La nuit est rouge ce soir... [libre]

Sanosaki regarda le soleil se coucher, et la lune, ronde, illuminant le ciel comme une immense sphère de lumière, alors qu'elle devenait de plus en plus claire et nette dans le ciel. Elle était rouge. C'était ce qu'il était venu voir, perché sur le plus haut des toits du quartier riche de la ville. C'était le spectacle qu'il attendait, celui qu'il appréciait le plus, peut-être celui qui l'effrayait le plus également. Qui l'effrayerait, car il n'avait pas peur. Il n'avait plus peur. Il y avait renoncé voilà longtemps, il avait été forcé de le faire. Mais il n'avait pas résisté non plus. La peur était ce qui paralysait les victimes, ceux d'en bas. Lui s'était toujours maintenu dans le haut de la pyramide, du moins, le plus haut possible, dans cette loi, la loi du plus fort, qui gouvernait chez lui depuis des siècles de combats dont on avait même eu le temps d'oublier la raison. Lui s'en souvenait. Il n'avait pas le choix de s'en souvenir. Il en était le gardien, en quelque sorte. Et la lune rouge signifiait que maintenant, la saison froide s'amorçait chez lui. Le temps rigoureux qui caractérisait si bien le climat de chez les Loups du Nord ou Loups Noirs allait une fois de plus sonner le glas des combats, de façon temporaire, du moins. La température était invivable pendant l'hiver, la température était si froide que certaines personnes qui n'y étaient pas habituées mourraient sur le coup lorsqu'elles sortaient dehors. Il se souvenait de comment, alors qu'il était enfant, on lui avait dit qu'il s'était rapidement habitué. Peu nombreux étaient ceux qui pouvaient se permettre de sortir à l'extérieur sans manteau, simplement couverts d'une petite veste, même chez les habitués. C'était l'adaptation qui lui avait permis de survivre à toutes les épreuves placées devant lui, mais également sa débrouillardise, car il avait été lors de ses premières années négligé sévèrement. Il s’était renfermé, mais avait acquis beaucoup de maturité, et avait appris que, comme le dit le dicton, "on n'est jamais mieux servi que par soi-même". Lui qui avait appris à ses dépens qu'il n'était pas sans force, avait après quelques années de retard, comme tous les membres de sa famille, fini par grandir, et il voyait loin, du haut de ses 6 pieds et presque 2 pouces. Quelle signification particulière avait réellement pour lui cette lune rouge? Il s'en interrogeait, lui-même n'en était pas trop sûr. Le silence si...silencieux, lourd, c'était quelque chose qu'il détestait. Il avait accompagné le premier crime qu'il avait commis, alors qu'il avait neuf ans et la taille d'un gamin en ayant six, mais également avait-il entouré, pénétré ses folies, ses délires psychiatriques, alors qu'il s'était mis à hurler, non de douleur physique, mais combien il souffrait sous son expression désaffectée. Un visage de marbre et de glace, blanc comme neige. Serti de deux pierres opaques tantôt saphir, irisées de reflets d'émeraude, tantôt comme deux rubis, brûlant d'une flamme enragée, tantôt comme deux obsidiennes, plus noirs que la nuit, complètement noirs. Encadré de filaments de jais, longs et brillants, reflétant la lumière de la nuit. Comme ses yeux le faisaient. Mais en ce soir éclairé par la lune rouge, seul, il n'osait pas briser le silence. C'était comme s'il lui murmurait "quelqu'un est là, guettant dans la nuit". Soudainement, un odeur parvint à son nez. Une odeur de sang. La plaie venait tout juste de s'ouvrir et le liquide écarlate perlait probablement déjà à flots. C'était assez pour attiser sa curiosité, lui qui s'ennuyait profondément. Il se leva, et commença à suivre l'odeur. Elle le mena rapidement à l'intérieur de l'une des plus somptueuses demeures qu'il ait vue dans ce quartier. La lumière nocturne pénétrant dans la pièce n'était pas suffisante pour l'éclairer, mais il ne plissa pas les yeux pour tenter de mieux y voir. C'était inutile. Il se fia plutôt à ses autres sens, à savoir son odorat, son ouïe et son instinct. Il vit le riche propriétaire, enfin, voir était une manière de parler, étendu dans son lit, son sang tachant les draps. Rien d'intéressant chez ce gros avare. Sans se soucier de faire du bruit, comme en entrant, mais étant tout de même silencieux, il se tourna pour mieux examiner la pièce...à coups de bouffées d'air entrant dans les narines. Son odorat, très sensible, avait capté une odeur, vivante. Quelqu'un d'autre était là... Mais qui était-ce?

