De vieux souvenirs [ PV ]

Le soir tombant, elle observait. Son regard glacé fixant chaque recoin de ce lieu, ce lieu qui lui rappelait tant de souvenirs. Le lac, le reflet de son visage barré par quelques mèches noires cachant le dessin de son nez et de sa bouche accessoirement. Il était et il resterait. Adossée contre un arbre, les paupières closes, elle n'avait guère besoin de possèder une vision des choses pour voir...Le contraire était plausible. L'ombre de la nuit se complaisait dans le parfum des herbes embaumant l'air à cet instant, ses genoux retroussés pour lui donner une position en tailleur, elle ne ressentait aucun engourdissement au niveau de ses jambes, elle se sentait tranquille, presque dans une attitude solennelle elle vint porter ses quelques doigts d'un geste dénué de perfection sur la surface de l'eau à la lueur de la Lune. Des souvenirs enfouis au plus profond de sa chair remontaient. Les quelques visions qui apparaissaient par intervalle l'épuisaient, un mal de tête commençait à naître au sein de son crâne. Rien de bien inquiétant mais les images qui défilaient étaient des plus incertaines. Elle revoyait ses anciennes rencontres ainsi que les nouvelles bien que ces dernières relèvent d'un attrait tout particulier pour la jeune femme. Depuis les quelques semaines où elle avait pu échapper à cette épouvante, à cette déferlante qui avait frappé les terres du Yin et du Yang, elle ne cessait de croiser le chemin de personnes pour le moins des plus insolites. Sa première rencontre fut une amie passée...Futile, si futile fut leur entrevue, peut-on en ce sens parler d'amie ? Kurenai en avait-elle seulement ? Question qui impose réflexion. Elle laissa retomber sa tête sur la côté, lasse de réfléchir. Yilna Swam assista à sa résurrection si l'on souhaite employer les termes adéquats. Leur discussion ne fut que mots et autres banalités tout comme la Grande Faucheuse, une personne dénuée d'intérêt en cet instant. Si on l'avait aperçu, on l'aurait trouvé fade, sans couleurs...Une barrière d'ombres fidèles et veillant sur elle s'était dressée tout autour pour préserver son calme et l'atmosphère tamisée qu'elle désirait. Ses désirs...Que voulait-elle vraiment ? Peu le savent mais elle, plus qu'un pion de la Destinée avait changé. Elle n'était pas cette ombre de prime base, sans morale, sans sens, elle était la Faucheuse...Elle avait mis du temps mais avait réussi à se sortir de ses appréhensions...Beaucoup l'avaient aidé dans ce chemin. Elle comptait parmi ses personnes des grands noms, celui que nous retiendrons se nomme Nemesis, archange libre. Ce fut l'une de ses connaissances à réapparaître et qu'elle croisa. Comme à chaque fois, ce fut un nouveau mystère pour la Damoiselle Noire, une barrière à percer à jour mais ses intentions ont toujours été louables envers elle. Elle se souvient encore la protection que lui avait offert Mickael, en étant ensemble et pourtant si distincts, chacun lui avait apporté quelque chose. Et ce démon qui s'était évertué de défendre son honneur alors qu'il aurait suffit de quelques mots de sa part pour que ces hommes, l'autre soir à la taverne finisse avec une corde autour de leur cou et d'un pieu planté dans leurs coeurs. Un sourire apparut sur ses lèvres, une odeur envahit l'or de la nuit, elle avait aperçu une image des plus intéressantes.

La barrière autour d'elle se brisa. La nuit reprit une apparence frêle et éclairée. Son berceau de ténèbres n'était plus, elle avait senti une présence des plus étranges, venant des entrailles de la terre, elle n'osait mettre de nom ou de visage sur cette être, elle n'était même pas sûre qu'il s'agisse encore de quelqu'un...Les fantômes et démons du passé avaient pris une part évidente dans la vie de l'être au teint pâle. Elle voyait ces personnes perdues, ne sachant retrouver leur chemin, traînante et filante...Quelques fois, elles s'approchaient et dans un geste las, elle leur offrait cette rédemption méritée mais d'autres fois, elle chassait cette image et cela suffisait. Elle avait les yeux toujours clos. Resserrant l'étreinte de son châle sur ses épaules, le temps était fort peu clément mais elle respirait agréablement et appréciait le contact de cette douce sensation, piquante et mordante. Ce besoin, il se faisait sentir, encore et toujours se perdre dans les méandres du temps, rêver au futur et au passé bien que ses pensées étaient entassées en un entremêlement d'évidences et de points obscurs en ce moment. Elle avait troqué son rang de remplaçante d'Alicia pour celui de Chef des ombres et étrangement, elle en retirait une immense satisfaction...Mais laissons-là les quelques délires d'une damnée, préoccupons-nous de cette ombre, cette forme se dessinant à l'orée du lac...

