S'aventurer en ville [ Flam ]

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Lorsque l'on perd un sens, se réhabituer n'est pas forcément évident ... Et aussi très lent. Il faut avancer doucement, mais sûrement. Aussi Ina avait-elle hésité avant de se lancer en ville, chose plutôt risquée quand on ne voit pas grand chose. Les nuages avaient quittés le ciel, et le soleil brillait puissamment, rien ne le perturbant pour autant. Plusieurs oiseaux s'envolaient, amusés et enchantés par ce temps bénéfiques. Les sons lui indiquaient la jovialité de cette journée, et quittant la rue marchande, et tout le remue ménage qui l'envahissait, elle s'aventura dans les jardins, son bâton à ses côtés. Even demeurait au dessus d'elle, battant des ailes et volant tout en veillant à la garder dans son champ de vision. Il se devait de la protéger, il l'avait juré à la mère légitime de la réprouvée. Un certain lien s'était installé entre les deux individus depuis leur première rencontré en forêt, ou plutôt à la lisière, en quittant la plage, le jour où Ina s'était enfin décidée à avancer.

Brusquement, le bâton de la jeune aveugle heurta quelque chose, et le son qui sortit du choc indiqua un objet de bois. Elle reconnut un banc, et posant sa main sur la bordure métallique, elle s'assit, ramenant ses jambes en tailleur. Elle ferma les yeux un instant. Les passants la regardaient avec curiosité, se demandant ce que la jeune fille pouvait bien faire. Even descendit, et se posa sur les genoux de Ina, silencieux. Il émit un petit cri, poussant le bras de la jeune fille du bec. Il n'aimait pas la voir pensive. Ina rouvrit les yeux, regardant face à elle, d'un air froid, son visage inexpressif. La chaleur l'avait quitté depuis un moment, touchée par les cruautés de la vie, seuls certains évènements lui ramenaient parfois le sentiment de satisfaction d'être vivante, qui le quittait brutalement lorsqu'elle entendant un bruit étrange. Toujours être à l'aguet, tel était la vie de la jeune fille. Ne dormir uniquement que d'un oeil. Et ne rien laisser passer.

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Une crinière plutôt sombre se profilait à l'horizon, il était rare de voir des licornes de ce statut certainement sachant pertinemment que ce qui fait la beauté de ces créatures majestueuses soit leur couleur blanche immaculée. Seulement, le fier destrier qui avançait au pas n'était pas commun tout comme la jeune demoiselle qu'il portait sur son dos. En voyant cet étrange duo, tout le monde aurait pu pensé à un numéro de cirque mais ce n'était pas le cas. La demoiselle aux fins cheveux verts attachés aujourd'hui en tresse tombant sur son épaule, le sourire perché sur ses lèvres et parlant seule ou pas avec son animal n'était pas ordinaire. Communément, on ne préférait pas s'approcher de ce genre de personnes, les qualifiant de folles. Mais ce n'était pas le cas de la dénommée Flam, elle prenait juste la vie du bon côté, quel mal y avait-il à cela ? Aucun assurément ! Elle se retrouvait donc là, à errer dans la ville qui avait subi bien des dégâts. Cette vision la frappa et lui fit perdre son éternel optimisme. C'était un tel ravage...Elle ne pouvait y croire. Elle venait juste de passer la porte comme il y a de cela longtemps et découvrait une Cité changée, comme métamorphosée. Bien sûr, elle avait subi les dégâts de la catastrophe et en avait réchappé tout comme Effyan, elle ne saurait pas quoi faire sans son compagnon, l'un des derniers rescapés à avoir toujours été là pour elle. Depuis toujours elle pouvait compter sur lui alors à la mort de son père mis au bûcher par erreur, elle avait eu besoin d'un ami et elle l'avait trouvé ou plutôt ils s'étaient trouvés, comme quoi le destin fait bien les choses parfois.

