Sang (Kaijuu)

Sang. Une odeur de sang. Un parfum enivrant. Yilna avait mal, son souffle se fit rauque, elle s’appuya violemment contre le mur. Pourquoi donc était-elle venu ici ? Avait-elle cherchée à se prouver quelque chose ? Pensait-elle être devenu assez équilibrée pour lutter contre elle-même ? La karnash ne savait pas vraiment. Toujours est-il que le sang, ces derniers-temps avait un drôle d’effet sur elle. Exacerbant ses sens et éveillant une partie d’elle tapie dans sa conscience. La karnash grogna et ferma les yeux. Ne pas céder à l’envoûtement, ne pas se laisser envahir, déborder par le sang. La karnash savait ce qu’il se passerait si tel était le cas. Une énorme patte griffue lui lacéra la poitrine cherchant à refluer vers l’extérieur. La karnash émit un sifflement peu rassurant.

Le quartier mal-famé. Dans toute sa splendeur. Chaque mur, chaque rue, chaque pierre de ce quartier avait été recouvert de sang, tant de fois qu’il ne pouvait plus l’absorber correctement. Le sang se répandait dans l’air, devait vibration, doux murmure soufflé dans l’oreille de la karnash. Murmure enivrant, murmure que la karnash essayé de repousser de toutes ses forces. Quelle désagréable habitude elle avait pris de lutter contre elle-même. Mais peut-être, dans le fond était-ce vitale pour elle. Qui sait…certainement pas elle.

Un tintement de métal retentit devant la jeune femme qui redressa la tête. Un chat noir venait de faire tomber un poignard brisé par terre. Il sauta de la maison basse sur lequel il se tenait et se posta devant la karnash, la fixant de ses yeux violets. Violet ? Un chat aux yeux violets ? Un chat à l’odeur morbide. Un doux parfum de mort et de peur s’élevait de sa fourrure et venait chatouiller les narines de la karnash. Yilna s’immobilisa, comme elle savait si parfaitement se figer. Statue vivante au milieu de la rue. Le chat feula se hérissa, son corps trembla, se déforma et l’instant d’après, le petit chat noir devint un homme maigre au sourire peu engageant. Il ne s’approcha toutefois pas, décelant dans l’œil droit de la karnash une flamme qu’il ne connaissait que trop. La folie. Une folie qu’il n’identifia cependant pas.

Les deux personnes restèrent un long moment immobile à se fixer, puis soudainement la karnash s’anima. Un infime mouvement que l’homme perçut pourtant. Le regard de la karnash s’assombrit comme si un voile s’était déposé dessus, ses yeux se fléchirent de quelques millimètres, son pied droit recula de plusieurs centimètres, ses doigts se fléchir. L’homme pensa immédiatement que la jeune femme allait attaquer, il fut surpris par le long sifflement qui s’échappa de ses lèvres. Un rictus macabre se dessina sur son visage, tandis qu’une plaie certes peu profonde mais étonnante s’ouvrait sur le visage de la femme. L’homme fronça les sourcils et se figea. La faible flamme de folie qu’il avait aperçut dans le regard de la femme devenait brasier. Il se mordit la lèvre calcula son intérêt de se trouver à un éventuel combat, décida de partir. Mieux valait ne pas jouer avec la folie d’une inconnue dans ce quartier ci. Surtout lorsque l’on était incapable de reconnaître cette folie. L’homme redevint chat noir et s’en fut sans un regard en arrière.

Yilna ferma les yeux et s’appuya au mur adjacent. Le sang était trop fort ici. Beaucoup trop fort. Il fallait qu’elle se ressaisisse

