Au clair de la lune (Lana)

La mort, Yilna avait cessé de penser à la sienne, mais la mort ne l’avait pas quitté loin de là. Elle était partout, toujours là, impossible pour la karnash de l’oublier. La mort. Peut-être était-ce pour cela qu’elle s’était rendu une nouvelle fois dans le cimetière. Yilna se remémora un instant un combat contre une vampire, il y a longtemps à présent. Le temps avait une façon bien étrange de s’écouler pour la karnash, certains évènements lointain semblant si proche et d’autre bien plus récent semblant si lointain. Sa mémoire pouvait semblait défaillante mais elle ne l’était pas, bien au contraire, et là était tout le problème. Yilna avait cessé de penser à sa propre mort, mais en échange elle avait gardé cette lueur de folie dans le regard, la brèche de son esprit ne s’était pas refermé, elle se tenait toujours en équilibre entre ses moi interne. Yilna la sadique, l’hystérique, la renfermée recommençait lentement à se mêler à Yilna la dépressive, la masochiste, la perdue. Et au milieu se trouvé Yilna la décidé, le côté le plus stable de la karnash. Le cœur de Yilna avait toujours était tiraillait voir déchirait entre ses désirs contraires, mais son esprit qu’elle avait pu un instant reconstruire, avait sombré à nouveau. Yilna n’était plus qu’un amoncellement de Yilna, un puzzle complexe, mais qui ne l’était pas ?

Le problème actuel ne résidait pas dans le fait que Yilna basculait lentement dans la folie, ce n’était pas la première fois et sans doute pas la dernière, le problème était que Yilna ne savait plus quoi penser. Elle avait l’habitude d’être imprévisible, même pour elle même, mais là elle était totalement perdue sur son propre comportement. La karnash était plus que jamais instable et paradoxalement elle n’avait jamais été aussi équilibrée de sa vie. Yilna se trouvait en équilibre sur un fil, mais pour le moment elle tenait bon. Rien d’inquiétant pour elle, elle avait tant l’habitude d’être à l’origine de ses douleurs, qu’elle avait finis par ne plus s’en souciait, non Yilna était dangereuse pour les autres, dangereuse car imprévisible.

La karnash s’appuya nonchalamment contre une tombe, la nuit était tombée depuis plusieurs heures mais la lune était presque pleine il n’était pas difficile d’y voir correctement. Même pour quelqu’un n’ayant qu’une vue très moyenne. Ce qui était loin d’être le cas de Yilna. Elle soupira un instant en regardant les étoiles. Une légère soufflait dans le cimetière, ce qui tira un sourire amusé à la jeune femme. Silhouette féminine appuyait sur une tombe dans la nuit, Yilna portait pour une fois, une cape qui la recouvrait presque entièrement. La karnash entendit des pas non loin de là mais ne s’alarma pas, après tout, chacun avait le droit de se promener de nuit dans le cimetière.

Yilna aurait pu rester immobile à observer les étoiles toute la nuit, mais elle eut la soudaine envie de chanter, un chant triste et grave qui s’accélérer petit à petit pour monter dans l’aigu. Il n’y avait pas de paroles juste une mélodie, qui vibrait et se répercuter sur les pierres, la karnash avait une façon de chanter frappante et touchante, peut-être le tenait-elle de son côté oiseau. Elle ignorait cependant ses propres qualités et chantait peu, comme si quelque part elle avait oublié qu’elle adorait le faire.

Yilna se tut, les pas c’était rapprocher d’elle, elle se décolla de la pierre sans que son attitude sois toutefois menaçante, et fit quelques pas pour se dégourdir les jambes, un peu plus et elle avait des crampes…ou pas. La karnash avait tant l’habitude de passer du mouvement à une immobilité parfaite, qu’elle pouvait rester des heures dans la même position sans éprouver la moindre gêne physique.

« La lune est clair ce soir »

La karnash se mit alors à tournoyer sur elle même puis à éclater de rire, bien qu’elle soit la seule à véritablement comprendre pourquoi… et encore ce n’était pas certain.

~.. Souvenir .. ~

C'était un soir d'automne, un soir très calme. Le soleil s'était déjà couché depuis un long moment, laissant sa place à la lune d'argent qui en était à son quatrième jour de croissance. Quelques nuages venaient perturber le ciel mais ils n'empêchaient pas cependant ces quelques étoiles lumineuses de s'éparpiller dans le voile noir de la nuit. La plupart des grands arbres avaient déjà été presque entièrement privés de leur manteau de feuilles, qui, à présent, commençait à recouvrir le sol. La soirée était certes sombre, mais on pouvait toutefois apercevoir de la lumière émaner d'une maison. Une grande et magnifique villa. La fenêtre principale était celle du somptueux salon. A l'intérieur on pouvait observer un homme, accompagné de ses deux filles âgées d'environ quatre ans, une blonde, l'autre brune, tous trois assis près de la cheminée. Un peu plus loin dans la pièce, une femme, jouant du piano. Les trois spectateurs paraissaient émerveillés par le morceau qu'elle interprétait. Et pourtant... aucun son n'en sortait. Etait-ce à cause de la fenêtre ? Empêchait-elle tout son de se propager au dehors ? Peut être... qui sait ?