Invité

Le froid est une sensation peu attrayante, au premier abord on ne peut pas en tirer grand-chose. Citer moi un exemple de choses utile qui serrait froide. Tout ce que l’homme touche finit par se réchauffer, pourquoi ? Parce que le corps de l’homme est chaud et qu’il transmet sa chaleur à tout ce qui le touche, pourquoi ? Par pur désir de confort, sinon tout serrait froid. Saviez vous que l’hiver est sans doute la saison la moins apprécié de toutes ? Pourquoi ? Parce qu’en hiver il fait froid, l’hiver est une saison peu attirante où l’on reste chez soi. L’humain se renferme sur lui-même en hiver. Il reste cloîtré dans sa douce et chaude maison, invitant d’autres humains à partager sa chaleur. Quelque soit le contexte, l’homme cherche toujours à avoir chaud.
Et pourtant parfois, on parvient à tirer quelque chose de ce froid, et c’est sans nul doute la plus belle chose qui soit. Vivaldi a magnifiquement su jouer le contraste du temps avec ses quatre saisons, le père Noël est là simplement parce que l’hiver le lui permet. Sans hiver, nous ne contribuerions pas à la déforestation massive de notre planète en partant à la chasse aux sapins. L’hiver n’est vraiment qu’une saison pourri, heureusement que les beaux jours revenaient sur ces terres.
Pourtant il est une chose que le froid a su façonné, et elle reste sublime : ce sont les êtres de sang froid. Pas dans le sens ou vous l’entendez, je me suis peut être mal exprimé, les êtres AU sang froid, cela sera plus clair. Vous me demanderez sans doute qui sont ils ? En existe-t-il vraiment ? Et bien nous vous dirons que oui, ils existent, et ils sont même plus présents que vous ne le pensez. Vous en avez d’ailleurs un qui n’était pas loin.

Cette nuit là était relativement fraîche, et on doit dire que la température de l’eau du lac ne rendait pas l’atmosphère chaleureuse. Plus on s’approchait du sol plus l’air était froid, phénomène physique classique. L’herbe verte qui entourait le lac venait à se plier sous un poids, celui d’un être qui se déplaçait. Cette personne était pied nue, il fallait être fou pour se balader ainsi par ce temps : et bien il l’était. Ces pieds pâles étaient surmonté par de relativement longues jambes, elles même couvertes par un habituel pantalon noir. Cette couche passant quasiment inaperçu dans l’obscurité, elle était surmontée d’une chemise blanche grandement ouverte, histoire de sentir l’air frais parcourir le torse finement taillé de l’homme, car oui, c’était un homme. Si l’on continue à remonté, nous verrons alors un visage blanchâtre, des lèvres couleurs pèches fine et soyeuse, pour enfin se perdre dans des yeux ébène d’une rare intensité. Une coiffe large et garnie couvrait la tête de cet homme, coiffe elle-même surmontée par un simple chapeau noir, le temps était frais ce soir, il ne fallait pas attraper froid…
Alors que la silhouette de l’homme s’approchait du lac, il était difficile de ne pas remarquer qu’il y avait une autre présence. Comment ? Et bien ne serait ce que par son ouï plus que fine, car oui, cet homme était de ceux qui entendent de loin. Une personne au souffle calme et posé, une femme tout ce qu’il y a de plus normal. Le jeune garçon s’approchait doucement de cette silhouette, et il distinguait maintenant nettement que ‘était une femme. Un sourire Voltairien aux lèvres, le jeune courtisant s’avançait vers celle qui ce soir serait sans doute sa proie, puis soudainement, il marqua un temps d’arrêt…