Mais passons. Flam avait grandement faim ce jour-là c'est pourquoi elle descendit de sa scelle et laissa la bestiole attachée à un poteau. Bien sûr, elle eut droit à toutes les grimaces et tous les noms d'oiseaux inimaginables pour faire subir une telle honte à la licorne mais elle ne se gêna pas. Bien au contraire, elle prétexta qu'une bête doit rester dehors, que les animaux sont interdits à l'intérieur et que jusqu'à preuve du contraire, c'était encore elle l'humaine, on pouvait l'assimiler à une chèvre avec sa tête de bourrique mais ça, seul très peu de personnes le savaient. Elle entra donc dans une petite boulangerie qui apparemment était déjà bien remplie, certainement que beaucoup prévoyaient le manque de nourriture et avec ce regard perfide qu'elle soupçonnait dans les yeux de chacun des protagonistes présents, ils allaient se jeter sur la nourriture abordable pour en faire leur frais. Elle n'allait tout de même pas laisser ces vampires s'emparer de la miche de pain qu'elle venait de repérer. Alors faisant des politesses et des courbettes à tout va, elle réussit à se faire passer pour une femme des rues muette, bien qu'elle n'avait que 18 ans, elle avait déjà joué la comédie mainte fois, surtout face à des vampires, elle n'avait aucune raison d'éprouver un quelconque remord. Elle ressortit donc le sourire aux lèvres, parlant par télépathie à Effyan, engouffrant son morceau de pain dans son sac et partant en direction du jardin public.

Là, elle remarqua des personnes en observant une autre, normal me direz-vous ! En même temps, tout ce qui change attire et elle le savait parfaitement. Cette demoiselle lui semblait bien charmante et qu'elle n'est pas de compagnie la déprimait pour elle, pauvre petite ! C'est pourquoi elle descendit de cheval et s'approcha d'elle, un large sourire aux lèvres. La Métamorphe décida de s'asseoir et d'entamer la discussion bien qu'elle allait certainement commettre une bourde...

- Bonjour Mademoiselle. Vous êtes radieuse aujourd'hui, accepteriez-vous la compagnie d'une modeste passante telle que moi ?

Encore partie dans ses délires incessants notre Flam..

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Le silence était de la partie, en dehors des passants qui lui adressaient un regard bien curieux, marchant seul ou à plusieurs. Certains qui marchaient un peu trop près eurent droit à l'agitation légère de Even, qui demeurait silencieux aux côtés de sa maîtresse, immobile. Plusieurs fois elle posa sa main sur le plumage de l'animal, afin de lui indiquer de se calmer, qu'après tout, il était bien normal qu'il y ait des gens dans une cité ... Non ? Mais pourtant, le manège du faucon reprenait à chaque fois, lassant l'adolescente, qui fit remarquer à Even qu'il n'avait pas besoin de faire tout ça. Alors qu'ils demeuraient silencieux, une jeune femme habillée d'une cape de fourrure, intéressée par la beauté de l'animal voulut s'en approcher, afin de le caresser ne serait-ce qu'un peu. C'était l'une de ces personnes de haut rang pensant que chaque objet qu'elle désirait pouvait lui appartenir en claquant des doigts. Mais alors qu'elle approchait dangereusement de l'animal dont elle avait envie, perché sur un perchoir dans son appartement, Ina dégaina son bâton, lui collant le sommet au niveau du ventre, fronçant les sourcils.

" Je serai vous, je ne ferai pas ça."

La femme la regarda dans les yeux, remarquant leur pâleur. Elle repoussa le bâton d'un geste violant de la main, l'écartant de sa trajectoire. Even cria alors, et pinça le doigt de la jeune femme, qu'elle avançait hâtivement. Il se mit à voler, criant, car chanter n'est pas trop un terme à utiliser avec un tel rapace ou une situation pareille, se posant parfois sur la tête de la noble, et se penchant pour crier à nouveau dans ses oreilles. Ina rappelait Even près d'elle, sentant l'agitation alentour. Les passants s'arrêtaient, certains amusés par la scène. L'animal vint ensuite se replacer aux côtés de sa maîtresse, pendant que l'imprudente s'éloignait en courant, réarrangeant sa coiffure à mesure des mètres qu'elle parcourait, accompagné d'un majordome. Ina rit un peu, pendant que les habitants reprenaient leur chemin, divertis par cet épisode. Mais brusquement, des sabots frappèrent le sol, et Ina rangea son bâton. Une odeur sauvage lui frotta le nez, et elle elle s'étonna intérieurement. Elle était en ville, qui était face à elle. Soudainement, la surprenant, quelqu'un vint s'asseoir à se côté, manquant de peu Even. Elle faillit lui dire que s'éloigner, mais déjà le faucon observait l'imprudente avec un regard furieux. Ina le sentait, et le retint doucement.

