Peinture et reflet de l'âme [libre]

" Le drame tient de la tragédie par la peinture des passions et de la comédie par la peinture des caractères. Le drame est la troisième grande forme de l'art. "
Victor Hugo

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L'aube se faisait sentir, le soleil se couchait sereinement, paisiblement, astre dont rien ne pouvait atteindre, dont rien ne pourrait calmer ses feux si ce n'était l'obscurité du ciel si il venait à s'abattre sur la voûte de Cassilmena. Mais cela n'était le temps que d'une nuit... La nature était bien faite, il était dommage qu'elle n'est point prévu une chose identique pour le foyer d'un cœur. En attendant, il y avait de quoi faire plaisir aux yeux, des paysages splendides, natures merveilleuses et riches, œuvre d'art que Callisto souhaita alors immortaliser dans une peinture. Il y avait tant de temps qu'elle ne s'était pas adonnée à ce plaisir sain. Elle n'avait pas compter les jours où sa main n'avait pas frôlé le bois timide d'un pinceau, que son poignet n'avait pas tournoyer au rythme des courbes qu'elle dessinait... Il y avait tant de temps qu'elle n'avait pas pris un peu de temps pour elle, se reposer, laisser son esprit voguer, elle qui en avait tant besoin.

Les derniers évènements avaient été ce que l'on pourrait appeler tourmentés ou plutôt mouvementés. Il fallait compter ses tensions avec Némésis, la rencontre avec un génie malicieux, la recherche d'un fragment de l'exilé, sans compter... sans compter qu'elle savait que LUI était toujours vivant, quelques part, l'homme qu'elle aimait, Anakiel... Tout deux avait changé, mais ses sentiments... voilà l'unique chose qui n'eut jamais fluctué en son cœur.

La plaine était belle en ce jour, fleurie, avec son parfum léger et boisé, car l'odeur de la forêt venait à s'y mêler, emporter par une brise timide. Celle-ci soufflait dans ses longs cheveux d'ébène, les balayant de manière plaisante. Callisto ressemblait bien plus qu'à un ange, une poupée surréelle, sortie d'un univers inconnu. Est-ce qu'elle était vraie? Se pourrait-elle que son existence ne soit qu'une illusion comme les malheurs qui l'avaient incombé toute sa vie? Non La douleur était réelle, douleur qui avait nourri sa rage envers son ancien peuple qu'elle haïssait plus que tout. Maintenant, elle appartenait à un peuple de proscrit, un peuple non aimé à qui l'on attribuait beaucoup de crime. Les anges de la Mort, avec leurs ailes obscures. Pourquoi y voyait-on forcément le mal en elle, pourquoi n'avait-on pas cherché à comprendre pourquoi la déchéance avait atteint des êtres aussi purs et bénéfiques? Non... on se moquait bien de cela, on observait seulement ce que l'on avait sous les yeux, superficiellement.

C'était une chose qui faisait horreur à la déchue, de voir que certains individus ne voyaient pas plus loin que leur nez, juger hypocritement les autres, ne s'arrêter qu'au substantiel. Voilà la raison de la magnificence des tableaux qu'elle peignait. Ils étaient tout le contraire. Leur beauté était une poésie qui touchait le cœur et l'âme, un regard, et on était percé par une flèche invisible dans son émoi. Il n'y avait pas de mots pour décrire ses toiles. Pourtant, dans leur beauté, on percevait leur tragédie, on voyait la peine du peintre. Le plus étonnant était de savoir que la jeune femme n'avait jamais signé aucune toile de son prénom, elle ne laissait qu'un symbole, un papillon noire dans un recoin, et une plume.

Aujourd'hui, la Faucheuse s'adonnait à son plaisir artistique. Elle se situait modestement en plein centre de la plaine, seule et perdue, assise tranquillement sur un tabouret de bois face à son valet. La toile n'était déjà plus blanche, et on distinguait déjà les formes colorées de la plaine rougie par les derniers rayons de l'astre solaire. On pouvait déjà ressentir la mélancolie s'en échapper, et la jeune femme commençait à créer une sorte de mouvement curieux dans son œuvre. Les nuances de rouge et d'oranger étaient enflammées, ses verts apaisants... pourtant, quelque chose d'oppressant s'évadait de l'œuvre....