Nostra Damus venait de stopper son avancé le plus brutalement qui soit, la bouche entrouverte de stupeur il restait là immobile. Il ne savait que faire, il regardait cette femme, en l’espace d’un instant il l’avait reconnu. Il se trouvait présentement devant celle qui avait habilement su le perturber, le plus simplement qui soit, sans aucun artifice inutile. Il se trouvait devant Yuuhi Kurenai… Qu’allait il faire ? Devait il avançait ? Partir en courant ? Notre jeune Maître du clan Malkavian se trouvait il dans une impasse ? Etait ce finalement ça sa faiblesse ? Cette femme qui en l’espace de peu avait si facilement capturé ce qui lui restait d’âme.
Pour survivre, un vampire doit nécessairement abandonner son cœur et tous les sentiments qui en résulte. Nostra Damus avait respecté cette règle qui semblait couler de source jusqu’à un seul soir. Un soir où ses flirtes et ses louanges étaient allées trop loin, finalement elle lui avait avoué son amour, et il n’avait su comment réagir. Etait ce là la clef ? Il ne savait pas, il se souvenait sans cesse de ce moment, cette palpitation nerveuse de son cœur, la bouche sèche qui l’avait envahi, la douleur dans sa poitrine. Tout était là, ce soir comme la première fois… Alors Nostra Damus restait là, incapable de faire quoi que ce soit. Elle finirait bien par le voir, il n’était pas des plus discret, et là, il ne savait pas comment elle réagirait. Et lui non plus d’ailleurs…

Les souvenirs...Ils se dressent dans votre esprit pour ne plus vous quitter. Ce sont comme des papillons que l'on croirait éphémères et pourtant, ils restent, on ne peut désormais plus s'en débarrasser. Tellement poignants, tellement marquants, elle en avait encore des brèves images de cette soirée, où elle l'avait rencontré lui, cet inconnu, celui dont le chemin avait, pour un bref instant croisé le sien et vous connaissez certainement la suite. Non ? Très bien...Une denrée qui possède plusieurs adeptes mais dont très peu savent savourer excellemment la chose. Vous ne voyez toujours pas ? Et bien tant pis...Ce sont des affaires de grands généralement. Ne nous préoccupons du lecteur peu avisé qui posera ses deux pupilles sur ce texte si futile mais de l'instant présent. Elle l'avait senti, elle avait reconnu les contours de son aura ou âme si l'on souhaite jouer sur les mots. Il était là. Il se tenait à quelques mètres et pourtant la distance paraissait bien plus étendue. Serait-ce une illusion d'optique ? Le soleil absent de ce ciel se jouerait-il de la simple demoiselle assise, dos à dos contre ce tronc d'arbre altier, observant le reflet de la Lune sur l'eau ? Serait-ce un piège ? Un étranger s'amuserait-il à tester ses sens ? Elle en doutait fort, il ne serait plus s'il avait osé emprunter cette voie. La tentation, beaucoup la connaissent et trop y cèdent, lorsqu'elle n'est pas en bonne et due forme, que peut-il en ressortir ? Après y avoir goûté, peut-on en revenir si aisément ? Elle n'en savait que peu sur cela, ayant glissé cette corde rapeuse autour de son cou, après l'avoir accroché à cette branche qui pendait, à l'image de celle du chêne contre lequel l'ombre était appuyée au dessus du rivage...Elle avait sombré, sombrant elle-même dans une tentation bien trop juteuse pour pouvoir y résister. Etait-ce bien ? Avait-elle payé le prix fort pour ses choix ? Peut-être bien qu'il en résulte une profonde jubilation en son sens. Elle n'avait fait autrefois que des choix basés sur sa vie future, sur le poids des années, sur la prudence...Jugé avec des yeux conscients mais jamais avec ceux d'un nouveau né, elle avait tenté et la chose s'avérait plus plaisante qu'elle ne l'aurait cru. Plus de contraintes, seulement le choix de faire le mal, d'agir à l'encontre des autres, de propager la souffrance et de pouvoir en être fière. Elle avait gravi les échelons et le fou qui l'avait croisé en début de carrière lorsque ses cauchemars à répétition la rendaient pâle et peu attirante, il se damnerait aujourd'hui pour observer son ascension. Les choses changent tout n'est qu'éphémère au fond alors pourquoi s'embarrasser de contraintes et de cet avenir que beaucoup craignent ?

