venait à lui donner un ordre interférant avec ses désirs. Si cela ne tenait qu'à l'animal, sa possessivité serait bien plus grande. Heureusement, sa maîtresse trouvait toujours bien des façons de le calmer et de le remettre à sa place, tout en se montrant particulièrement douce avec lui.

Et enfin, la karnash retrouva un semblant de raison, demandant alors qu'elle reoigne le sol, mais de façon plus appropriée. Tranquillement, Callisto rebattit ses grandes ailes dans de larges mouvements, émettant alors de grandes bourrasques sans le vouloir. Doucement, elle entama simplement leur descente, de telle façon à ne pas brusque la jeune fille qu'elle tenait toujours fermement dans ces bras. La demoiselle s'agita quelques nouveaux instants, puis se calma. C'était comme des convulsions. Puis elle se dégagea elle-même des bras de l'ange, se disperçant dans le vent mais elle rejoingnit calmement l'endroit d'où elle avait sauté.

Abel lui, était descendu à plus grande vitesse et attendait sagement sur une branche morte, perché. Lorsque les deux jeunes femmes furent présentes sur le flanc de la falaise, celui-ci se mit à croasser comme une sorte de bienvenue. Callisto acquiéça étrangement puis tendit le bras. Là, son compagnon vint sur elle, remontrant légèrement sur son membre pour se poster sur son épaule.

Toujours dans une infinie délicatesse, elle tapota les tissus de sa robe pour qu'elle repenne forme, et repoussa ses cheveux en arrière. A ce mêmes instants, ces ailes noires se relièrent puis disparurent de son dos. Comme si celles-ci n'avaient jamais été présentes. Pendant ce moment là, la karnash elle, jouait l'enfant et jetait des pierres dans le vide. C'était un comportement que l'ange déchue ne comprenait pas vraiment mais bon.

" Contre qui es-tu donc si en colère? Lancer des pierres ne te soulagera pas.... Pourquoi donc être arrivée à une si grande extrémité que la mort? D'après ce que tu as dit, ce n'est pas ta première tentative. N'as-t-u pas compris que la mort ne veut pas de toi dans son royaume? Et si c'est le cas, c'est que tu as des choses à faire ici..."

Un sourire se dessina alors sur les lèvres rosées de Callisto quand celle-ci s'avança vers la karnash calmement, tendant sa main vers elle, une main amicale.

" Je me nomme Callisto. Mon compagnon se prénomme Abel. Et toi? Quel est donc le nom de la jeune fille qui souhaite tant faire un avec la terre? "

Yilna resta silencieuse, ne répondant à aucune des phrases de l’ange déchu qui pourtant l’avait percuté avec force, car Callisto comme elle se présenta avait touché juste. La karnash regarda une nouvelle fois dans le vide et ferma les yeux puis se retourna vers sa sauveuse. Elle ne savait pas trop ce qu’elle ressentait à son égard, pourtant étrangement elle ne lui en voulait pas. Que devait-elle faire ? Pouvait-elle partir et la laisser en plan ? Elle pouvait le faire mais Yilna n’en ressentait pas l’envie, en réalité les paroles de l’ange résonnaient dans son être et tourbillonnaient dans son esprit.

« Je me nomme Yilna… »

La voix de Yilna était presque un murmure, elle lâcha la pierre qu’elle tenait dans la main et se laissa tomber sur le sol, laissant de côté la barrière qu’elle érigeait habituellement Yilna se prit la tête entre les mains et respira profondément, puis elle revint vers la déchue, se tordit les mains et se figea brusquement.

« Je suis en colère contre moi-même et si la mort ne veut pas de moi je ne suis pas sûre que la vie me désire ou bien peut-être est-ce simplement moi le problème…je ne sais pas ce que je fais sur cette terre, j’erre de ci de là sans savoir pourquoi quant à mes désirs et mes rêves…ils se sont envolés il y a longtemps. »

Quand exactement Yilna n’aurait sut le dire. Etait-ce lorsque son père était mort ? Ou bien lors son amant s’était sacrifié pour elle ? Ou encore lorsqu’elle avait tué son deuxième père, biologique cette fois-ci ? Peut-être était-ce au moment où elle avait renoncé à ses propres rêves pour construire celui d’un autre et ou elle s’était finalement perdue en chemin se piégeant dans son propre esprit. Peut-être était-ce bien avant encore lorsqu’à trois ans elle avait vu son frère mourir pour qu’elle vive ou bien après sa première tentative lorsqu’elle s’était rendu compte qu’elle avait survécu sans raison à tous ceux qui n’avaient jamais compté pour elle. La karnash savait néanmoins que la dernière rupture s’était produit, il y a peu, lors des catastrophes naturelles, mais comment avouer que son esprit déjà fissuré avait faillit se détruire complètement en voyant la nature ce qu’elle avait été incapable de faire jusqu’à maintenant ? Comment avouer qu’elle avait cessé de lutter contre sa propre folie ne trouvant plus aucune raison pour le faire ? Elle la guerrière avait cessé de se battre il y a longtemps, elle avait abandonné la partie…. Et pourtant elle était toujours là. Yilna posa une nouvelle fois son regard sur la déchue, elle ne la comprenait pas néanmoins elle serait peut-être capable de répondre à une des nombreuses questions qui la tenaillait, une question que Yilna avait réussit à refouler et à enfouir et qui pourtant revenait la hantait si souvent.

