L'or de nos ailes qui brûle peu à peu [Ryugi Silver]

Le désert de Cassilmena s'étendait à perte de vue, comme tous les déserts. A l'opposé de la vallée des glaces, le sable recouvrait tout, et le vent se plaisait à y tracer des vallées, des sillons et des arabesques. Ici, tout brûlait. Le sable, le soleil, le vent, les yeux, la peau. Ne restaient que l'étendue doré qui reflétait la lumière de l'astre du jour, et le souffle du vent, qui se jouait de vous et transportait tant de sable que tout en était recouvert. L'air se troublait régulièrement sous la chaleur, et le bleu du ciel semblait pâle et lointain. C'était la première fois que Kaoru visitait un désert de sable.

C'était si différent de la vallée des glaces, désert gelé, parsemé de sculptures de glaces coupantes et torturées, parfait contraire de ces plaines de sables tout en courbes. La réprouvée se perdait dans la contemplation de l'œuvre de la nature. Autrefois, elle avait vu de vertes forêts profondes, des plaines d'herbe et de bruyère, de majestueuses montagnes enneigées. Mais rien de comparable avec ce lieu brûlant, surgi après la catastrophe. La catastrophe. Elle commençait à s'estomper des esprits et des paysages. Mais les sentiments de Kaoru eux ne changeaient pas. Toujours il restait douloureux à la pensée des disparus, emportés par la maladie, la guerre ou les éléments.

Dieu les avait-ils tous punis pour leur impudence ?Leur violence ? Leur démence ?
Kaoru ne comprenait toujours pas. Hélas, revenir en arrière, recommencer, rappeler à la vie des morts, c'était impossible. Sauf pour les réprouvés. Dans la plupart des cas. C'était ce que lui avait révélé Nemesis, il y a si longtemps, tellement de temps qu'on en vient à se demander si ce n'était qu'un rêve. Les réprouvés peuvent mourir. Mourir pour l'éternité. Les yeux rouges de la jeune fille se mouillèrent de larmes, qui, aussitôt furent emportées par la chaleur et le vent. Elle avait beau avoir énormément changé depuis son arrivée sur les anciennes terres du Yin et du Yang, les larmes étaient toujours là. On ne peut pas dire si c'était bien ou mauvais. Seulement, elles étaient là.

Kaoru avala sa salive, ce qui lui brûla la gorge. Ce désert, infini, sous ses pieds, derrière elle, lointain, brûlant, indifférent, et elle. Pauvre et minuscule silhouette enveloppée dans un manteau marron, encapuchonnée, marchant, et dont les traces de pas s'évanouissaient derrière elle comme de la brume. Marcher était devenu une seconde nature chez la réprouvée, qui ne répugnait pourtant plus à utiliser l'or de ses ailes. Cet or qui brillait de milles feux au soleil, qu'elle avait décider de camoufler sous sa cape aujourd'hui, ressemblait étrangement au sable qui crissait et glissait sous ses pieds. Plus que tous ceux qu'elle avait rencontré, aidé, ou tenu dans ses bras à leur mort avant le tsunami, elle ressentait une angoisse terrible quant aux nouvelles de ses camarades réprouvés. Elle avait revu Ryugi Silver plusieurs fois, et toujours le soulagement de ne pas l'avoir perdu la prenait en regardant son visage. Elle savait également que Stones Kim vagabondait toujours, quelque part. Mais lors de la réunion des réprouvés, celle où Ryugi était chef, elle n'avait vu que des jeunes réprouvés qui lui étaient inconnus. Aucune nouvelle sur ceux qu'elle avait rencontré autrefois. Comme Taurnil, ou cet autre avec son serpent...Et surtout, plus rien concernant Zyo, son mentor, celui qui l'avait éveillée.

L'ancien seigneur des deux rives, le premier depuis longtemps, avant Ryugi, qui après être passé du côté des ténèbres, pour des raisons encore incomprises de Kaoru, avait disparu. Et la question sur sa disparition et ses derniers choix hantait toujours la réprouvée. Des deux dernières fois où elle avait croisé, pour son plus grand bonheur, le petit réprouvé au ailes d'argent, elle n'avait osé lui poser la question, ni même l'interroger au sujet de Zyo. Qu'aurait-il répondu ?Parfois, l'enfant qu'il semblait être se révélait si imposant et sage. Comme ce jour-là. Comme un véritable souverain. Kaoru ne savait pas si elle préférait ce Ryugi sensé et charismatique, au petit bonhomme insouciant, joyeux et délirant qu'elle connaissait. D'ailleurs, elle aurait voulu le revoir très vite. Elle ne croisait dans les rues des villages qui se reformait, que des visages sans noms, sans souvenirs. Les survivants reconstruisait petit à petit Cassilmena, mais rien ne ressemblait à ce qu'avait connu la jeune fille. Ce n'était pas forcément mal, mais il lui arrivait d'être prise d'une nostalgie profonde, et impossible à réprimer. A réprouver.