[désolé, séparer en paragraphes, c'est pas trop mon fort...]

Une Ombre parmi les ombres. Slize avait marché dans le lever de lune sans but précis, laissant à la providence le soin de choisir sa destination. La journée avait été fructueuse, et deux nouveaux visages grimaçants, hurlant en silence, ornaient maintenant le grand bâton de Shinigami qui soutenait sa faux. Les âmes avaient été emportées dans une maison non loin. Il avait convaincu la femme que son mari ne l'aimait plus et la trompait, et son pouvoir de fascination avait poussé la dame à vouloir mourir de son chagrin. Le faucheur l'avait exaucée au moment où son mari, qui en réalité ne faisait que travailler durant les longues intervalles où Slize avait suggéré qu'il voyait sa maîtresse, rentrait après sa journée de labeur. Voyant son amour mourir sous ses yeux, le pauvre homme tomba à genoux, horrifié. L'assassin à la cape noir s'occupa alors du déchet humain, qui se laissa facilement convaincre de rejoindre sa dulcinée dans l'au-delà.

Depuis lors, Slize avait erré dans les quartiers résidentiels de la capitale de l'île de Cassilmena. Ses bottes, pourtant à semelles rigides, ne faisaient pas beaucoup de bruit sur les pavés de pierre qui formaient les routes du quartier plus aisé. Sa cape noire n'était agitée par aucun courant d'air dans l'atmosphère de la nuit. La lueur de la lune ne s'accrochait à aucun pan de ses habits, qui ressemblaient à des robes de moines combattant grises, habits légèrement amples mais bien attachés aux articulations pour ne pas gêner les mouvements. Même la lame recourbée de la faux boudait les reflets sanglants de la lune, et l'acier restait obstinément terne même en pleine lumière. Seule la pointe d'une épée semblait vouloir répandre la lumière, dépassant de sous les replis de la cape. La lame d'argent scintillait d'un éclat immaculé sous l'astre de la nuit, mais cette lumière n'avait rien de bénéfique. Avec l'Ombre marchait un chat de gouttière noir qui avait l'air d'un jeu d'ombres avec la cape, se détachant puis disparaissant, ses yeux verts seuls brillants encore.

"Avais-tu remarqué que nous ressemblons de plus en plus à des ombres?" demanda le chat en miaulant.

C'était vrai, autant chez le félin que l'humain. Depuis que Slize était revenu sur terre, transformé en Ombre, les deux amis n'avaient cessé de se métamorphoser de plus en plus en ce que leur nom évoquait. En plein jour déjà, ils apparaissaient comme s'ils s'étaient trouvés à l'ombre de quelque arbre géant, la lumière se réfléchissant moins sur eux. Bientôt, à ce rythme, on ne pourrais plus distinguer les détails de leur silhouette, tant l'emprise de la clarté devenait ténue.

La nuit avait fini par recouvrir complètement le ciel au-dessus de la ville, et partout les lumières aux fenêtres s'éteignaient, en même temps que les vivants allaient se coucher. Puis enfin, les ténèbres envahirent le quartier riche, et seule la lune sanglante éclairait encore les ruelles mortes. Slize n'avait toujours pas de but précis, marchait toujours sous les étoiles. Seul le silence et son chat l'accompagnaient dans sa balade nocturne, et rien ne semblait pouvoir troubler le calme de la nuit.

Ou presque. Apparaissant puis disparaissant aussitôt, quelqu'un avait surgi sur le toit d'une maison qui devait coûter aussi cher à entretenir que le reste de la ville. L'homme n'hésita pas longtemps en se demandant si il avait rêvé l'apparition ou non, avant de décider qu'il avait bien vu ce qu'il avait vu. Tout en marchant en direction de ladite maison, il réfléchissait à l'identité possible de cette personne. Toutes sortes d'idées lui venaient à l'esprit, qu'il rejetait ou gardait de coté selon leur vraisemblance.