Soudain, l'image se brouilla, laissant place à une grande maison grise et légèrement délabrée. A l'intérieur, au plus bas étage, les deux mêmes petites filles étaient assises dans un coin, une expression triste sur leurs visages. Pendant ce temps, une femme parlait à la directrice de l'orphelinat, la priant de prendre en charge les deux jeunes enfants, en raison de la disparition de la comtesse et du comte, leurs parents...

Mais à nouveau cela disparut pour laisser place à un autre souvenir. Un corps sans vie, par terre, baignant dans une marre de sang, au beau milieu d'une forêt. Le corps d'une jeune femme blonde, ressemblant, même si, beaucoup plus mature, traits pour traits à l'une des deux petites filles.

-Lyn !!! Noon !!!

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Lana ouvrit les yeux et se leva en sursaut. A nouveau ces rêves lui rappelant son passé... Etaient-ils réels ? Il n'y avait aucun doute là dessus. En particulier le dernier, la mort de sa soeur. Elle savait, depuis un quelques années maintenant ce qui s'était réellement passé, ou, du moins... Elle pensait le savoir. Mais à la vue de tous ces indices, comment ne pas comprendre que c'était elle qui l'avait tué ? Elle avait peut être perdu la mémoire, mais elle n'avait jamais perdu l'esprit. Elle était assez intelligente pour pouvoir faire le lien entre ces rêves, ces flashbacks... Même si elle ne connaissait que quelques petits passages de sa vie, celui-là lui était incontestable...
La jeune femme regarda autour d'elle. C'était la première fois qu'elle se réveillait la nuit. Mais derechef, c'était dans un endroit qu'elle ne conaissait pas. Elle était près d'un cimetière. Un endroit où résident les corps des défunts. Lana n'avait jamais compris pourquoi certaines personnes avaient peur de s'aventurer dans des cimetières. Après tout, ce n'étaient que des corps reposant dans les tombes, leurs esprits ayant quitté depuis longtemps ce lieu sombre et lugubre... Qui sait, peut être que certains d'entre-eux, ne pouvant encore se détacher de ce lieu, y restaient, effrayant les personnes osant s'y aventurer... Et puis... c'était aussi le terrain de chasse préféré d'un bon nombre de démons et vampires, allez savoir pourquoi.

Avait-elle peur de la mort ? Non, loin de là. Au contraire, même si quelque chose persistait à lui éviter la mort, cela faisait depuis un très long moment que Lana songeait à quitter la vie. Tous ces souvenirs horribles, en particulier le meurtre de sa soeur, qu'elle était persuadé d'avoir effectué elle même, ne faisaient que renforcer cette envie. Ayant perdu goût à la vie, la jeune femme avait aussi chassé sa tristesse, sa joie mais aussi toute forme de peurs. C'était comme si son corps perdurait encore à être animé par des fils invisibles, comme celui d'une marionnette sans âme.

Lana s'avança lentement, entrant dans le cimetière. Après tout, si elle s'était retrouvée à cet endroit, il y avait bien une raison... La quasi pleine lune éclaira son visage, comme d'habitude, inexpressif, dénué de tout sentiment, se reflétant sur sa peau blanchâtre, encore plus pâle que celle des morts, se rapprochant plus de la couleur de la neige, peut être même, légèrement bleutée. Ses iris d'un bleu très clair, se fondaient presque avec le blanc de ses yeux, comme si elle avait encore été aveugle... Et pourtant, sa vision n'en était pas réduite, au contraire, elle avait une très grande acuité visuelle, à son plus grand regret. Elle aurait tant voulu ne plus avoir à porter ce fardeau, pouvoir vivre sans avoir la capacité d'apercevoir ce monde dont la vue la torturait, comme autrefois où elle était aveugle... Malheureusement, aucun détail n'échappait jamais à sa vue même si, tout ce qu'elle voyait lui importait peu. Elle aurait pu décrire dans ses moindres détails, chacune des pierres tombales, les arbres aux allures fantômatiques, mais toutes ces images, pourtant si précises ne s'enregistraient jamais dans sa mémoire, simplement parce qu'elle n'en avait pas envie. C'était comme si toutes ces choses la survolaient sans jamais prendre la peine de s'arrêter.