Brusquement, un croassement résonna, coupant dans son élan l'élégante jeune femme angélique. Elle leva lentement ses yeux rosés vers le ciel, Abel planait et semblait s'ennuyer quelque peu. Un sourire timide naquit sur les douces lèvres de la déchue, dont les paupières devinrent closes quelques secondes. Elle rouvrit son regard sur sa main qui tenait délicatement le pinceau, et le posa sur le rebord du valet.

" Qui-a-t-il mon ami? Deviendrais-tu donc si impatient? Où as-tu détecté un quelconque danger non loin de nous? Dans le cas contraire, je te prierais de rester muet, au moins le temps que je termine ma toile. "

Seulement voilà, le corbeau se mit une nouvelle fois à faire des vagues, et cela ne lui ressemblait guère de ne pas écouter sa douce maîtresse, non seulement parce qu'il aimait plus que tout et que son respect était profond, mais tout aussi bien qu'il connaissait ses colères irrépressibles, bien qu'elle n'eut jamais élevé le ton avec lui. En tout cas, cela signifiait que quelque chose n'allait pas.

Se refusant de se lever de son tabouret, elle s'arrêta pourtant de peindre et commença à se masser lascivement la main. Callisto n'avait pas vu le temps passer, le sablier s'écoulait tellement vite quand on était absorbé par son travail.... Puis une pensée lui traversa l'esprit, celui de se construire peut-être un chez elle... L'ange déchue n'avait aucun lieu où se poser, aucun lieu où un nid douillé l'attendait, ni de pièce où entreposer ses tableaux. Son mode de stockage? Elle le devait tout simplement grâce à la magie noire, utilisée de la même façon que pour emporter ses armes et tout son matériel de toute sorte. Pratiquer ainsi les choses étaient rudement pratiques, et la damnée n'avait rien à envier aux sorciers.

Abel qui planait toujours au dessus de sa tête, croassa une troisième fois, et là, silencieusement, presque religieusement, Callisto se détourna dans une direction, tout en gardant son majestueux postérieur sur son siège. Ils n'étaient pas seuls... Quel était donc la pauvre âme dont le destin l'avait conduit aux pieds de la Faucheuse?

Invité

Le cercle orangé éclairait de ses rayons mourants la vaste étendue qui s’offrait à ses yeux, herbes folles, collines vallonnées et broussailles, une palette de couleurs allant du vert le plus vif au bleu nuit qui pointait à l’horizon. Les nuages cotonneux, déjà, avait pris une teinte grise, appréhendant la nuit quine allait pas tarder à s’abattre comme un voile sur les quelques âmes qui peuplaient le lieu. A vrai dire, le seul être humain qui comptaient le paysage étaient une jeune femme, assise au centre d’une peinture éternelle et immuable. Elle semblait s’imprégner de la sérénité de l’instant pour pouvoir la retranscrire sur sa toile, image où s’inscrivaient déjà les quelques traces humides, marquées par le passage coloré d’une pinceau. Les couleurs pâles et vives s’entremêlaient et s’entrechoquaient, donnant à l’œuvre un caractère profond et sincère. Une honnêteté rare qui glissait sur le tissu comme une vague à la douceur apaisante. Oui, ce qui ressortait le plus de cette peinture était l’apaisement, comme si le fait de peindre cette nature magnifique apportait à son auteur un baume au cœur, quelque chose qui calmait la mélancolie de son âme tourmentée. Malgré tout, l’angoisse apparaissait ici et là. Oh, faiblement, certes, mais bien réelle quand même. C’était étrange. Comme si les émotions de l’artiste s’incrustaient sur la toile pour ne plus jamais la quitter.