" Que voulez-vous ? "

Le faucon, rageur, battait des ailes, impatient. Mais derrière, Ina le retenait par la queue. Ouïe, point sensible.

[ De retour ! ^^ ]

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[ Yeahhh

]

Flam, Flam, Flam...Bien trop bête pour se rendre que compte que parfois il ne faut pas embêter les autres et pourtant, c'est ce qu'elle venait de faire mais elle ne supportait pas la solitude et l'attitude de cette jeune demoiselle l'avait comme qui dirait touché ? Peut-être que c'était plus une sorte d'attirance ou de curiosité bien qu'elle ne s'amusait guère avec le malheur d'autrui. C'était une personne simple, haute en couleur, on l'avait ou on ne l'aimait pas, on pouvait ne pas la regarder aussi passer mais généralement, elle ne passait pas vraiment inaperçue. Amoureuse de la vie, pleine de pêche et de soleil, elle redonnait en général le sourire à tout le monde avec ses pensées idiotes et ses réactions doublement pertinentes de bêtise. Evidemment, elle n'était pas ce qu'on peut communément appeler une aliénée, elle n'avait aucun trouble psychologique, ni n'avait reçu de coups pendant son enfance pour subir une commotion qui lui aurait endommagé le cerveau, elle avait simplement vécu trop d'horreur, vu trop de choses pour se tourner vers un autre chemin, quoi que, elle aurait bien pu. Les ténèbres, le mal et tout cela mais elle ferait une piétre maléfique, sachant déjà à peine aligné deux mots vulgaires et énigmatiques dans les phrases, oui car les méchants tous vilains eux ne parlent que par ça ou alors avec des onomatopées, des bouts de mots incompréhensibles, remplis de silence et de lourdeur. Quand elle avait quelque chose à dire, notre métamorphe ne se gênait guère et sortait une tirade des plus incompréhensibles toujours avec le sourire. Ah oui, et le coup des gros yeux, elle l'avait déjà testé celui-là avec Effyan pour parvenir à un résultat plus que médiocre, non franchement, elle ferait mieux de rester du bon côté. Enfin, vous la voyez brandir une épée et crier " à l'attaque " avec un air des plus sérieux en fondant sur ses ennemis, qu'elle se serait fait d'une étrange façon une nouvelle fois étant la générosité et la bonne humeur incarnée bien que certains n'apprécient pas ce genre de chose. Et puis, il faudrait que son destrier perde un peu de poids, elle lui attacherait et coifferait cette crinière rebelle et devrait choisir où disposer des pics acérés pour paraître un peu plus " démoniaque ". Elle irait à la brocante du coin voir s'ils ne possèdent pas de dents de vampires, des ongles de mégères et peut-être une fausse paire d'ailes noires, elle se maquillerait, peignant son visage en blanc et peut-être que là, elle aurait l'air de quelque chose. Par contre, elle devrait transformer son sourire joyeux en un sourire carnassier, ça posait plus problèmes qu'autre chose. C'est tentant de se donner un air de sorcière des temps reculés qu'elle écouta les quelques mots prononcés par la demoiselle.

- Moi ? Te manger bien sûr, je n'ai pas eu de ragoût d'enfants depuis des lustres. Si tu savais, je ne suis qu'une pauvre femme qui erre avec sa vache.