La nostalgie des jours heureux, auprès de personne qui comptent. Bien sûr, elle pouvait encore tisser des liens avec de nouvelles personnes, mais c'était différent. Les races décimées tentaient de se remettre avant tout sur pieds, alors depuis l'apocalypse, la paix régnait. Kaoru en était heureuse. Mais cette paix la rendait malade. Elle pressentait que cela ne faisait que précéder une grave crise. Car pendant que chacun pansait ses blessures, la mémoire ravivait les horreurs de la guerre et l'invasion de Darkness. La jeune fille craignait que cette paix trop calme prépare et fassent reposer quelques temps une haine qui n'avait jamais disparu. Et à ce moment-là, ce moment où tout éclaterait, il faudra être prêt. Malgré tout. Malgré sa réticence à combattre. Il faudra être prêt à se battre pour soi-même, pour sa race. Les réprouvés.
Ah comme le soleil brillait aujourd'hui encore. Kaoru s'arrêta. Les sombres pensées qui envahissaient son esprit lors de ces marches solitaires ne sauraient que trop se concrétiser un jour.

Elle secoua cependant la tête. Il ne fallait ni se voiler la face ni être si pessimiste. Pour le moment, la soif la tourmentait. A cet instant, elle aurait souhaité posséder le pouvoir de l'eau, comme beaucoup de réprouvés de sa connaissance, dont un certain Ryugi. Elle sourit en imaginant l'apparition d'une des nombreuses et démesurées extravagances aquatiques du réprouvé : encore une fois, il lui redonnait le sourire. Elle leva à nouveau les yeux sur ce lieu, pourtant loin d'être stérile, mais qui se dérobait sans cesse sous les regards, un désert aux milles secret, à l'histoire peut-être déjà longue, aux dunes qui s'entrelaçaient. C'était un lieu magnifique, et quelque part, Kaoru avait l'impression de comprendre. Etait-ce son affinité avec le feu qui lui donnait cette impression ? Où l'étendue brûlante et douloureuse, semblable à son cœur ?
Elle allait rebrousser chemin, non pas lasse du désert et des réflexions qu'il lui inspirait, mais à nouveau déterminé à agir et abandonner ses attitudes d'observatrices passives, lorsqu'un énorme bruit retentit.

Il n'existe que peu d'endroits où de toute ses vies, le petit bonhomme aux cheveux rouges n'était jamais allé. Mais le désert en faisait partie, ces dunes de sable inexplorées. L'érosion des roches a été très efficace, car le sable recouvrait toute cette zone sans jamais laisser de végétation pousser. Un endroit sans vie, c'était peut être la raison pour laquelle Ryugi n'était jamais venu dans le désert. Pourtant, avec tout ce sable, il y avait de quoi s'amuser. Car le sable, s'allonger dessus, se gratter joyeusement avec, faire des chateaux de sable... Toutes ces possibilités de jeu immense auquel notre petit réprouvé n'avait pas pensé. Il fallait dire aussi qu'il ne pensait pas à grand chose. Surtout qu'en ces temps de crise, l'autre personnalité de Ryugi rejaillissait. Le seigneur des deux rives, cette partie de lui même qui l'incitait à grandir et à redevenir sérieux... Enfin, plutot à devenir sérieux, car Ryugi en soi ne l'avait jamais vraiment été. Pourquoi est ce qu'il faut toujours que quelqu'un l'empêche de s'amuser? En plus, Ryugi ne pouvait pas parler à son double empreint de schizophrénie... Faisait trop chaud. Une chaleur pas suffisante pour tuer ni pour faire souffrir, mais une chaleur quand même pour ce petit garçon en slip de bain avec une bouée en forme de canard. Elle était vraiment trop grande, cette plage.