« Comment avez-vous vécu votre déchéance ? Mon père disait que j’étais pareil au déchus, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi… »

Yilna savait cependant que cela l’avait atteint plus qu’elle n’avait voulu l’admettre et c’était peut-être pour cela qu’elle avait refusé pendant un instant son amour pour le sang. Mais quoi qu’elle fasse, elle s’était toujours retrouvée confrontée à sa nature, elle avait finit par admettre que pour être elle-même il fallait qu’elle trouve l’équilibre entre nature et sang entre vie et mort, équilibre qu’elle ne parvenait pas à atteindre et qui l’avait rongée de l’intérieur. Yilna avait beau avoir cessé depuis longtemps de se poser des questions sur la voie à suivre, elle avait beau avoir compris qu’elle n’était pas de ses anciens karnash adorant la nature, elle était partagée entre les deux passions de sa race, et plutôt que de choisir un camp elle avait choisi d’accepter les deux. Mais il lui était impossible de céder aux deux en même temps. Elle n’y arrivait que lorsqu’elle succombait à sa folie et la karnash luttait de toutes ses forces contre sa propre folie. Il était ironique de constatait à quel point elle s’acharnait à se combattre elle-même et par la même occasion à s’autodétruire sans s’en rendre compte…

Callisto faisait alors face à un mur de pierre. La jeune karnash n'était que peu bavarde et vraisemblablement, elle ne désirait pas plus parler que cela. Ho, ce n'était pas un ennui pour l'ange aux ailes noires, elle ne savait que trop que parfois les mots étaient insuffisants pour exprimer ce que l'on ressentait, un simple regard était amplement plus significatif que de bien long discours. C'était d'ailleurs un bien meilleur language que celui des yeux, et la Faucheuse le parlait avec beaucoup de facilité à vrai dire.

Mais le contact se fit, et la jeune fille se prénommait Yilna. Que voilà un bien joli prénom. Simple, sobre, mignon. Mais Callisto n'était point présente pour tagiverser sur l'éthimologie du nom de la karnash. Et là, cette même demoiselle lâcha enfin la pierre qu'elle enserrait entre ses mains, qu'elle souhaitait jeter avec colère et rage du haut de la falaise. Si cela avait été ainsi, il fallait espérer qu'il n'y avait point un malchanceux aux pieds de celle-ci.

Puis, de manière assez tendue, Yilna dévoila alors les ressentiments qui noircissaient son coeur. Elle avait beaucoup de violence qui sommeillait dans ses chairs à l'évidence, beaucoup de rancoeurs et de non-réponse. Le discours de la karnash était empli de tristesse, on sentait qu'elle souffait, on le sentait.... et empathiquement, l'ange déchue ne pouvait qu'être réceptive à son mal. Elle eut déjà passé par cette période si difficile, celle de vouloir défier la mort, celle de vouloir tout simplement rejoindre la rive des âmes perdues.... Pourtant, Callisto était encore vivante, elle avait même survécu aux terribles aléas de la nature qui immergèrent les anciennes îles, elle-même présente sur l'une d'elle à ce moment là. Les vagues avaient tourmenté son corps, le blessant, mais se refusant à le tuer. Non... la jeune femme devait vivre pour ses desseins, pour retrouver la sérinité, et non celle de Hadés dans son royaume.

Affichant alors une petite moue en pleine réflexion, la jeune femme aux longs cheveux d'ébène finit par sourire légèrement. Certes, ses mots ne pourraient jamais combler un coeur blessé, néanmoins, peut-être l'apaiser ne serait-ce qu'un peu.

" Mmmm... Tu apprendras avec le temps.... le pourquoi de ta présence sur terre. Parfois, il faut toute une vie pour le savoir mais.... cela vaut peut-être la peine de continuer, non? Connaître la vérité... enfin. Et il existe tant de vérité à connaître. Mais vois-tu, je crois que tu es simplement une jeune femme qui s'y prend mal... Je te qualifierais... Mmmmm... de maladroite avec la vie. Ho! Ne le prend point mal, ce n'est pas mon intention, et certainement que je suis la moins bien placée pour te le faire remarquer mais.... Lorsque nos anciens désires et rêves se sont envolés, il faut s'en créer de nouveau. Tu es une karnash... tu n'as pas à porter le poid de ton passé, tu as la possibilité d'aller de l'avant... Pourquoi te mets-tu toi-même des bâtons dans les roues? Pourquoi penses-tu que tu es ton plus gros problème? Pourquoi refuses-tu de vivre simplement? Qu'est-ce qui peut t'empêcher ainsi.... de vivre? "

C'était assez ironique d'entendre Callisto tenir pareil speech, c'était même bien contradictoire. Mais les évènements présents l'avaient poussé à voir les choses différents... et puis ses ambitions nouvelles étaient nourries par sa rage, elle ne vivait plus que pour cela et pourtant... elle ne pouvait se résoudre à mettre sa vie entre parenthèse. Non, elle vivrait... d'autant plus qu'elle savait qu' IL était vivant. Elle souhaitait obtenir son pardon bien qu'elle avait peur et qu'elle estimait qu'elle ne le méritait pas le moins du monde. Si mourir elle devait, alors elle souhaiterait que seule la main du réprouvé se leva sur elle pour qu'elle expire. Elle n'accepterait la mort que par lui...

Mais alors que l'ange noire laissa un peu de temps à Yilna pour penser, elle fut surprise de la question qu'elle lui posa. La Dame au nom de constellation avait déjà tant d'année derrière elle, elle pouvait pourtant bien encore se faire surprendre par quelques individus. Comment avait-elle vécu sa déchéance.... mal... trés mal c'était une évidence et cela remettait le couteau dans la plaie. Cependant, Callisto était devenue plus sage avec le temps, et... d'une façon ou d'une autre, elle n'avait plus peur de parler, bien que la honte colorait ses ailes.