Son regard, se perdant au loin, ses yeux virent pourtant une femme s'appuyant sur une pierre tombale. Le chant qui avait émané de ses lèvres était certes magnifique mais Lana n'y était guère sensible, tout comme les images, ses sons ne faisaient que survoler son esprit, partant ensuite très loin, sans s'arrêter. L'inconnue était d'assez petite taille et avait une corpulence très fine. Elle avait des cheveux courts et deux yeux de différentes couleurs. Malgré la tristesse qui s'y reflétait, elle était belle. Mais à nouveau, tout cela n'avait guère d'importance pour Lana. Lorsqu'elle fut interpellée par l'inconnue, elle se contenta de la regarder, ses yeux se perdant pourtant au loin, derrière elle, comme si elle avait été capable de voir à travers la jeune femme. Comme si elle avait appartenu à un autre monde, un monde auquel personne ne pouvait accéder. Toujours de sa mine inexpressive qu'il était impossible de déchiffrer, impossible d'y déceler une once de joie, de tristesse ou de colère, elle hocha la tête alors que l'inconnue éclatait de rire. Lana ne savait pas si celle-ci se moquait d'elle mais tout comme le reste, cela lui importait peu, elle n'y accordait guère son attention. Elle se contentait de la voir sans vraiment la regarder et l'entendre, sans pour autant l'écouter...

Yilna s’immobilisa stupéfaite. C’était elle ! Elle faisait face à elle-même. Pas la elle-même, non l’elle d’avant. Celle qu’elle était en débarquant sur ces terres qui étaient alors bien différentes et pourtant tellement pareille. Yilna n’était qu’un cadavre ambulant, aucune émotion dans les yeux, rien qu’un vide béant, un vide que personne ne voulait regarder. Yilna s’était enfermé, si profondément si violemment qu’il n’était pas certain qu’elle se soit libérée de sa propre prison. Mais la karnash avait finit par retrouver une expression, plusieurs en réalité successive. Le désespoir était finalement revenu et avait tout balayé une fois encore. Mais les intempéries, les catastrophes plutôt, en même temps que de la balayer non pas par leur violence et leur carnage mais par le fait qu’elles aient réussi là où elle avait échoué depuis tant de temps, les catastrophes l’avaient écrasé et violemment détruite de l’intérieur mais elles avaient également ravivé cette petite flamme qui brillait très faiblement quelque part au fond de l’esprit de la karnash.

Oui Yilna crut un instant se voir en la femme qui lui faisait face dans ce cimetière, elle sut qu’il fut instant où elle avait été pareille, et elle savait que cela était du au souvenir, au souvenir douloureux, qu’elle les fuie ou que ses souvenirs la hantent c’était la mémoire qui engendrait l’attitude de la femme. Elle fuyait, d’une certaine manière, Yilna en avait conscience, elle le réalisait parce qu’elle était elle même passait par là. En vérité elle y était encore parfois un peu. La folie qui l’animait à présent ne suffisait pas à masquer ses souvenirs, elle ne suffisait pas à effacer les chaînes qu’elle s’était elle-même posées, pas complètement du moins.

« Quel souvenir fuis-tu ? Il y en a qui vous hante, d’autre qui vous guide. Parfois on s’en cache, parce qu’ils sont trop douloureux, trop horrible. Ils nous avalent et nous façonnent. Vous fuyez bien un souvenir n’est-ce pas ? Quoi qu’on fasse ils nous rattrapent à la fin, … on croit pouvoir les esquiver, pouvoir s’en détacher mais on se trompe. A la fin ils gagnent, a moins d’y faire face. Je ne suis pas sur de vouloir y faire face…même en sachant cela… »

Yilna ne se rendait pas vraiment compte que son discours pouvait sembler de cohérence. Elle avait tendance à s’emballer un peu trop sur le sujet, ou bien tout simplement à esquiver. Mais cette nuit elle n’avait pas envie d’esquiver, pas envie de fuir, elle avait envie de rester face à cette femme, qui quelque part lui faisait penser à elle-même. Cette nuit elle avait envie d’agir, d’une façon ou d’une autre. Et s’il fallait commencer en parlant et bien soit elle parlerait. Elle était capable de tenir un monologue s’il le fallait, bien qu’elle ne le fasse plus depuis longtemps. Cela faisait parti des choses qu’elle avait laissé en arrières, qu’elle avait cru laissé en arrière, mais qui était toujours là, quelque part.

« Moi j’ai fui la mort et la souffrance, la mort des êtres aimés et ma souffrance… »

Il est vrai que sa mort elle ne l’avait pas fui, pendant un temps. Et puis toutes ses tentatives ratées plus l’intervention d’un ange noir l’avait poussé à réfléchir. De toute façon la plupart du temps Yilna avait cherché la mort de manière inconsciente tout en faisant tout pour se maintenir en vie. Paradoxal. Voilà un mot qui résumait bien la karnash, elle était un immense et complexe paradoxe. Et elle ne changerait sans doute pas avant de longues, longues années, voir jamais.

« Que fuyez-vous ? On fuit tous quelque chose, quelque part. On fuit… »

Yilna se remit à fredonner quelques secondes à peine comme pour se rappeler de quelque chose, elle pencha légèrement la tête sur le côté, plissa le nez et se mit à sourire, un bien étrange sourire qui n’avait rien de joyeux. Un sourire nostalgique, à la fois trop vieux et trop jeune, un sourire de karnash.

hj:désolé du retard j'étais pas vraiment là ces vacances

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