Il passa au travers de la barrière en se dématérialisant, et Nightmare le suivit de la même manière. Toujours ainsi, ils pénétrèrent à l'intérieur du bâtiment par la porte d'entrée, et Slize se figea. La décoration était obscènement riche, où il figurait des tableaux, des tapis, des sculptures, des armes et armures, des plantes, des tentures, des dorures, des marbrures, des colonnades, des lampes, et bien d'autres choses. Les espaces nus dévoilaient des murs recouverts de boiseries onéreuse, et un plancher en marbre. La salle d'entrée était très haute, et on pouvait voir depuis le pas de la porte les trois étages au-dessus du sol séparés du vide par un balcon de granit. Des escaliers audacieux défiaient la gravité en parcourant l'espace au-dessus du hall d'entrée comme les fils d'une toile d'araignée.

N'entendant pas le moindre son, l'Ombre monta précautionneusement les marches d'un escalier, jouant avec les ombres qu'il distendait et étirait pour se rendre invisible de quiconque se trouvait à moins d'un mètre. Il happait dans son halo les contours effacés du chat noir, et ensemble, ils vérifièrent les différents étages. C'est au troisième qu'ils entendirent des bruits de pas étouffés. Nightmare grimpa tout de même la dernière volée de marche pour vérifier que rien ne se trouvait au dernier étage, tandis que Slize se dirigeait vers la source des pas, sa faux prête à débiter ce qu'il trouverait de belliqueux. Il avait les mains posées très haut sur la hampe, afin de réduire sa portée minimale de manière significative, même si cela voulait dire qu'une bonne distance de bâton dépassait derrière lui. Toujours enveloppé d'ombres, le guerrier tourna à l'angle d'un couloir, et vit l'auteur de ces bruits de pas qui lui tournait le dos.

[H RPG: bon, je pense que Shinzo s'est enfui par une fenêtre ou qu'il s'est sacrément bien caché quelque part]

- Qui êtes-vous, et que venez-vous faire ici?

Slize se figea. Il était tombé nez à nez avec un homme de haute taille qui fixait l'espace enténébré à peu près au niveau du torse de l'Ombre, là où la pointe de la faux dépassait du linceul de nuit.
*Merde*
Sur ce coup-là, la discrétion était complètement tombée à l'eau. L'homme en face de lui pouvait suivre à la trace le reflet rougeoyant, même si le faucheur tentait de masquer l'acier. Les reflets lumineux de ce genre étaient difficile à saisir de prime abord si ils étaient bien camouflés, mais constituaient un feu étouffé caractéristique et aisés à suivre du regard une fois détectés. Sa seule chance aurait été que l'inconnu en face se retourne et que Slize lui-même se déplace en masquant sa présence pour que la tache de lumière soit à nouveau camouflée, mais il n'avait pas la moindre chance que cela arrive. Il relâcha donc son contrôle sur les ténèbres, et redevint normalement visible.

Il s'était fait avoir comme un bleu sur ce coup, mais il ne fit rien paraître des questions qui s'agitaient dans sa tête concernant son interlocuteur. La faux toujours bien dans les mains, la main droite presque sur le tranchant, tant elle était proche de la lame, Slize observa l'autre. Il était un peu plus grand que l'Ombre, sérieusement plus mince aussi, et portait manteau, pantalon et bottes noirs, en concordance avec les cheveux de jais. Entre la tignasse et le col relevé haut paraissait une peau claire. Des mains blanches jaillissaient des manches amples, et l'une d'elle était garnie d'épines fines et peut-être enduites de poison. Sa posture était celle d'un guerrier expérimenté qui avait reçu un entraînement solide. Même si sa stature semblait plutôt proche de celle d'un roseau, il avait l'air de pouvoir encaisser le choc d'une montagne sans bouger d'un iota.

- Je pourrais vous poser la même question je pense. répondit Slize dans un murmure insoutenable.