" Mmmmm... pareille aux déchus? Cela signifirait que tu devras porter le fardeau de tes fautes tout au long de ta vie. Etre déchu, c'est avoir été quelqu'un et... ne plus l'être. Cela demande à ce que tu es assez de force pour te reconstruire. Mais il faut bien se dire, qu'être déchu, ce n'est pas une fin. On doit y voir, un nouveau recommencement... bien qu'au début, il est difficile de voir les choses ainsi car cela semble être une punition et une condamnation. On devient déchu... et nous n'avons pas droit à la rédemption, du moins, pour ceux de ma race. Maintenant, pour une karnash... vous avez bien plus de possibilité. "

La Faucheuse relativisait alors la situation de Yilna. Elle n'était pas ange, elle n'avait sans doute et certainement pas connue d'autre vie que celle qui était la sienne. Callisto, oui. Elle avait connu bien des choses... et elle devrait vivre le restant de ses jours avec l'idée qu'elle n'y aurait plus jamais droit. Quoiqu'il en soit, rien nétait perdu pour sa jeune camarade. Mais alors qu'elle souriait à la jeune fille, l'ange aux ailes noires reprit avec une voix douce.

" Ma déchéance est forcément bien différente de la tienne, mais tu te doutes bien que c'est un moment très difficile à passer... l'on a beau dire, la douleur est présente et elle persiste. Cela équivaut à un combat de tous les jours contre soi-même. Pour souhaiter autant ta fin Yilna, c'est que tu es encore en train de vivre ta déchéance. En te tendant la main, je te propose d'en sortir.... la seule chose que tu dois faire, c'est apprendre à vivre. Il serait bien dommage de gâcher ta vie. Tu peux être promise à faire de grande chose. "

Les grands yeux rosés de notre élégante dame au corbeau se fixèrent alors aimablement sur la karnash. Son sourire n'était plus que mélancolie, et lentement, elle tendit sa main à la jeune fille qui était proche du bord. Ce n'était pas un jeu, ni une pièce de théâtre, mais si Yilna acceptait cette main tendue, alors elle choissirait de prendre son destin en main.... et elle ne serait peut-être pas seule.

Yilna resta silencieuse, écoutant la déchue. Pourquoi l’écoutait-elle ? Pourquoi ne se contentait-elle pas de partir, de s’enfuir comme elle savait si bien le faire ? La karnash respira profondément et ferma les yeux. Les phrases de Callisto étaient vraies, elle savait déjà certaines choses mais l’entendre dire d’une personne quasiment inconnue remettaient les choses en places. L’entendre parler de la déchéance lui faisait comprendre autre chose, quelque chose qu’elle s’était toujours refusait à accepter, et que même maintenant elle ne pouvait intégrer. Il était souvent difficile d’accepter de considérer une personne que l’on avait toujours admirait comme une personne qui valait peut-être bien moins que ça, elle ne pouvait accepter le fait que son père ne lui ait pas fait que du bien, bien au contraire. Certes elle savait que sa mort l’avait presque détruite sur le moment, mais il n’avait pas choisi de mourir, c’était le reste que Yilna ne pouvait remettre en question, tout ce mal qui lui avait fait de son vivant, parfois même volontairement.

Callisto tendit sa main vers Yilna qui la regarda d’abord sans réagir. Que faisait-elle ? Lui proposait-elle de l’aide ? La karnash fronça les sourcils, à chaque fois qu’elle avait acceptée de l’aide ou de la compagnie cela l’avait menait à sa perte, pourquoi cela changerait-il aujourd’hui ? D’un autre côté elle ne pouvait pas savoir ce qui se passerait dans l’avenir. Il était dur d’avancer sans s’appuyer sur le passé…mais peut-être temps qu’elle arrête de s’enfermer dedans, peut-être était-il temps pour elle d’avancer, véritablement. La karnash fixa alors la déchue, droit dans les yeux, elle semblai sincère véritablement, alors que faire ?
Yilna revient sur la main tendu de l’ange et lentement, tendit la sienne pour s’en saisir. Une fois fait, elle laissa retomber sa main le long du corps, cela lui paraissait un peu théâtral comme geste, sans doute était-ce pour cela que le mouvement n’avait pas durait plus de quelques secondes.

« Je doute être promise à faire de grandes choses…Réapprendre à vivre ? L’ironie dans tout cela est peut-être dans le fait que je me suis condamné toute seule, en restant cloîtré dans mon passé…Mais comment avancer ? Je n’ai plus su comment faire après cela…après avoir tuer les assassins de mon père, moi la petite fille joyeuse qui tuer pour la première fois, sans une once de remord, et peut-être même avec une pointe de plaisir…Mais dis-moi Callisto pourquoi désires-tu m’aider ? »

La voix de Yilna avait d’abord parut amer et quelques peu perdu. Mais derrière sa question il y avait de la curiosité et le désir de savoir si elle pouvait véritablement se fier à l’ange. Certes elle avait déjà accepté son aide, mais la karnash ne se connaissait que trop bien pour savoir qu’elle se méfiait encore, incapable pour le moment de donner entièrement sa confiance à quelqu’un même si ce quelqu’un ne semblait ne le vouloir que du bien pour le moment. Yilna repensa un moment à Naram-sin, ce génie qui lui avait demandé ce qu’elle désirait afin qu’il exauce son vœu, elle avait été incapable de répondre alors. Même si elle pensait savoir ce qu’elle désirait, véritablement pour elle-même, elle n’osait pas encore se l’avouait, elle avait peur de ses propres désirs. Mais il y avait également eut autre chose, lorsque la karnash s’était rendu compte que le génie tentait de la piéger, telle une araignée emprisonnant une mouche dans sa toile, quelque chose c’était réveillé en elle, quelque chose qu’elle avait espéré avoir enfouie à tout jamais au fond d’elle-même. Il faut croire qu’elle s’était trompée, encore une fois. Yilna regarda alors Abel, le corbeau, elle ne s’était encore jamais transformé en corbeau, ayant grandit dans les montagnes elle avait pris l’habitude de se transformer en faucon, l’un des rapaces capables de vivre sans problème dans ses lieux. En réalité elle ne s’était pas transformé en beaucoup d’oiseaux différents, parfois elle changeait pour un autre rapace, comme un aigle ou une buse, et avant elle se transformait en Rouge-George pour se faufiler la ou les plus gros oiseaux ne pouvaient aller. La karnash se demanda vaguement pourquoi elle s’était mise à penser à cela, elle ne s’était jamais vraiment préoccuper de savoir en quoi elle se transformait, agissant par instinct, comme elle l’avait fait de si nombreuses fois.