Et à force de marcher sur le sable brulant, Ryugi avait du se perdre au moins trois ou quatre fois. Donc en ayant un peu marre de cette mer qui n'était pas là, Ryugi décida de la faire lui même. Créant de l'eau, un pic énorme d'eau, qu'il enfonça dans le sable, avant de le relever d'un mouvement semi-circulaire. Pour ensuite prendre son pic et le faire voyager le plus loin possible, tranchant le sable en deux. Ce qui eut pour effet de créer un énorme sillon entre les dunes de sable; Puis Ryugi se concetra. Ce n'était pas tous les jours qu'il utilisait l'énergie des réprouvés, pour mettre un peu de lui dans une de ses billes d'eau, qui eut alors la bonne idée de faire couler de l'eau à fond comme une source intarissable malgré la chaleur du désert et l'absorption du sable. C'était devenu un vrai lac qui tranchait le désert en deux. Chouette, Ryugi avait trouvé un point d'eau! Il se mit alors à faire la danse de la pluie. Une danse ridicule certes, mais efficace : un peu d'eau se créa dans le ciel, se rassembla sous la forme d'un nuage et commença à pleuvoir sur Ryugi. Un nuage de 20 cm de diamètre certes, qui ne pleuvait que sur Ryugi certes, mais c'était quand même un nuage. Ryugi décida alors de plonger dans son lac... Mais ce nuage le suivait, l'arrosait toujours sans relache, malgré la chaleur et la sécheresse du désert. Pas justeuh, Ryugi voulait de l'eau pour tout le monde, et le nuage ne l'embêtait que lui. Ah oui, c'est vrai, Ryugi avait oublié que c'était lui qui contrôlait les déplacements du nuage. Bon ben Ryugi commença à nager vers le premier front de l'onde aquatique, qu'il soit le premier à voir où ce lac finirait par aller.

Et c'est là que Ryugi se rendit compte qu'il n'était pas seul. Porté par le courant de son lac, Ryugi avait trouvé une âme au loin, un esprit de puissance modérée et de résonnance grande avec la sienne, ce ne pouvait être qu'un réprouvé. Qu'un renonçant même, puisque Ryugi n'avait pas encore de sentinelle. Enfin si, une seule. C'était pas juste, les réprouvés du premier seigneur des deux rives avaient leurs sentinelles, et Ryugi lui n'avait qu'une seule subordonnée. C'est de la tricheuh, le jeune garçon trouvait que c'était injusteuh. Mais bref, créant un nouveau sillon vers la droite, ou la gauche, qui était son autre droite, le lac dévia pour aller rencontrer cet inconnu... Pas si inconnu que ça en fait. Creuser un lac faisait un bruit terrible, comme un torrent qui s'abattait. C'était magique, et Ryugi recommencerait bien un jour. Mais bref, il lui apparut que le lac passa juste à côté de ce réprouvé, ou plutot de cette réprouvée. Ryugi avait reconnu Kaoru même s'il était passé à toute vitesse à côté d'elle; Et il essaya de nager à contre-courant pour la rejoindre. Ah, ce serait tellement plus facile pour lui s'il avait le contrôle de l'eau... Ah mais oui, il l'avait, Ryugi l'avait oublié. Donc ce ne fut pas un problème pour lui de nager jusqu'à son amie... Tout en restant dans cette eau brulante à cause de la chaleur ambiante. Pas le meilleur moyen de se rafraichir. Et Ryugi se rendit compte alors qu'il avait aussi le pouvoir de maîtriser la température... C'est donc ce qu'il fit dans l'eau, au niveau de Kaoru.

"Aloha Kaoru! Deux secondes. Puissance... Moins 200!"

Et là, tout le lac fut refroidi à moins 200 degrés. Seul ennui, à cette température aussi basse, la température hors de l'eau avait chuté, passant près des 5 degrés (et encore), mais surtout, la température dans l'eau était passée à moins 200... Donc le lac avait gelé, et Ryugi dedans. Seul sa tête dépassait, et il était mort de froid. Bof, trois secondes plus tard, Ryugi était tout joyeux, tout content, tout souriant... Mais toujours tout coincé. Quelle idée d'avoir fait un lac gelé en plein désert, c'était pas comme ça qu'il allait prendre un bain. Bon ben... Ryugi n'eut pas d'autre choix que de craquer une bille d'eau, qui explosa la glace (et Ryugi avec, m'enfin on ne peut pas tout avoir), ce qui fit un trou sphérique dans la glace d'un diamètre d'environ deux mètres. Rempli d'eau liquide. Et bien fraiche. Et du ciel, tomba un Ryugi qui avait ressucité en plein ciel, sauf que pour éviter d'éclabousser son amie, Ryugi avait changé de trajectoire. Résultat, il s'écrasa face contre terre, contre le sable un peu gelé lui aussi, ce qui lui fit délicieusement mal sans le tuer. Se relevant comme si rien ne s'était passé, Ryugi ne remarqua même pas qu'il avait tout le visage ensanglanté. Tout ce qui comptait, c'était qu'il avait bien mal, et que Kaoru était là... Ne pouvant s'empêcher de lui faire un gros calin, Ryugi remarqua qu'elle avait de la fièvre, due à la chaleur étouffante ambiante; Quoique non, maintenant, il faisait beaucoup moins chaud. Mais Ryugi utilisa quand même son contrôle de la température pour que sa fièvre chute et passe à 37°, température habituelle d'un corps réprouvé.