Il se demandait si la personne qu'il avait devant lui pouvait être l'ombre chinoise fugitive qu'il avait vu sur le toit. Mais si le gabarit du personnage aurait pu coller, sa réaction n'était pas du tout celle d'un assassin. Non, il n'y avait que peu de chances que ce quidam soit la silhouette du toit. Il devait donc y avoir une troisième personne, dans cette maison, animée de penchants meurtriers.

Slize se déplaça sur le coté pour se mettre contre le mur d'en face, prenant bien garde à toujours rester à la même distance de l'inconnu au manteau noir. Une fois la façade atteinte, l'Ombre prit une position de combat exotique, qu'il avait développé pour sa prise spéciale sur son arme particulière. Ses mains étaient presque plaquées contre son torse, le bâton de Shinigami dépassant longuement sur la gauche tandis que sur la droite, du coté du mur, le fer courbé saillait vers le plafond. Cela ne lui laissait que peu d'alternatives en cas de combat, mais il pouvait frapper un ennemi derrière avec le bâton ou un autre devant avec la lame, et pouvait toujours s'enfuir en traversant le mur si les choses devaient mal tourner.

[Je suis bien d'accord avec toi...]

Sanosaki vit l'individu sortir des ombres, et nota un premier pouvoir de l'homme à la faux devant lui. Il n'y voyait rien, et ne pouvait donc observer son adversaire, mais il se savait évalué de la tête aux pieds. D'un murmure qui parvint facilement aux oreilles du métamorphe, il lui retourna la question. L'odeur d'un orage arrivant lui parvint au nez. Eh, oui, pour lui, le mauvais temps avait une "odeur", qui était plutôt une sensation provoquée par son organisme, qui se traduisait par une certaine odeur pour lui. Il vit, ou plutôt entendit grâce à sa fine ouïe, l'autre se déplacer sur le côté, et distingua dans l'ombre les contours de ce qui lui semblait être...une chose qui se nommait un bâton de Shinigami. Il n'en avait vu que dans quelques rares ouvrages.

*C'est donc une ombre...d'où l'impression que la mort rôdait dans les parages... Ces êtres ont entre autres la capacité de manipuler les ombres...le reste, je ne m'en souviens plus... Ça fait au moins neuf ans...*

Il vit l'ombre se placer d'une drôle de façon, et resserra sa prise sur ses aiguilles. La position semblait signifier qu'il désirait se battre. Mais Sanosaki n'était pas du genre à se lancer lorsqu'il n'était pas certain de lui-même, et il voulut une dernière fois s'assurer de la position de l'ombre. D'une voix froide, il se prononça.

"Je me nomme Sanosaki Tjideh, et je suis venu ici parce que j'ai flairé une odeur de sang frais. Toutefois, lorsque je suis arrivé ici, il n'y avait personne... Qui êtes-vous, et que venez-vous faire ici, serviteur de la mort, si je puis vous appeler ainsi, bien que je n'aie aucun problème avec les ombres...Je ne suis tout de même pas un bénéfique..."

Il était prêt à réagir à toute hostilité, guettant tout autour attentivement, mais sans être proie à la peur, son sixième sens bien éveillé. Depuis son arrivée sur l'île, il n'avait jamais vécu de véritable confrontation, seulement quelques évènements mineurs, comme la fois où il s'était fait assaillir par un homme qui lui en voulait sans raison apparente, et il lui avait brisé les os et démantibulé les articulations avant de le tuer, après lui avoir coupé la langue et démoli les cordes vocales parce qu'il en avait marre de l'entendre crier, étant d'humeur à massacrer ce jour-là. Depuis, les autres clients de l'auberge où l'incident s'était déroulé l'avaient traité de façon décente, de peur que cela ne se reproduise. Cela faisait à peine quelques jours, mais son humeur ne s'était pas véritablement améliorée, parce qu'il n'avait toujours aucune piste qui lui permettrait de trouver ce qu'il cherchait. Il errait donc comme un chien sans maître.

Il jeta un coup d'oeil autour, pour voir s'il pourrait utiliser ce qui l'entourait pour s'aider. Il ne prononçait plus aucun mot, il guettait, attendait le moment idéal pour se lancer, si l'ombre ne le faisait pas avant...