Une main tendue.... c'était étrange et ironique quand cela venait du Dame qui portait la faux et le manteau de la mort, non? Etait-ce un lugubre présage pour la jeune karnash? En tout cas, il était amusant que de constater que elle qui cherchait tant la mort, venait d'être sauvé par l'une des êtres qui en arborait la plus proche apparence, derrière ses traits de belle jeune femme. Callisto avait gagné son titre de Faucheuse au fil des années, mais aussi de redoutable et téméraire combattante sur un terrain. Bien que modeste, notre ange déchue ne se pavanerait jamais d'avoir donner la mort à autrui, sauf peut-être les autres anges aux blanches ailes... Non... Non, même leur mort, elle n'en portait aucun mérite. Ils étaient si ignoble d'hypocrisie à ses yeux, que chaque fois qu'elle brandissait ses armes pour en finir avec eux, elle se sentait à chaque fois un peu plus malade et souillée. Non... elle ne prenait jamais aucun plaisir dans ses actes... La vrai Mort devait être de même si elle existait réellement ailleurs que dans la bible...

Le visage de Callisto était tout ce qui avait plus de sérieux et il était vrai que ses intentions paraissaient bien étranges. Y avait-il une manoeuvre derrière cela? Avec une jeune femme comme cette ange noire, il était impossible de prévoir ce qui lui traversait l'esprit, et même si l'on venait à lire dans ses pensées, elle était capable d'agir tout autrement. Autant dire que l'imprivisibilité était l'un de ses atouts, ou défauts... tout dépendant de la façon de voir les choses.

Lorsque la jeune Yilna l'observa avec relativement de curiosité et d'incompréhension, le visage de l'ange resta toujours aussi impassible. Elle montrait ainsi qu'elle était sérieuse et si elle refusait.... et bien tanpis. Callisto n'était pas du genre à offrir son aide à tout le monde et plusieurs fois. Elle était comme un papillon à qui la chance d'être attrapé ne s'offrait pas à chaque occasion. C'était à prendre ou à laisser.... Et vraisemblablement, la karnash se jeta à l'eau et serra rapidement la main frêle de la jeune fille.

C'était audacieux et courageux d'accepter cela de la part d'une inconnue, mais si on ne commençait pas quelque part, si l'on entamait pas le premier pas, comment voudriez-vous suivre un nouveau chemin? En tout cas, en quelque brèves paroles, l'ange déchue comprit quel était le fardeau que supportait Yilna. Le nom de ce poid était si connue de la jeune femme aux longs cheveux d'ébène, si familier, si pesant : son nom était la culpabilité.

Il n'y avait rien de plus terrible que cela. C'était comme une maladie qui vous ronge les poumons, cela vous opresse, cela vous donne envie de vomir... mais c'est impossible de le recracher. On pense pouvoir le soigner, mais cela reviens toujours, au bout de quelques jours ou quelques années... mais cela revient indubitablement. Le passé est comme une ombre qui vous suit, on ne peut s'en défaire, si ce n'est accepter sa présence et l'ignorer. La culpabilité est comme un rat qui vous mordille votre chair lorsque vous n'êtes plus qu'un cadavre au bord de la route... vous le sentez, mais vous n'avez pas la force de le chasser... vous vous laissez prendre.

Ce fut alors où la karnash demanda le plus simplement du monde : pourquoi? A ce même instant, la Faucheuse eut un vague et éphémère sourire au coin des lèvres qui en disait long, mais aussi qui montrait qu'elle était quelqu'un de douce.. ou d'apparence tout du moins.

" Pourquoi? Tu te poses encore une fois la mauvaise question... Moi je vais te répondre simplement : Pourquoi pas? Faut-il une raison pour tendre sa main à autrui? Il existe des gens pouvant faire preuve d'altruisme tu sais... Certes, je suis une déchue et ma réputation, ou tout du moins celle de ma race, me fait défaut mais... Nous savons pertinament qu'il ne faut point juger autrui que par les apparences. "

A cet instant là, Callisto sourit de nouveau et son compagnon Abel se mit à croasser. Perché sur l'épaule de sa tendre maîtresse, celle-ci portant alors une main amicale sous son gosier, et le caressa délicatement le plumage. L'oiseau avait toujours aimé les marques d'affections de celle pour qui il donnerait sa vie. Rappelons-nous que pour lui, elle était tout, son univers, sa mère, sa protectrice, son amie, sa confidente, sa tendre aimée... Callisto était tout ce qu'il pouvait chérir. C'était à la fois malsain et étrange, mais de la part d'un corbeau aux sentiments si humains que lui, rien ne semblait impossible.

Rapidement, elle reporta son attention sur sa compagne. Il fallait mettre les choses au clair étant donné qu'elle ne savait pas par où commencer pour aborder sa "nouvelle" vie. Ce fut d'une voix amicale et aimable qu'elle reprit alors la conversation, relançant le sujet de son mal être.