La nuit tombait, cependant que le monstre se promenait dans son quartier préférait : Le dit quartier mal famé, réputé pour ses mauvaises fréquentations et son pourcentage élevé de dangers possible d’encourir. Oui, ce n’était pas un secret, ce quartier portait à merveille son nom, et n’accueillait à bras ouvert que les êtres les plus noires de cette contrée. Ils régnaient en maître sur ces ruelles sinistres et étroites, et qui plus est, devait sans doute être les seuls à oser s’aventurer là. Qui serait assez fou pour aller jouer sa vie dans ce quartier de mauvais augure ? Personne autre que la classe noire et mauvaise de Cassilmena.
Au plus grand bonheur de celle-ci, notre kaijuu Shi avait l’immense honneur d’appartenir à cette classe, pourtant très fermée. Il faut croire que son côté redoutable avait jouait un rôle important, et convaincu quiconque qu’elle avait bel et bien sa place dans ce monde de noirceur et de ténèbres. Malgré son apparence angélique –qu’elle haïssait toujours autant – son caractère était bien loin de s’apparenter à celle-ci. La poupée était d’un diabolisme difficilement égalé, et seul ceux ayant subit le châtiment de la monstre peuvent à présent témoigner de sa cruauté, ainsi que de sa grande capacité d’effroi. Il faut avouer que c’est une reine en la matière.

C’est donc en cette fin d’après midi, brumeuse et humide à souhait que la jeune monstre se baladait entre les ruelles de ce sombre quartier. En la croisant, vous auriez facilement pu vous dire : « Mais que fait donc cette jolie fillette dans ce quartier insalubre ? Elle s’est sûrement égaré la minette… Je vais lui montrer le chemin… (De mon estomac !) » Mh. Considérez cette dernière phrase uniquement pour les personnes malveillantes flânant dans ce quartier. Mais je m’égare. Elle marchait donc, sautillait presque, l’esprit dénué de tout soucis. Légère comme l’air ! Et la tête ailleurs. En effet, notre demoiselle s’était abandonnée à la contemplation de ce ciel grisâtre, qui en aurait fait fuir plus d’un. Mais elle le trouvait magnifique. Cette couleur maussade était belle comme une fleur ! Notez bien que cette expression n’appartient certainement pas à la jeune monstre. Non, elle, trouve les fleurs d’une immondice flagrante, et tellement répugnant qu’on devrait les faire arracher, pour ne plus qu’elles viennent souiller la surface de notre planète. Seules les roses étaient belles. Les rouges et les noires, de préférence. Les autres peuvent aller à la poubelle.

C’est donc tout en contemplant ce ciel d’automne qu’elle fut heureuse de vivre. Rien que pour avoir le plaisir de voir une pareil beauté. Ses narines s’enflèrent, et elle s’imprégna de l’agréable parfum de sang qui flânait dans les ruelles. Cette odeur était si exquise, si délicate, qu’elle aurait facilement fait chaviré le cœur de Kaijuu en émerveillant ses sens. Le sang était quelque chose d’appréciable. A son plus grand regret, il n’y avait que les vampires qui le considéraient à sa juste valeur. Le sang était un bien noble, qui ne devait pas être gâché. Elle était donc peinée de voir ces restes de sang marquer les murs, dont la noirceur s’atténuait pour laisser place à un rouge foncé, presque fade à certains endroits. Elle aurait presque eue envie de lécher les murs, pour en récupérer les dernières substances, et apprécier ainsi la subtilité de ce goût unique qui l’émoustillait chaque jour davantage. Cependant, elle n’en était pas encore à ce niveau. De plus, elle était un monstre, et fier de l’être. Non pas un vampire dans la nécessité de se nourrir.

Soudainement, un choc la fit redescendre sur terre, stoppant net sa contemplation du ciel. Elle venait de percuter quelqu’un. Une fille plus précisément. Mais quelle fille ! C’est en posant ses yeux de poupée sur elle, qu’un sourire étendit les coins de sa bouche. Yilna. Cela faisait bien longtemps ma foi. Elle n’aurait pu faire une meilleure rencontre ! Revoir sa veille « amie », si tout du moins elle pouvait la considérer ainsi, lui faisait bine plaisir. Cette jeune femme était bien la seule personne que Kaijuu Shi était susceptible de voir comme amie. Tout du moins, elle l’appréciait, mais se plaisait toujours autant à la charrier. Que voulez-vous, on ne change pas les gens ! Alors que son sourire mesquin refaisait son apparition sur le visage angélique de la jeune fille, sa voix résonna tel un écho parmi cette étroite et sombre ruelle.