"Na vaaaaaaaaaaa mieuuuuuux?"

Au bruit particulièrement fort que la formation d'un grand fleuve au milieu d'un désert, on se doute que Kaoru n'en avait pas cru ses oreilles, mais lorsqu'elle s'était tourné vers la source de ce bruit, elle n'en avait pas cru non plus ses yeux. Ici, en plein désert, sous une chaleur torride, les rayons du soleil se reflétant sur les eaux limpides d'un immense lac l'éblouissaient. La réprouvée, passé la surprise qui dura bien plusieurs minutes, se secoua. Il y avait forcément de la magie dans l'air. Etrange, au moment où elle songeait avec délice aux avantages offerts par la maîtrise de l'élément aquatique. La jeune fille scruta de son regard de braise la surface du lac. Elle se trouvait cependant trop loin, et les eaux du lac fumaient, chaudes comme celle d'un volcan, et puis il y avait la réverbération. Elle hésita un instant, puis commença à descendre vers le lac, à pas rapide.

Celui-ci semblait vraiment brûlant, vu les volutes de vapeur qu'il produisait. Celui ou celle qui l'avait créée ne devait pas avoir songé à la forte température des lieux. Kaoru regarda autour d'elle. Le lac était de proportions gigantesques. Son créateur devait être vraiment puissant, surtout dans ces conditions. Le cœur de la jeune fille accéléra. Pourquoi avoir crée ce lac ?Etait-il belliqueux ?Si oui, elle devrait sûrement se battre. Et par chaleur, elle doutait de s'en sortir, après une telle démonstration de pouvoirs. Kaoru avait un peu de mal à respirer. C'était déjà le cas quelques instants auparavant, mais la vapeur rehaussait encore la température de l'air ambiant, tout comme elle le rendait plus dense, et donc difficile à respirer. La réprouvée fit glisser sa capuche dans son dos, en vain, pour mieux respirer. Ses cheveux châtains clair étaient collés à sa nuque, et elle transpirait à grosses gouttes. Elle regarda à nouveau autour d'elle, et c'est alors qu'une drôle d'embarcation apparût, barbotant tranquillement sur le lac, se laissant transportée par ses eaux.

Le courant était encore assez fort, aussi passa-t-elle à toute vitesse devant Kaoru, qui put cependant très nettement distinguer une paire d'ailes argentées. Aussitôt l'image de Ryugi apparût dans son esprit. La suite des évènements confirma sa pensée. Et puis, Ryugi prit bien soin de la saluer, tout en nageant à contre-courant, avant de lui offrir comme toujours un spectacle des plus spectaculaires et des plus délirants.

"Aloha Kaoru! Deux secondes. Puissance... Moins 200!"

Elle sourit, soulagée et surtout très heureuse de revoir le réprouvé. Quelle chance que Ryugi voyage autant, et surtout, se fasse autant remarquer à chaque fois ! On ne pouvait pas le manquer ! Elle lui lança sur un ton joyeux :

«Aloha Ryugi !»

C'est alors que Kaoru comprit les derniers mots de Ryugi : il avait ordonné à l'eau, son élément, de passer d'une température presque bouillante, à moins deux cent degrés ! L'eau gela quasiment instantanément. Il ne resta plus qu'un immense glaçon opaque au milieu du désert, avec Ryugi coincé dedans. La jeune fille eut un léger rire, un peu inquiet tout de même. Elle avait renoncé depuis longtemps à tenter de convaincre Ryugi de moins jouer avec le don de résurrection des réprouvés, et aussi à réduire les proportions de ses jeux. Oui, depuis maintenant trèèèès longtemps.
La réprouvée s'aventura plus au bords du lac, lorsque soudain, la glace éclata à l'emplacement même où se trouvait le seigneur des deux rives, ce qui la fit reculer de quelques pas, bonne idée car l'explosion avait projeté le petit réprouvé dans les airs, le voilà qui redescendait à toute vitesse. Ce dernier modifia avec aisance sa trajectoire pour éviter Kaoru. Celle-ci se demanda si il avait conscience d'avoir des ailes lorsqu'il s'écrasa dans un choc terrible face contre glaçon.