" Si je comprend bien ton problème Yilna, ton problème sont les remords et la culpabilité que tu ressens après avoir donné la mort. Cela me se comprendre et cela t'honnore en un sens. C'est ce qui fait de toi un être pensant et non un soldat robotisé... Tu devrais plutôt être fière de cette conscience et non de la juger. Vois-tu... ce que tu penses être du plaisir en enfonçant une dague dans la chair d'un ennemi n'en est pas dans le sens où tu l'entends. Non... c'est autre chose. C'est une forme de satisfaction en réalité. Je suppose que tu n'as jamais porté de coup et la mort à n'importe qui non? C'était des cibles choisies? Des gens qui savaient pertinament ce qu'ils faisaient en affrontant... Tu n'as pas à t'en vouloir pour cela... Ils étaient tous fous et conscients. Ce que tu ressents comme du plaisir, c'est ta satisfaction d'être encore en vie, de ne pas avoir été tué... Par ailleurs, il est vrai que peut-être... étant donné de la race guerrière dont tu es issue, il y a une part enragée qui réclame le sang.... mais cela provient de la mémoire de tes ancêtres. Tu n'es pas obligée de te résoudre à la partager. "

Le corbeau croassa à nouveau. Lui-même faisait partie de ses races que l'on jugeait attivement. Les oiseaux de son espèce étaient considérés comme des charognards et des bêtes de mauvais présages, mais l'animal n'avait pas choisi cette voix puisqu'il se faisait compagnon d'une ange noire. Certes, cela n'était point évident à première vue, mais leur mise en scène était un choix que le couple maître/animal avait choisi de leur plein grès, et non imposé.

" Tu es une karnash certes... mais tu es jeune... et toute la vie devant toi. De plus, comme je te l'ai dit, ne prend pas comme prétexte d'être une karnash pour te soumettre à tes ancêtres. Ils ne sont pas là pour te secourir, ni te tendre la main. Tu es une jeune femme libre de tes décisions et de tes actes. Assumes seulement tes sentiments... et tu verras que tout te paraîtra bien plus léger.... Mais j'avoue, il est bien plus simple de le dire, que de le faire... mais si tu te l'affirmes à toi même, alors tu auras fait un grand pas. "

Callisto avait accepté l'idée depuis des années qu'elle n'était pas fait pour être une docile ange gardienne, qu'elle n'était pas faite pour un bonheur sans tâche... c'était la mort qui guidait son chemin... et cela, elle avait fini par l'accepté... sa destinée, était de faire entendre au monde que les déchus n'étaient pas des semi-individus, mais des gens à part entière qui n'avaient point de maître. Les déchus étaient des personnes ayant choisi la liberté, et bannis de leur vie l'asservissement à autrui.

Les paroles de Callisto laissèrent la karnash perplexe, elle alla s’asseoir au bord de la falaise les jambes dans le vide et regarda un instant le sol. Quelle stupidité d’avoir penser que cette fois-ci serait la bonne, combien de fois avait-elle déjà essayé sans y parvenir ? Yilna ferma les yeux, jamais donné la mort à n’importe qui ? Yilna n’aurait su le dire, il est vrai qu’elle n’était pas du genre à attaquer en premier, néanmoins, parfois, lorsque sa folie prenait le dessus, elle ne pouvait pas affirmer que ses adversaires étaient conscients…quoi que là encore elle ne pouvait se prononcer, puisque aucun n’avait tenté de fuir. La karnash respira profondément, la satisfaction d’être toujours en vie ? Possible, en réalité elle ne savait pas vraiment ce qu’elle ressentait dans ses moments là, car ses émotions étaient changeantes en fonction de son état d’esprit. Yilna renversa la tête en arrière et fixa le ciel. Quant à ses ancêtres, ses ancêtres, Yilna s’étaient longtemps souciait d’eux, et puis était venu le jour où elle avait pris sa décision, malheureusement pour elle, elle avait glissé dans son abîme peu de temps après, très peu de temps. La jeune femme remonta une jambe et appuya sa tête contre son genou, elle n’avait toujours pas dit un mot, songeuse, un instant on put croire qu’elle allait de nouveau se jeter dans le vide, mais elle resta parfaitement immobile statue de granite sur les pierres rocheuses de la falaise.

« J’ai essayé tant de fois de mourir mais à chaque fois…à chaque fois… »

Yilna ferma les yeux et soupira, elle saisit son katana qu’elle posa sur le sol fixant un moment sa lame, avant de l’attraper de la main droite. Le sang se mit à couler doucement de sa coupure et Yilna leva sa main vers l’ange déchu, lui montrant la plaie…qui était en train de se soigner toute seule.

« A chaque fois, il s’est passé cela. Auto-régénération. Je me suis même demandé si je désirais la mort, mais en réalité je n’ai pas vraiment le contrôle sur ça, c’est comme…c’est comme s’il était régi par l’instinct de survie et uniquement par lui… »

Yilna relaissa tomber son bras sur le sol, regardant un moment les quelques gouttes de son sang qui étaient sur le sol, elle se souvint dans quel état elle se retrouvait à chaque fois, et cette fois également où elle s’était traîné sur le pavé pour échapper à la mort, quelle ironie de savoir que ce jour là son pouvoir n’avait pas daigné la soigner. Pourquoi fallait-il toujours que ce genre de chose arrive ? Yilna eut un sourire ambigu et retourna à la contemplation du sol.