« Tiens tiens, Yilna, ca fait longtemps dis moi ! On pourrait dire que je suis heureuse de te revoir. Ksh ksh ksh. Que deviens-tu ? J’étais très très triste que tu ne me donnes plus de nouvelles… Tu sais que c’est mal poli ! »

Ces paroles pouvaient facilement passer pour hypocrites. Elles l’étaient, en partie. Elle était en effet un peu contente de la revoir. Le reste n’était que pacotille. Mais Kaijuu shi sans une touche d’hypocrisie, ce n’est pas Kaijuu Shi.

Yilna était trop occupé à lutter contre elle-même pour s’apercevoir de la présence de la monstre avant que celle-ci ne lui rentre dedans. La karnash fronça les sourcils, Kaijuu Shi ? Lorsqu’elle entendit la voix de la monstre tout doute s’évanouit. Elle se trouvait face à la monstre, première personne qu’elle avait croisée dans cette ville…il y a longtemps maintenant ? Yilna resta un moment silencieuse, le choc de Kaijuu contre elle l’avait quelques peu tirées de ses pensées et elle dut lutter un bon moment avant de retrouver l’intégralité de ses capacités, afin de pouvoir lutter contre l’attrait du sang tout en répondant à la monstre.

« Tu n’es pas venu non plus m’en donner. »

Il n’y avait pas de reproche dans la voix de Yilna juste une douce ironie. Soudain une idée traversa l’esprit de la karnash hallucinait-elle ? Cela ne serait pas la première fois et la monstre n’avait pas croisée son chemin depuis un moment. Il était donc fort possible qu’elle ne soit pas réelle. Pourtant elle ne pouvait avoir imaginé le choc non ? La karnash grimaça et lâcha enfin le mur contre lequel elle s’appuyait toujours.

« Cela fait vraiment longtemps….. »

Cette fois ci la voix de la karnash était méfiante. Elle avait toujours était méfiante, bien que généralement elle ne soit pas non plus paranoïaque, l’odeur du sang trop présente autour d’elle, avait fissuré une barrière qu’elle avait mis du temps à reconstruire, qu’elle n’avait pas fini de reconstruire, dans un accès de méfiance et de doute Yilna se saisit violemment de la main de la monstre avant de reculer précipitamment. Elle était réel alors ? Etait-ce bien la monstre ? Yilna secoua la tête, comme si elle cherchait à chasser ses pensées hors de son esprit, puis elle sembla se calmer et se figea comme elle le faisait souvent.

« Oh ? Tu es bien réel ! »

La karnash soupira….Il fallait qu’elle se ressaisisse, qu’elle ne laisse pas le passé la rattraper. Elle avait toujours éloigné les souvenirs, mais ce n’était pas les souvenirs qu’elle fuyait cette fois ci. C’était elle-même, une elle-même qu’elle avait découverte après la mort de son père, lorsqu’elle s’était retrouvée dans cette montagne. Yilna détestait les montagnes…autant qu’elle les adorait. La karnash respira profondément. Pourquoi était-elle ainsi ? Pourquoi ne pouvait-elle pas se simplifier et basculer d’un côté ou de l’autre du fil sur lequel elle se tenait ? Pourquoi devait-elle lutter contre elle-même ?

Yilna se redressa et fixa la monstre…encore une fois elle s’était égarée dans ses pensées en sa présence. Un sourire ironique se dessina sur les lèvres de la karnash. Peut-être la monstre avait-elle remarqué l’étrange lueur de folie morbide qu’elle n’avait jamais eut en sa présence. Il était également vrai que cette lueur avait disparu du regard de Yilna avant sa rencontre avec Kaijuu Shi et était réapparu bien après…peu après les catastrophes naturelles… La karnash éviter de penser à ce moment précis, non pas que la destruction et la mort du pays l’avait vraiment atteinte, non juste qu’elle avait détesté les éléments, la nature, ce monde même. Ou peut-être était-ce elle qu’elle avait vraiment détestait….

La karnash fixait donc la karnash mais son regard semblait ailleurs comme si elle ne voyait pas véritablement la monstre. Kaijuu Shi ressemblait toujours à une poupée… En même temps pourquoi donc aurait-elle changé ? Pourquoi pas…

« Et toi Kaijuu que deviens-tu ? »
La karnash ne se rendit même pas compte qu’elle n’avait pas elle-même répondu à la question de la monstre.

» [Kaijuu shi Kaimetsu [Monstre]
» Paris, les Larmes de Sang
» [Libre] La victoire se mesure en sang