Il se releva malgré tout comme si c'était la chose la plus naturelle au monde que de s'écraser ainsi en plein désert, près d'un lac gelé, puis se dirigea vers elle avec un grand sourire et le visages ensanglanté. Comme à chacune de leur rencontre, il la gratifia d'une chaleureuse étreinte. Puis, sans qu'elle ne lui dise rien, il fit baisser la température de son corps, sûrement dû à une fièvre, et elle respira tout de suite beaucoup mieux. Les pouvoirs de Ryugi étaient vraiment sidérants parfois.

"Na vaaaaaaaaaaa mieuuuuuux?"

Demanda-t-il avec un de ce sourires béats dont il était l'unique dépositaire dans tout Cassilmena, quoiqu'un peu ensanglanté, le sourire.

« Oui, beaucoup mieux !Merci Ryugi ! Tu m'étonneras toujours dis-moi !fit Kaoru en montrant le glaçon qui commençait à fondre. Tu es vraiment devenu très puissant maintenant. Mais ça me fait quand même bizarre que tu sois devenu notre chef. Enfin je suis contente, nous nous rencontrons souvent, en ce moment !»

Tout en parlant, elle avait sorti un mouchoir et essuyait tant bien que mal le visage du petit réprouvé.

«Oh là là !Tu saignes beaucoup...Peut-être aurais-tu dû rendre visite à ces messieurs des limbes, et revenir comme neuf...Enfin !Que fais-tu donc paar ici ?Tu t'amuses tout court ou bien..?»

Ce qui était bien avec Kaoru, c'et que Ryugi la considérait un peu comme une grande soeur. Certes, ses pouvoirs ont augmenté plus rapidement que les siens, peut être parce qu'il utilisait la résurrection beaucoup plus souven qu'elle (et que tous les réprouvés du monde réunsi), mais elle était souvent là à s'occuper de lui comme maintenant, où Kaoru avait sorti un mouchoir pour essuyer le visage recouvert de sang de Ryugi. Sauf qu'étant des blessures encore ouvertes, de minuscules blessures comme cela, non seulement les plaies s'ouvraient un peu plus, mais cela faisait en bonus délicieusement mal d'une intensité plus forte à chaque endroit qu'elle touchait de son mouchoir. Il fallait croire que le petit réprouvé était vraiment gâté. Mais ce n'était pas vraiment juste pour qu'elle soit en train de lui essuyer le visage, mais aussi sa simple présence redonnait un peu de chaleur à Ryugi. Après tout, elle était du feu et lui de l'eau. Mais c'était plus comme un chef qui voulait s'entretenir avec un de ses subordonnés... Peut être la réprouvée en qui Ryugi avait le plus confiance. Ryugi piqua le mouchoir, agita l'eau à l'intérieur avant de la faire disparaître, ce qui eut pour effet de le sécher et de le recouvrir d'une plaque rouge très fine. Puis en frottant un peu le mouchoir, la plaque fine d'hémoglibine se fissura et se fractura, tombant en miettes et rendant le mouchoir tout propre. Avant d'utiliser ses pouvoirs de passeur pour connaître l'état d'esprit de la jeune demoiselle, tout en se soignant le visage parce que le sang commençait à couler dans ses yeux et il commençait à voir rouge.

"Kaoru... Tu sais très bien que si je suis là, c'est pour te voir! Qui donc n'aurait pas envie de voir une si jolie réprouvée? Mais c'est bizarre, pourquoi tout à coup, tu es toute rouge? Hein? Aaaah, le sol est rouge, le lac est rouuuuge! Ne vois tout rouge! Ze suis arrivé dans fraises-land? *-*"