« Ce n’est pas seulement le fait d’avoir donné la mort, car en réalité, même si je sais que ça ne l’a pas ramené, même si je sais que cela ma probablement plus fait souffrir qu’autre chose, si s’était à refaire, je ferais très exactement la même chose. Il y a un moment j’avais décidé de suivre ma propre voix, d’accepter ma nature ambiguë, l’héritage de mes ancêtres dans son intégralité, pendant un temps se fut mon but, mais maintenant…maintenant je ne sais plus quoi en penser. En réalité je pensais, je pensais lorsque je suis arrivé sur ses terres, après avoir perdu tout espoir, lorsqu’il ne me restait que des cendres, je pensais que j’aurais pu réaliser le vieux rêve d’un mort mais finalement c’était une très mauvaise idée. Le seul résultat que ça a donné c’est de me perdre encore plus et de ne plus avoir aucune raison d’avancer plus la moindre… »

Yilna se saisit de son katana se releva et fit face à Callisto, elle joua habilement avec son arme passant sa main sur la lame sans se couper, le connaissant par cœur, elle finit par le remettre en place dans son dos.

« J’ai appris à me battre, j’ai appris à me contrôler, j’ai appris survivre j’ai même appris à ne pas me soucier de la douleur physique, à m’en servir comme une amie et pourtant tout cela n’a servi à rien, que je sache comprendre le murmure du vent ou les états d’âmes d’un animal ne m’avancent à rien pas plus que de savoir me servir de mon pouvoir ou de cette lame. En réalité même le fait que je sache me déconnecter complètement du monde, à tel point que je ne suis plus qu’un corps ambulant ne sert à rien parce qu’alors tous ce que j’avais enfouie en moi ressurgie avec tant de violence…et me voilà en train de parler de cela à une presque inconnue.. »

Yilna secoua la tête et regarda le corbeau…les oiseaux elle pouvait communiquer avec n’importe lequel d’entre eux, et cela allez bien au-delà des mots, ce n’était pas une simple conversation, mais cela faisait si longtemps qu’elle s’était coupée des autres qu’elle ne pouvait plus le faire à présent, pas encore en tout cas.

Callisto n'était point douée du pouvoir d'empathie, mais parfois, un simple regard, une attitude en disait déjà bien long. Il ne fallait point faire preuve de magie pour comprendre la détresse qui animait alors cette jeune karnash qui avait attenté à sa propre vie. Tout le monde avait des objectifs différents, il était bien triste de constater que beaucoup de gens au jour d'aujourd'hui, depuis les catastrophes des terres du Ying et du Yang, se fixaient la mort... parce qu'ils avaient tout perdu, leur maison, leur famille, leurs amis... POur l'ange déchue, ce n'était pas une raison d'abandonner ainsi sa vie, non... Lorsqu'elle y réfléchissait, elle aussi aurait eut tous les prétextes du monde pour en finir, elle qui n'avait plus rien et avait fauté gravement un grand nombre de fois, que la honte l'avait acculé sous le poid des remords.. pourtant elle se tenait toujours là, sur ses jambes branlantes et douloureuses, déployant de tant à autre ses ailes noires qui montraient clairement qu'elle fut ange et qu'elle s'était détournée d'elle même du bien... Ouvrir ses ailes, c'était comme présenter au monde ce qu'elle était dans l'intimité... Ho! Personne ne pouvait savoir réellement qu'elle était la faute que l'ange put commettre pour être renié des cieux, mais c'était grave... et un homme ou une femme ayant été rejeté des Dieux étaient forcément une personne dont il fallait se méfier. C'était ainsi que les médisants racontaient les histoires des anges déchus. Malheureusement pour cette race, on les persécutait à cause de l'ignorance de ces gens... La souffrance.... oui Callisto la connaissait, elle était déjà tombée mainte fois à genoux à cause d'elle, mais avait toujours trouvé la force de se redresser avec prestance.... Parfois, elle se perdait à penser comment elle faisait...

Alors qu'après quelques minutes Yilna reprit la parole, la jeune femme s'avança vers elle, pour se tenir à ses côtés alors qu'elle était tranquillement assise. Callisto tourna ses yeux rosés complaisants sur la karnash, et trouva une réponse à donner.

" Tu l'as dit toi même... tu as seulement essayé à chaque fois. Ton envie de mourir n'était pas assez forte.... parce que ton inconscient la refuse tout simplement. Lorsque nous voulons véritablement mourir, alors celle-ci survient inévitablement... et nous nous râtons point. Quelque soit notre degré de magie... "

N'ayant point fait exprès d'anticiper les propos de la karnash, reculant par réflexe lorsqu'elle brandit son katana pour se blesser volontairement et lui présenter son dilemme... Là aussi, elle ne put avoir qu'un vague discours à lui proposer, peut-être un soutien mais rien de bien concret pour ses pulsions suicidaires. Dans des cas pareils, il ne tenait qu'à nous seul de décider... c'était peut-être la seule liberté universelle qui nous est offert : décider de notre mort... quoique.... même cela, parfois nous était enlevé.

" Mmmmm.... je vois... l'instinct... oui... mais peut-être est-ce parce que tu désires survivre au fond de toi... Ne maudit pas le pouvoir qui est le tien.... l'auto-régénération est un pouvoir précieux.... Moi même je t'envierais pour cela... Tu n'as pas à connaître la douleur du corps bien longtemps comme une personne comme moi.... et puis, lorsque l'on possède la volonté d'inhiber son propre pouvoir... on le peut.... Toi, tu ne l'as simplement pas souhaiter. Comme je te l'ai dit, ton heure n'est pas venue car tu es destinée à faire quelque chose ici bas, il ne reste qu'à découvrir ce que cela est..... et en admettant que tu réussisses à te donner la mort de force, je serais prête à parier que ton âme reviendrait de toute façon... "

C'était toujours ainsi, l'énigme de la vie... qui décidait que notre misison était terminée ou pas? Qui décidait qui nous restait encore des choses à accomplir en ce monde? Si c'était Dieu, il n'aurait pas de clémence pour Callisto qui le maudissait depuis bien longtemps maintenant... elle ne pouvait pas se permettre de mourir tant qu'elle ne réussirait pas à faire reconnaître aux anges leurs tords et la grandeur des déchus.