Flam se retint de rire. Réellement, elle racontait n'importe quoi, elle devait avoir un problème c'est aussi ce que pensait sa monture en lui donnant un coup de queue dans le visage. Elle ne put se retenir et éclata de rire, un rire franc et vivant, elle ne se cachait pas. Certains veulent par dessus tout ne pas montrer leurs émotions et vivre dans l'ombre, la jeune femme ne pensait pas ainsi, elle prouverait à quiconque lui affirmerait le contraire que se montrer sous son vrai jour et toujours récompensé et permet de se sentir en accord avec soi-même. Redevenant un instant sérieuse, elle adressa un sourire à l'attention de la miss et de son adorable perroquet, ou peut-être était-ce une perruche ? Elle n'avait jamais su distinguer un cachalot d'une coccinelle de toute façon, ce n'était pas aujourd'hui que ça allait commencer.

- Je me nomme Flam, je suis le Maître de ce jardin, je pensais que tu ne prenais pas assez de place sur ce banc, tu devrais manger plus, même ma vache est mieux portante que toi.

Bien sûr, ses paroles relevaient de l'ironie, elle n'avait aucune prétention vis-à-vis de la jeune aveugle.

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[ ^^ ]

Toucher les gens ? Voilà quelque chose qu'elle ne s'attendait pas à faire. Ayant conscience de ce qui lui recouvrait les yeux, elle avait plutôt l'impression d'effrayer les gens, ou d'être une bête de cirque. Elle avait eu aussi à faire avec de la pitié, mais en trop grande quantité, cette dernière se révélait plutôt encombrante, et on finissait par étouffer sous ce trop gros paquet de sentiments, au point d'en devenir méfiante, à se demander si la personne qui vous offrait autant d'attention ne cachait pas quelque chose. Aussi la méfiance de la jeune fille n'avait-elle été que décuplée, déjà qu'elle était déjà grande. Aussi, envers cette jeune fille qui venait de s'installer à ses côtés, elle ne ressentait pour le moment par grand chose, aussi inexpressive que d'habitude, et plutôt froide. Si cette inconnue était une amoureuse de la vie, Ina était quelqu'un de très réservée, et qui aurait tout fait pour déjà la quitter. Pourtant, vous me direz, elle n'a pas vécu beaucoup : certes, mais quand tous vos proches, tous ceux que vous aimez ou disparu, quand vous avez perdu la vue alors que vous n'avez pas tout découvert, lorsque vous apprenez que vous êtes destinés à voir mourir et disparaître tous ceux avec qui il serait possible que vous tisseriez un lien, la joie de vivre de cette jeune fille n'atteignait pas la réprouvée. Certes, beaucoup attendaient, et cherchaient la vie éternelle, au prix de leur vie. Mais Ina n'avait rien demandé, elle était de ceux qui pensaient qu'une partie de la beauté des humains était le fait que leur vie soit éphémère. Mais à présent, elle pouvait prouver qu'elle n'était pas de ceux-là. Pourtant elle aurait tellement aimé ...

Ecoutant la jeune fille raconter des bêtises, Ina ne bougeait pas, gardant son regard plongé dans les ténèbres, comme si elle fixait le mur d'en face, une bâtisse blanche. Avec la lumière du soleil, cette dernière en devenait éblouissante. Mais pas pour l'aveugle, vous me direz. Vivre de sons et d'odeurs, de toucher, elle n'en avait pas encore tout à fait prit l'habitude. Aussi Even, le faucon à ses côtés, était ses yeux, et l'aidait dans n'importe quelle situation. Il parvenait toujours à la retrouver, où qu'elle soit, sans qu'elle sache véritablement comment il faisait. Le faucon avait une partie de divinité, envoyée par la mère de l'adolescente, et était ainsi certain de garder un oeil sur l'enfant. En contrepartie, il tenait au courant la mère angélique. Cependant, il demeurait très méfiant, et détestait que l'on s'approche ainsi de sa protégée.
Ainsi, avec la dénommée Flam, il s'était énervé, agacé d'autant d'insolence, du moin était-ce ce qu'il pensait. Mais la main calme et posée de sa maîtresse lui ordonnait de se calmer, et il le fit, sans quitter des yeux l'imprudente. Il battit des ailes quelques secondes, et se calma en pinçant affectueusement la main de l'aveugle.
Cette dernière tourna légèrement les yeux, puis les reposa sur la surface blanche du bâtiment, silencieuse. Si la jeune fille pouvait se montrer insolente, elle pouvait aussi être quelque peu naïve. La perte de vue entraîne quelque troubles.