Ryugi commença à courir partout autour de Kaoru pour voir s'il y avait un endroit qui n'était pas devenu rouge, et il apparut que non. C'est ça, voir rouge, mais pourquoi est ce qu'il n'y avait pas de fraises dans un monde aussi rouge? Ah ben, Ryugi créa de l'eau dans sa main pour qu'elle prenne la forme d'une fraise et oh! Il la voyait rouge! Donc Ryugi la mangea, mais pas de chance, elle avait un gout de flotte. Pas zuste. Même ses ailes argentées étaient rouge. C'était un monde vraiment bizarre, et ses yeux lui piquaient. Ca brûlait les yeux, mais Ryugi ne fit pas le rapprochement. Bon ben tant pis, Ryugi retourna auprès de Kaoru, il fallait qu'ils discutent sérieusement. Car ce qu'il avait vu via son pouvoir de passeur l'avait un peu effrayé : Bien des gens comme Zyo ou Taurnil lui manquaient, elle était plutot triste à l'intérieur, et il fallait qu'il change cela. Après tout, un seigneur des deux rives avait le devoir de veiller sur ses réprouvés. Et la petite bouille toute souriante de Ryugi voulait y remédier, mais pour cela, il fallait qu'il trouve un moyen, un déclic. Peut être qu'il fallait que Ryugi lui apprenne à s'amuser? A voir le bon côté des choses? On ne changeait pas un réprouvé comme cela, certes, mais le Seigneur des deux Rives pensait que rien n'était impossible. Et c'est pourquoi il prit la main de Kaoru. Alors, tout d'un coup, le paysage fut englouti par une marée noire, et on ne vit plus rien, enfin, les deux ne voyaient plus rien d'autre que le noir absolu et eux mêmes. Les voila dans les limbes. Noires, vides, sans rien d'autre que de l'énergie pure qui les ressourçait. Mais Ryugi frappa des mains, et les voila dans un jardin, avec des fleurs partout (mais qui avaient le gout de chocolat), une pile de fruits, et des miroirs disposés un peu n'importe comment. Un escalier qui se dessinait à côté d'eux, les menant jusqu'à la chaise favorite de Ryugi : une tasse géante en porcelaine. Il adorait s'asseoir sur le rebord de la tasse, et invita Kaoru à en faire de même.

"Tu te souviens? La dernière fois qu'on était dans les limbes ensemble, c'est pour ton test de passage."

Kaoru souriait, tout en essuyant les blessures de Ryugi, bien que cela ne soit pas très utile voir même encore pire. Elle avait toujours eu beaucoup d'affection pour le petit réprouvé. Elle le considérait un peu comme son petit frère, même si elle ne savait pas ce que lui pensait d'elle, et ce malgré tout son pouvoir d'empathie. L'esprit du garçon était peut-être l'un des plus incompréhensibles, en ce monde. Ce dernier, sous le mouchoir maintenant rouge de la jeune fille, soupirait presque de contentement. Kaoru se rendit compte qu'elle lui faisait en fait très mal, en tentant d'essuyer le sang qui continuait de couler à flot. Elle allait s'arrêter immédiatement quand Ryugi lui prit le mouchoir. Elle le regarda faire, un peu gênée de lui avoir fait mal, bien qu'elle soit parfaitement au courant du plaisir qu'éprouvait Ryugi à souffrir. Ce dernier utilisa à nouveau ses pouvoirs, et lui rendit ensuite son mouchoir presque comme neuf.

"Kaoru... Tu sais très bien que si je suis là, c'est pour te voir! Qui donc n'aurait pas envie de voir une si jolie réprouvée? A ce moment-là, il sembla soudain perturbé et intrigué.Mais c'est bizarre, pourquoi tout à coup, tu es toute rouge? Hein? Aaaah, le sol est rouge, le lac est rouuuuge! Ne vois tout rouge! Ze suis arrivé dans fraises-land? *-*"

Les paroles de Ryugi firent plaisir à la réprouvée. Le garçon était toujours si gentil avec elle, et ce malgré son rang et son statut. Bien sûr, il savait être quelqu'un d'autre pour les grandes occasions. Mais Kaoru ne connaissait pas bien cet aspect de sa personnalité. Elle regarda le visage de son ami, et identifia la source de la vision rouge que lui décrivait Ryugi. Maintenant qu'elle n'épongeait plus ses plaies, celles-ci saignaient abondamment, comme toutes blessures à la tête, surtout que la réprouvée avait contribué malgré elle à les agrandir.

«Oh, excuse-moi Ryugi !C'est de ma faute, j'ai agrandi tes plaies et maintenant le sang coule beaucoup sur ton visage et tes yeux...»