Là, lentement, notre sombre jeune femme se tourna légèrement vers Abel qui la regardait fixement de son oeil unique. Il était inquiet en une façon car il trouvait que sa maîtresse s'impliquait un peu trop dans une histoire qui ne la concernait pas, il avait peur que les étincelles de bonté qui brillaient encore dans le coeur de sa tendre Callisto ne vienne à la tuer complètement tôt ou tard.

L'ange déchue vint alors subitement s'asseoir à son tour au bord de la falaise, trop lasse pour rester debout, sachant également que dans l'immédiat, sa jambe la tiraillait un peu. La blessure qu'elle portait à sa cuisse ne s'était pas bien cicatrisée... l'auto-régénération lui aurait été bénéfique dans un cas comme celui-ci. Alors qu'à l'inverse, après quelques propos, la Karnash préféra se lever à son tour, reprenant son discours, et jouant dangereusement avec son katana.

Le regard de la Faucheuse s'était détourné vers l'horizon, mélancolique, la plongeant dans ses pensées lointaines quand Abel se mit à croasser. Là, l'animal prit son envol pour rejoindre l'ange et vint sur ses genoux. Délicatement, elle commença à caresser son plumage ténébreux et l'oiseau semblait fortement aprécier cet attention.

" Maintenant que tu as compris que devenir un pantin inanimé n'était pas la solution, essaie seulement d'être toi même... vis pour vivre...et nons survivre... pourquoi n'essaie-tu pas simplement de te faire plaisir pour une fois? Commence par de simples petites choses pour commencer.... puis après tu aviseras par toi même.... cela a réussi pour moi... je suppose qu'une karnash peut y arriver aussi. "

Callisto tourna la tête vers Yilna en souritant légèrement, comme pour lui apporter un peu de réconfort.

Une larme roula sur la joue de la karnash, glissa sur son menton et alla s’écraser sur son doigt, son doigt couvert de sang. La jeune fille avait mal, horriblement mal, une douleur qui n’était pas dut aux multiples blessures qui recouvraient son corps. La karnash s’écroula dans l’herbe et hurla. Elle finit par se recroquevillé sur elle-même et s’immobilisa, statue vivante au beau milieu du paysage. Le temps s’était arrêté, a moins qu’il ne tourne quelque part, loin de tout cela, loin de la jeune fille et de ses sombres pensées, de ce vide immense qui l’absorbait lentement mais sûrement. La karnash se redressa et fixa la maison en bois, elle pouvait sentir le sang d’où elle se trouvait, sang dont elle était elle-même recouverte. Que pouvait-elle faire ? La karnash se leva et tituba vers la porte, la lune éclairé ses pas, les étoiles étaient toujours aussi brillante, ne faisait-il pas jour avant qu’elle ne sorte ? Finalement peut-être que le temps ne s’était pas arrêté, qu’il continuait à s’écouler… sans Lui. La jeune fille tendit sa main tremblante et frôla le bois, elle respira profondément et rentra dans la pièce. Elle ne vit pas les corps mutilés, tout son être étaient fixé sur son père.

Non le temps ne s’était pas arrêté…la jeune fille regarda l’horizon et entièrement vide, elle se mit en route, elle ne savait pas où elle allait mais elle devait continuer, elle devait avancer. La karnash laissa sa montagne dans son dos, marchant jusqu’à épuisement, jusqu’à ce que maigre comme un clou, totalement assoiffée et affamée elle s’échoua dans ce village maudit. Pourquoi était-elle revenu ici ? Elle qui pensait ne pas se souvenir du chemin, qui ne désirait pas s’en souvenait, voilà qu’elle s’était jetée tout droit dans gueule du loup. Une ombre plana au-dessus de sa tête, la jeune fille leva les yeux et se figea sur place, voilà longtemps qu’elle ne l’avait vu et pourtant il lui suffit d’une seule seconde pour le reconnaître, le vide disparut, la karnash souhaita plus tard qui revienne à nouveau et l’engloutisse totalement.

Yilna regarda Callisto, se concentrant exclusivement sur elle, elle ne voulait pas se souvenir, non elle ne voulait pas, la douleur était immense…si seulement il n’y avait eut que la douleur. La karnash respira profondément et se rapprocha à nouveau du vide. Quelle ironie qu’elle soit venue justement ici, sur une falaise. La jeune femme ferma les yeux et se figea un instant avant de reporter son attention sur la déchue, elle tendit la main et soudainement une entaille se dessina dans sa paume. Yilna serra le poing et regarda son sang s’égouttait sur la roche.

« Et dire qu’avant j’aurais tout donné pour le contrôler…mais maintenant…rien n’a plus de sens… »

Yilna avait le regard lointain comme si elle pensait à autre chose en même temps, la jeune fille soupira et posa son regard sur le corbeau, elle eut un sourire nostalgique et doux à la fois, un sourire qui s’effaça presque aussitôt, alors que la karnash regardait à nouveau le sol loin au-dessous d’elle.

« Je me bats contre moi-même… »

La karnash fit un pas en avant et étrangement son pied semblait s’appuyer contre quelque chose, bien que pourtant il soit visiblement dans le vide, la karnash tendit sa main ouverte et le vent se teinta quelques secondes de rouges, puis sa plaie se referma et Yilna s’écarta du bord, elle semblait agir par impulsion tout tant donnant l’impression d’avoir réfléchie.

« J’entends leurs chants à tous les deux et j’aime les deux, personne ne devrait avoir à choisir… »

Yilna se retourna alors une nouvelle fois vers la déchue, un sourire étrange aux lèvres, à la fois triste et réaliste, son regard brillait d’une lueur nouvelle mais qui n’avait rien de bien réjouissant.