Enfin, la jeune femme n’était en fait pas si seule qu’elle pouvait l’imaginer. A quelques pas de là, un jeune homme foulait le sol de la plaine du talon de ses santiags. Un vieux jean élimé, une veste en cuir saumon et un chapeau blanc composaient la tenue de ce mystérieux personnage, sorti tout droit d’un western déjanté, mêlant new age et rétro, dont on aurait raté la coloration au moment de restaurer les vieilles bobines en noir et blanc. Ici, nulle trace de monture. L’homme avançait à pied, et sans le moindre ceinturon autour de la taille. Visiblement, il manquait l’essentiel à notre cow-boy incertain. En fait, on aurait très bien pût le prendre pour une illusion provoquée par la folie des derniers rayons, comme un vieux projecteur qui disjoncterait soudainement en passant une bande poussiéreuse et abandonnée par le technicien négligeant dans la machine. Pourtant, il était bien réel, comme on aurait pût le constater en s’approchant un peu plus de lui. Les traits jeunes et fins, le regard masqué par l’ombre de son haut de forme, il souriait légèrement, comme si il savait parfaitement à quoi s’attendre et ce qu’il allait découvrir quelques pas plus loin. Déjà, le coassement d’un corbeau lui indiquait la présence d’un individu. Une personne qu’il connaissait bien, maintenant, pour avoir était son compagnon occasionnel lors d’une quête des plus glaciales.

En effet, Neko avait compris que l’artiste peintre qui immortalisait le contre jour n’était autre que la belle Callisto, l’ange déchue au regard mélancolique. Quelle étrange surprise de la retrouver ici. Car c’était une rencontre des plus fortuites. Pour une fois, notre voyageur se trouvait ici par le plus pure hasard, suivant une route tracée par l’instinct. Une façon de se ressourcer, entouré de grands espaces. Un peu comme Callisto trouvait un apaisement dans la peinture, notre métamorphe préféré trouvait un apaisement dans le voyage, la marche solitaire où il se retrouvait seul face à la nature et à ses lois. Loin des absurdités humaines.

Après avoir trouvait le fragment de cristal recherchée par l’ange déchue, Neko et elle avaient déjeuné ensemble comme deux vieilles connaissances, avant de se séparer, sans un mot. Enfin c’était surtout Callisto qui avait disparu sans crier gare, abandonnant Neko, qui venait de retrouver sa forme originelle après quelques heures passées à être invisible. Oui, elle l’avait quitté assez brusquement, se détachant de lui comme un coquillage du rocher, happée par les vagues douloureuses du passé,sans doute. Quoiqu’il en soit, Neko ne l’avait revu depuis, c’est-à-dire il y avait plus d’un mois. Entre temps, le métamorphe avait fais des rencontres, notamment celles avec Parah d’Ox et Megara, qu’il s’était empressé de quitter, agacé par le comportement du sorcier qui pouvait prétendre au titre de roi de la mauvaise humeur et de la condescendance. Il s’en était sûrement fais un ennemi après s’être quelque peu frictionné avec lui. En effet, il l’avait clairement comparé à un lèche cul des plus perfides, ce qui n’avait pas manqué bien sûr d’énerver le métamorphe. Préférant quitter les deux êtres ennemis avant qu’il n’arrive un malheur, le crooner s’était rendu en ville où il avait disparu pendant quelques temps. Finalement, il était réapparu ici, au milicienne plaine immense et protectrice. Et c’était ici qu’il retrouverait Callisto.

Arrivée à quelques mètres d’elle, Neko s’arrêta. L’avait-elle reconnu dans son costume d’apparat ? Certainement. Mais le métamorphe préféra se découvrir par politesse, laissant apparaître son regard malicieux et félin qui se posa sur la bouche de la peintre. Peut-être attendait-il qu’elle réponde à son sourire. Pendant ce temps, le corbeau qui volait au dessus d’eux continuait à croasser. Neko était-il un danger pour la créature la plus puissante qu’il connaissait et dont il avait vu les talents à l’œuvre ? Peu probable. Aussi, le cow-boy ne tarda pas à rejoindre son amie et prit la peine d’observer son travail. C’était vraiment très beau et il le commenta.