Elle ne savait pas trop quoi faire pour s'excuser et surtout pour arranger ça.
Mais le seigneur des deux rives le plus excentrique qu'il n'existera jamais avait déjà passé à autre chose. Après avoir expérimenté le goût d'une boule d'eau qu'il voyait rouge et qui n'avait d'autre saveur que celle de toute eau, le garçon se rapprocha de Kaoru et les envoya tout les deux dans les limbes, action qu'il maîtriser parfaitement, et en tant que passeur, et en tant que chef. A la réflexion qu'elle visitait les limbes trois fois plus que d'ordinaire à chacune de ses rencontres avec Ryugi, Kaoru se demanda si ce dernier n'avait pas maintenant carrément un résidence là-bas.
En tout cas, grâce à lui, elle n'avait plus de sentiments de crainte et de doute d'être dans les limbes. Après tout, oui, c'était peut-être la deuxième patrie des réprouvés. Encore fallait-il qu'ils trouvent la première.

Le réprouvé argenté n'attendit pas longtemps avant de redécorer le paysage à sa guise, comme toujours. Ce dernier afficha alors les couleurs vives qu'affectionnait le réprouvé, et l'exubérance dont il faisait toujours preuve : des fleurs de partout, un jardin de parc d'attraction mais aussi des miroirs et des fruits et surtout, la grande tasse de porcelaine, que voyait Kaoru pour la deuxième fois. Le chef des réprouvés s'assit sur son rebord, à la manière de leurs dernières visites communes dans les limbes. Il l'invita à le rejoindre. Elle s'envola vers luis et s'assit à son tour, avec grâce, au côté de son ami.

"Tu te souviens? La dernière fois qu'on était dans les limbes ensemble, c'est pour ton test de passage."

Elle sourit avec un soupçon de malice. Bien sûr qu'elle s'en souvenait. Comment oublier ? Elle avait appris tant de choses ce jour là. Et puis bien sûr, elle avait évolué, changé. Tant au niveau de son rang parmi les réprouvés, qu'à l'intérieur d'elle même. La plupart de ses rencontres la grandissaient, mais celle avec Ryugi étaient particulières : le réprouvé avait un vision de la vie et des évènements si différente et pourtant pas si insensée que ça. Le réprouvé lui permettait vraiment de changer. Elle devrait le remercier beaucoup plus qu'elle ne l'avait jamais fait à présent.

«Comment pourrais-je oublier ?Chacune de nos rencontres est un précieux trésor pour moi. En particulier ce test de passage. Je te remercie vraiment pour tout ce que tu as fait pour moi, Ryugi.»

Elle attendit ensuite qu'il parle. Elle ne savait pas encore, et n'en avait de toutes façons pas la moindre idée, de ce qu'il voulait lui dire, ici, dans les limbes.

Ryugi commençait à jouer un peu en attendant avec une boule de feu entre ses mains. Oui, il n'avait ni le pouvoir du feu, ni celui de résister aux flammes, mais ces flammes là étaient spéciales, elles brulaient sans bruler, elles étaient enflammées sans pour autant chauffer la main de celui qui le tient. C'est comme une plume d'ange : elle blesse la main de celui qui le vole, et elle soigne la main à qui cette plume a été donnée. Mais il n'était pas là pour parler des anges, mais des réprouvés. Cela se voyait que Ryugi était tout content : Content de pouvoir enseigner, content de pouvoir apprendre quelque chose à la réprouvée auquel il devait surement tenir le plus. Et par là même enlever peut être sa tristesse. Car Ryugi sentait qu'elle était un peu triste, que Zyo et Taurnil lui manquaient. Et c'était pour cela qu'il devait lui expliquer au plus vite ce qu'était un réprouvé, ce qu'elle en savait, ce qu'elle même était. Il fallait qu'elle comprenne ce point, et vite.

"Dis moi Kaoru... Quand disparait un réprouvé? Comment disparait un réprouvé? Et par extension, comment meurt une personne?"