« M’aiderais-tu si tu me pensais folle à lier ? »

La karnash semblait s’être bien détourné du sujet de la conversation et pourtant elle n’avait jamais était aussi proche du problème.

Arriver à vivre pour vivre et nons survivre. Voilà ce qu'avait annoncé l'ange déchue. Mais était-ce vraiment vrai? Avait-elle réussi à atteindre cette absolution? Elle qui n'était qu'une âme vagadonde depuis des années, elle pouvait présentement dire qu'elle souhaitait vivre.... mais c'était plus difficile que prévu quand la vérité lui éclata en pleine figure. Comment se battre lorsque l'on se rendait compte que tout ce qui fut n'eut été que mensonge? Que ce qu'elle pensait avoir perdu ne l'eut pas été véritablement, et que présentement, c'était elle même et ses convictions qui la précipitèrent dans la perdition? C'était à ne plus rien comprendre, et quoiqu'il en soit, c'était ainsi. Callisto ne connaissait pas de pouvoir qui permettait de faire marche arrière et annuler certaine de ses actions, et puis même si les évènements étaient changés, qu'est-ce qui lui garantissait que son avenir en serait meilleur? Rien, car tout était inéluctable. Si le malheur devait l'accabler, alors sa destinée retrouverait le chemin de la souffrance. L'unique chose qu'elle pouvait faire était de dompter ses malheurs et les émotions qu'elle générait.... il faut bien plus d'une vie et abandonnetr toute humanité pour y parvenir entièrement. Accepter cela, était faire le sacrifice de ne plus prendre plaisir à tout et n'importe quoi.

La Faucheuse n'avait absolument pas le don d'empathie, mais il était aisé de ressentir la douleur d'un être qui le laissait transparaître aussi clairement. La karnash souffrait de sa propre personnalité, et angoissait sur ses actes passés comme ceux qui pouvaient être avenir. La belle dame aux cheveux obsidiennes avait toujours trouvé ironique d'avoir peur du futur, d'avoir peur de quelque chose qui n'existait pas encore mais qui n'attendait qu'à se former.... Mais c'était ainsi.

Yilna s'approcha alors du bord de la falaise, mais resta immobile quelques instants, suivant l'exemple de l'ange aux ailes noires, fixant l'horizon le temps d'un éphémère moment. Qui avait-il au loin? Rien.... si ce n'était peut-être un espoir d'une nouvelle vie, d'une nouvelle liberté. Le monde était infini, pourquoi voiloir ne s'arrêter qu'à ces simples terres?
Callisto sentit le poid du regard mélancolique de sa jeune amie se poser sur elle, mais qui s'en détourna rapidement. Une nouvelle entaille sur la main, la douleur physique avait la merveilleuse et lugubre façon de signifier que l'on était vivant. Le goût du sang éveilla soudaine les papilles d'Abel, qui croassa légèrement quand il perçut du sang s'égoutter de la main de la demoiselle. Aussitôt, la Faucheuse calma les ardeurs de sa faim presque vampirique à coup de caresses apaisantes.

L'ange déchue ne prit point la peine de répondre aux premières paroles de la karnash. C'était inutile car les réponses étaient bien évidentes. Se battre contre soi même, c'était donné à tout le monde tôt ou tard, se battre contre sa nature. Puis quand la guerrière demanda si elle accepterait de la soutenir en sachant que la folie était sienne, Callisto ne put s'empêcher de retenir un petit rire léger. Il n'y avait rien de moqueur, mais elle s'était l'ironie de la situation qui la poussa à cela.

Délicatement, elle leva la tête vers la jeune fille, un grand sourire sur ses lèvres délicates.

" Et accepterais-tu mon aide si je l'étais aussi? Car après tout, tu ne pourrais pas savoir si je suis une folle moi aussi, non? De plus, la folie a bien des visages et elle ne m'effraie pas, quelque soit le masque que celle-ci arbore. Dans ma vie, j'ai eu l'occasion d'affronter des choses biens plus vilaines. Héhéhé! "

Callisto conservant alors son esquisse joviale qui illumina mystérieusement son visage au teint laiteux, laissant planer une candeur que l'on savait bien évidemment pas innocente. L'ange déchue était tout un paradoxe en réalité. Elle avait offert mystérieusement une main tendue à cette karnash inconnue, peut-être par fantaisie mais qu'importait. Elle était tout d'abord une femme d'honneur et de parole, c'était bien une chose que l'on ne pourrait jamais repprocher à la jeune femme pouvant se montrer plus impitoyable qu'un démon.

" Je perçois clairement tes inquiétude Yilna.... Tu crois qu'une fois mon aide accrodée, je ferais marche arrière pour t'abandonner.... N'est pas d'inquiétude sur le sujet, je ne suis pas ce genre d'individu, loin de là. L'unique chose qui pourrait me faire changer d'avis serait une trahison quelconque. N'est-point l'idée de me poignarder dans le dos, alors tu auras mon soutien jusqu'à la fin.... dans le cas contraire, la Mort qui t'aspirait alors serait tienne, je peux te le promettre. "

Un avertissement caché derrière des paroles amicales, mais cela avait l'avantage d'être une preuve d'honnêteté de la part de Callisto. Yilna se voyait prévenu, mais pourquoi irait-elle un jour trahir l'ange déchue qui lui promettait un avenir? Cela n'aurait pas de sens, seulement, lorsque la folie faisait partie du monde, il ne fallait s'étonner de rien.

Et ce fut maternellement que la Faucheuse regarda la karnash présentement, Abel à son tour, en fit de même. Son unique pupille noire observa la jeune fille, rassurée car sa maîtresse semblait aprécier cette brebis égarée. Maintenant, la décision n'appartenait qu'à Yilna de faire le bon choix.

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