" Ce n'est pas une vache ... Et si tu veux que je sortes de ton jardin, je pourrais le faire."

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Sortir...Sortir ?! Pour aller où ? En boîte ? Une boîte de conserve ? Elle ne serait jamais assez petite pour contenir dans telle chose. La demoiselle devait se méprendre, elle n'était pas si petite et insignifiante qu'elle le pensait. Certes, Flam pourrait toujours se métamorphoser en un infime animal et là, elle réussirait à entrer dans n'importe quelle intersection de moindre taille mais...Etait-ce vraiment ce qu'elle voulait ? Non, parce qu'en ce moment, elle avait simplement envie d'une bonne grosse glace surélevée par de la chantilly et peut-être un peu de coulis de chocolat cuit à point. Peut-être également d'une île flottante, pas Cassilmena, je vous rassure mais d'une sucrerie enrobée de bonne crème anglaise...Hummm ! Il n'y avait rien de mieux seulement, elle n'avait trouvé qu'une tranche de pain qu'elle pourrait égailler avec un peu de fromage qui lui restait dans ses nombreuses affaires. Ce n'était pas un repas digne d'un saint ou d'une reine, mais cela suffisait, au sens de la métamorphe, les bonnes choses étaient rares et il fallait les savourer jusqu'à la dernière miette mais si on avait la chance de posséder quelque chose dans son assiette, on la gardait. Au fond, même le plus pittoresque des repas pouvait être le plus succulent des soupers de ces demoiselles. Oui, elle comptait en effet partager avec la miss assise à côté d'elle. Elle ne savait si elle avait avalé quelque chose ou si son ventre était déjà bien rempli mais son petit doigt lui disait que non. Elle ne semblait pas du genre à se soucier des horaires pour manger ni de quand il fallait prendre le temps de se nourrir. La voir ainsi lui faisait de la peine, elle paraissait si jeune et pourtant l'éclat de son visage montrait qu'elle avait bien vécu. Mais un détail attira l'attention de Flam, elle ne l'avait pas encore dévisagé, et, son regard sans expression semblait fixer un point inexistant. Fronçant les sourcils, elle en venait à se demander si elle si horriblement hideuse que ça pour ne pas recevoir l'attention d'une personne. Ce n'était pas un problème puisqu'elle ne se préoccupait pas de ce que pensent les autres mais là, la sensation était différente. Ce n'était ni du dédain ni du dégoût mais tout autre chose comme une absence, un manque...Elle n'osait émettre d'hypothèses orales car cela ne se fait pas, mais cette jeune fille semblait être privée d'un atout non négligeable...A savoir ses yeux. L'être frêle avait donc vécu ainsi...Elle ne pouvait l'imaginer et poutant cela révélait de la triste vérité. Elle porta un instant un regard mélancolique sur son interlocutrice peu bavarde pour le moment puis se reprit, elle n'était pas là pour bailler aux corneilles non mais !

Flam éclata de rire lorsqu'on lui parla de son jardin...Bien sûr, il s'agissait d'une blague, elle ne possédait rien en ville et surtout pas cet endroit. Elle ne posait pas sa marque de fabrication sur tout ce qui trônait par ici, ce n'était guère son genre. A vivre au jour le jour, tel le vent, elle englobait cette planète sans s'approprier quoi que ce soit. Au contraire, elle était pour l'égalité de tous, même de ce ridicule petit bout de roche à terre sur lequel était en train de marcher un homme, elle l'aurait châtié verbalement pour cela mais sa situation actuelle l'occupait bien trop.

- En effet c'est une licorne mais on peut l'apparenter à une vache, il pèse plus que tout un troupeau réuni. Ce n'est point mon jardin mais merci tu es la première à croire un mensonge aussi osé de ma part.