Peut-être pour cela justement...Il n'avançait pas. Devrait-elle aller jusqu'à lui ? Se lever et fouler le sol de son pas élégant et silencieux ? Que faire ensuite ? L'attacher et l'envoyer au bûcher, était-ce ce qu'il mérite ? Ce charlatan, ce vendeur de mirages et de rêves qui avait disparu de sa vue après cette nuit pour revenir bien qu'après et qui aujourd'hui se trouvait là à quelques pas d'elle...Le vent soufflait et faisait voler ses cheveux, elle n'avançait toujours pas. Bien sûr, la plus amoureuse des femmes se serait précipitée dans les bras de cet amant qu'elle n'avait croisé que par deux fois mais qui avait conquis son coeur. Etait-ce son cas ? Pouvait-elle parler d'un coup de foudre ou était-ce autre chose ? Une attraction ? Un besoin peut-être sans savoir, elle était déjà debout. Ses lèvres tremblaient légèrement mais son corps refusait de faire un pas de plus. Portant ses mains à ses cheveux, elle tenta dans un geste inconscient d'arranger sa coiffure, de rendre présentables cette chevelure qui, ballotée au gré du vent devenait peu conventionnelle. Mais que faisait-elle ? Elle posa ses deux rubis scintillants qui tenaient lieu d'yeux sur la surface du lac, était-elle belle ? Oui...C'était une question qu'elle s'était si peu posée mais elle avait besoin de savoir pour quoi faire ? Pour lui plaîre...Pour ne pas compter avec ces balafres qui résultaient de sa survie à travers les éléments déchaînés. Quel droit avait-il sur elle et inversement ? Aucun mais elle en vint tout de même à épousseter sa robe dans un mouvement des plus ridicules et inutiles qu'il soit, aucun grain ne s'était déposé sur ses vêtements. Avait-elle maigri depuis ? Son visage fatigué trahissait-il une lassitude des plus extrêmes ? Non...Sûrement pas, son regard tel un brasier où dansait une flamme était encore vif. Aujourd'hui encore elle était la même avec quelques atouts en plus...Peut-être plus mature ? Plus vivante ? Moins effacée et ancrée dans le passé ? Elle avait passé un cap et c'est en arrivant à cette conclusion que la majestueuse Faucheuse esquissa quelques pas jusqu'à arriver à hauteur du vampire si connu à son esprit, elle revoyait encore ses anciens contours et comparait...Il n'avait pas changé, tout le même, égal à lui-même, nous dirons même simplement lui...Décidant de jouer sur la surprise ou peut-être l'incompréhension, quelques mots, plus des murmures inaudibles que des chants enjoués sortirent de sa bouche.

- Votre silhouette m'est familière...Ne nous connaissons-nous pas déjà Messire...Quel est donc votre nom ?

Ses lèvres dessinèrent aussitôt un sourire, elle planta son regard dans celui de Nostra Damus à qui elle avait demandé son identité un peu plus tôt, c'était des plus bêtes et pourtant, elle était heureuse. Tant de rencontres, tant de personnes qu'elle revoyait...Sa joie ne faisait qu'augmenter. Après avoir recroisé Nemesis au détour d'une ruelle, sans réelle attente, elle le revoyait lui. Des personnes importantes à sa vie tout comme ce génie grâce à qui elle avait appris sans même lui demander une quelconque leçon...Oui, les individus du genre masculin semblaient être nécessaires au bon déroulement de la vie de la damnée. Ironique, serait-ce un rapprochement entre Takeshi et tous ces hommes ? Jetons tout de suite cette pensée loin pour ne plus la revoir apparaître car elle était des plus fausses.

Il était vampire mais elle était Grande Faucheuse, elle avait grandi quelque part. Approchant d'un semi pas, confiante elle vint poser ses doigts réchauffés au contact de son châle sur le torse dénudé du vampire, en douceur, finesse, point d'agressivité ni rancoeur aucune. Ses lèvres vinrent élire domicile près de l'oreille du damoiseau pour glisser en son sein des paroles...toutes simples, sans prétention aucune.

- Ravie de te revoir...Nostra Damus.

» La caverne aux souvenirs [Kumiko Edgar]