La voix de Ryugi avait changé. Il paraissait plus sage, plus empreint de sagesse et de force, plus mature. Il semblait changé du tout au tout, bien que son apparence, sa taille, n'ait pas changé, mais il serait difficile de reconnaître Ryugi, ce Ryugi, sérieux au possible, avec un sourire non pas d'amusement mais d'apaisement, calme et posé. C'était cette autre facette de sa personnalité, puissante et sage, qui ne pensait pas à jouer, mais au bienfait de son peuple. Et là, il avait vu en Kaoru une personne en qui il pouvait avoir confiance. Peut être que cette question qu'il venait de poser allait la choquer, la rendre triste, mais deux personnes, non, trois personnes venaient d'apparaître. Peut être que cela allait aider. Un Zyo, un Taurnil et un Viruk apparurent, l'ancien seigneur des deux rives posant une main chaleureuse sur l'épaule de la jeune réprouvée. Ce n'était qu'une illusion, terriblement réaliste, mais une simple illusion. Pourtant, est ce pour autant qu'il n'est pas réel? Là était la question qu'il fallait que Ryugi pose et que Kaoru comprenne. Le point où elle avait fait une erreur. Ryugi ne parla même pas, ce fut Zyo qui parla, de la même voix qu'il avait encore une fois vivant.

"Oui, je ne suis pas Zyo, juste une création, une illusion de Ryugi. Pourtant, j'ai l'air bien là, présent, à tes côtés. Cet imbécile à côté de toi a déja testé toutes les morts possibles et inimaginables, on l'a tué de toutes les façons possibles, on l'a même poignardé avec une lame runique spécialement conçue pour le priver d'aller dans les limbes, et pourtant, il est toujours là. Car quand disparait un réprouvé? Quand son corps est totalement détruit? Quand son âme est totalement détruite? Non, un réprouvé, et même tout homme, ne disparait... Que quand son souvenir tombe dans l'oubli. La preuve en est, je ne suis plus là, mais Ryugi se souvient de moi, ne m'a pas oublié, et c'est comme ça que je suis apparu. Et tant qu'il y aura un réprouvé qui se rappelle de qui j'étais, de qui étaient mes prédécesseurs, de ce que j'étais, je réapparaîtrai, comme aujourd'hui je suis à tes côtés. Tant que dans ton coeur, j'ai toujours une place, un souvenir, j'existerai toujours et t'aiderai toujours dans toutes les taches que tu feras. J'apparaîtrai quand tu auras besoin que j'apparaisse, et je ferai ce que je pourrai pour t'aider tant que tu n'oublieras pas comment j'agis."

C'est ça, une des lois principales qui gèrent la vie : Une personne ne meurt que quand son souvenir tombe dans l'oubli. Et c'est pourquoi Ryugi avait reçu cette seconde personnalité au moment où il est devenu chef, et il ne savait pas pourquoi il l'avait eue ni comment ou qui le lui avait donnée, mais cette seconde personnalité contient la volonté du tout premier seigneur des deux rives, et c'est la raison pour laquelle il vivait toujours en lui. Que l'énergie des réprouvés subsiste depuis autant de temps. Ryugi en tout cas souriait. L'illusion des trois réprouvés disparut alors. Le décor même disparut, parce que Ryugi voulait montrer à Kaoru les limbes telles quelles le sont sans illusion, sans artifice : un endroit très sombre sans lumière, où il n'y avait absolument rien. Puis il se concentra et une lumière apparut, ma"is pas n'importe laquelle : une lumière douce, chaleureuse, attirante, qui voulait qu'on s'approche d'elle, qu'on y entre, comme si c'était un concentré d'amour pur. Avant de remasquer cette lumière.

"Les limbes sont l'antichambre de la mort. Cette lumière que tu as vue, c'est l'au delà. C'est pour cela que les gens revenus de la mort pensent avoir vu un tunnel : parce qu'il n'y avait qu'une seule direction de logique, vers la lumière ou vers l'opposé de cette lumière. Les réprouvés eux n'y ont pas droit : le côté démon voile le paradis, le côté ange voile l'enfer. C'est pour cela qu'on ne peut pas voir cette lumière en temps normal, c'est pourquoi les limbes sont le noir absolu. Pourtant, après un moment, on y ressort par l'endroit où on est rentré, où l'âme récupère de l'énergie. Fermes les yeux, et concentres toi. Essayes de ressentir cette infime énergie, ces particules d'énergie infiniment petites qu'on ne la voit pas à l'oeil nu. Infiniment petites et infiniment nombreuses. C'est cela qui te recharge, c'est cette énergie, l'énergie des limbes. La première des leçons : l'énergie des limbes est presque infinie, mais il faut que tu la ressentes, que tu arrives à savoir où chaque particule d'énergie se trouve..."

» Test de passage (Ryugi Silver-Kaoru)
» Vie de chien... [PV Ryugi]
» A la chasse ! [Pv Ryugi]
» Essaie de se perfectionner. [PV >> Ryugi ! ^^]