Un sourire se dessina sur ses lèvres, peut-être qu'après tout elle ne le verrait pas mais sa perruche; oui, elle ne démordait pas de cette idée que cette oiseau en était une, donc son volatile pourrait communiquer la simplicité des mouvements de la métamorphe et sa jovialité, il n'y avait aucune dualité dans ses gestes, rien que de la sincérité, c'était peut-être cela qui faisait d'elle un être si entier. Bref, notre héroïne prit son morceau de pain en main, un couteau et trancha celui-ci en deux, elle tendit une part tout en usant du même procédé avec le fromage à la personne assise à côté d'elle. Elle ne dit rien, on verrait bien si son oiseau lui intimerait quelque chose, elle ne voulait pas la brusquer, elle déposa un petit morceau également de côté pour Effyan,il le méritait et elle partageait tout avec tout le monde. Même le pioupiou y aurait droit s'il le désirait.

- Et puis-je connaître ton nom ?

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Sortir, pour aller errer de nouveau ... Pour se diriger dans un endroit qu'elle ne connaîtrait pas, dont elle devrait deviner la moindre des parcelles, n'ayant à sa connaissance qu'un seul lieu : l'île où elle avait grandi, celle qui avait été dévastée avec tout ceux qu'elle connaissait, tout ceux qui l'avaient élevés, et aimés. Ce souvenir ne la quittait pas. Ou plutôt ne la quittait plus. Vous allez me dire que c'est la même chose ... Enfin bref. Partir de cet endroit pour le laisser en paix, Ina en était capable, ne voulant pas non plus perturber la tranquillité de vie des habitants qui étaient présents. Peut-être pouvait-elle paraître offensive et méchante, mais ce n'était que pure défense et surtout, méfiance, incapable de voir le moindre geste des individus qui l'entourait. Heureusement qu'Even lui avait apporté son aide jusqu'ici, autrement elle n'aurait pas donné cher de sa peau à vivre en tant que simple et vulgaire errante, aux yeux de certains. Les murmures et les chuchotements peuvent rapidement s'effacer, mais l'ouïe d'une aveugle est plus développée qu'un être normal. Et toutes les remarques que l'on pouvait faire sur elle, elle les percevait, la plupart du temps. Elle ne rechignait pas, comprenant étrangement les sentiments des passants. Elle était différente, après tout ... Ils n'avaient peut-être pas tort de critiquer son regard vitreux et ses manières " bizarres et peu communes " ...

Si la jeune fille avait deviné son handicap, elle ne le savait pas, mais elle devinait qu'elle portait une plus grande attention sur elle. Vous n'avez jamais cette impression d'être observée ? C'était le cas de l'aveugle en ce moment même, sentant que l'attention que lui portait la jeune Capitaine Flam redoublait d'importance. Elle ne cependant rien, prête à toute tentative d'approche, qu'elle soit offensive ou non. A ses côtés, le faucon, comparé à une simple perruche, s'agitait parfois, battant des ailes. Heureusement ne lisait-il pas les pensées de l'inconnue, autrement il aurait été offensé d'être comparé à un animal qu'il aurait put prendre pour son déjeuner. Mais cela aurait fait rire la jeune aveugle. Rire ... Chose qu'elle ne faisait pas très souvent.
Cependant, lorsque Flam lui présenta sa licorne comme un troupeau de vache, ceci arracha un léger sourire à l'aveugle. Un point de gagné. Amusée par sa remarque, elle n'avait put s'en empêcher. Elle ne dévia pas son regard du mur.

Lorsqu'elle sortit de la nourriture, Even la dévisagea, fixant le pain d'un regard gourmand. Il l'était vraiment, car même s'il n'avait pas vraiment faim, l'odeur du fromage pouvait l'appâter aisément, même s'il s'agissait d'un faucon. Mais il ne montra rien, immobile. Il regarda le morceau que Flam tendit à l'aveugle, d'un regard en coin. L'odeur ne lui échappa d'ailleurs pas. Ina posa ses yeux aveugles à quelques centimètres du pain, reniflant doucement l'air.

" ... C'est du fromage ? "

Even regarda sa maîtresse, et s'empara du butin avec son bec, l'enlevant avec une certaine méfiance de la jeune fille, rapide et vif, comme si Flam était atteinte d'une quelconque maladie. Il posa la nourriture sur les genoux de sa protégée, et Ina le prit doucement, portant son intention sur l'inconnue.

" Tu m'en offre ... ? Si c'est par pitié, je n'en veux pas."

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