« Une bien belle toile. Ce sera un chef d’œuvre une fois terminé, à n’en pas douter. »

Ses paroles étaient plutôt sincères. C’était un travail admirable qu’elle faisait là et l’émotion qui se dégageait de la peinture était bien réelle. Neko contempla la toile pendant de longues minutes, comme si il s’en imprégnait. Finalement, il détourna le regard et dit à l’ange déchue :

« Vous êtes parti précipitamment à notre dernière rencontre. Que s’est-il passé ? »

Les cris de l'oiseau de malheur pouvaient être interprété de bien des manières, mais peut-être pas de la façon la plus logique qui soit. Comme on le savait déjà, Abel, de son nom très catholique, n'avait rien dans son comportement qui ne l'était. L'animal protégeait toujours assidument sa maîtresse, en faisait parfois un peu trop, trop de zèle, chose qui lui coûta d'ailleurs son œil lors des grandes catastrophes. Comment? Et bien en voulant sauver sa maîtresse des eaux, mais un éclat de bois vint lui crever ce qui lui permettait de voir... Il s'en voulait, il s'en voulait de sa faiblesse, de sa condition de volatile car il estimait qu'il n'était pas assez fort, pas assez puissant pour être digne de Callisto. Néanmoins, il ne pourrait jamais se résigner à la quitter, aussi peu brave se sentait-il en sa présence. Pourtant, on ne trouverait certainement pas animal plus fou que lui, fou autant dans la raison que l'amour qu'il portait à l'ange déchue, car il était bien évidemment question d'amour et de dévotion.

Ses croassements étaient autant une alarme que la marque de ses mauvais pressentiments, c'était aussi son langage car il n'était doué d'aucune parole que le silence. Cependant, depuis toujours, sa relation avec la faucheuse était cette compréhension énigmatique des besoins de l'un comme de l'autre. Lui, il cherchait l'attention, l'affection de sa maîtresse, lui prouver sa gratitude jusqu'au sacrifice de sa propre vie. D'ailleurs, étonnamment, il ne s'était jamais esclave, même si il était de ses sentiments malsains, il s'en moquait bien. Il la protégerait, même si son envie secrète était de la posséder, elle, sa mère, son amie, sa tendre.... Oui, il était un animal et il en souffrait.... Le mal pouvait aussi désirer sous toutes ses formes, même celle d'un charognard. Quant à elle, Callisto était une femme d'une profonde mélancolie, une femme seule, dont la compagnie d'Abel semblait l'apaiser. Lui seul avait le don de contenir ses colères, souvent en les accompagnant d'ailleurs. Il était le seul élément stable de sa vie, la chose qui l'eut accompagné dans la douleur. Attachée à ce petit oiseau noir comme on pouvait l'être à un enfant ou un parent, elle le protègerait dans la mesure du possible. Il admirait dans sa démence, il admirait cette femme aux ailes aussi noires que les siennes, c'était absurde et pourtant réelle. Abel est LE première admirateur de Callisto, celui que l'on pourrait considérer comme le fan fou, celui qui était jaloux des hommes de sa vie... Et il n'était qu'un oiseau, il se maudissait pour cela...

Quand l'animal finit par reconnaître le dénommé Neko, jeune métamorphe envers qui il avait toute sa méfiance détournée, il rejoignit en quelques coups de battements d'elle sa maîtresse, se posant sereine sur son épaule. Là, comme dans un geste habituel, la jeune femme porta une main sur le gosier de son compagnon, caressant son obscur plumage. Elle finit d'ailleurs par se détourner de son travail, et poser intensément ses yeux rosés sur l'homme chat. Il se présentait mieux que leur première fois, elle voyait déjà qu'il commençait à se réhabituer aux habitudes humaines de ce monde, abandonnant son côté sauvage pour la civilité. Une meilleure impression que celui du voyageur vagabond mais il n'en restait pas moins le même jeune garçon sous son bel apparat, propre et soigné.

Un sourire léger se détacha alors subitement de ses lèvres, un sourire bien entendu amical. Cependant, la réponse qu'elle donna à Neko était à l'image de la jeune femme qu'elle était, avec sa froideur mélancolique, mais aussi son charme déroutant, avec cette voix suave et sombre.

" Mmmm... un chef d'oeuvre... peut-être, mais il ne sera jamais reconnu par les grands hommes. Je n'ai jamais eu l'occasion d'exposer mes oeuvres, et je ne les signe jamais de mon nom... Néanmoins, avec le temps, mes tableaux seront le témoin d'une époque et de sa grandeur, ils deviendront légendes, un souvenir de jadis... leur vision sera la représentation de la condescendance des vies d'aujourd'hui... Enfin... qu'importe de toute façon, du moment que je prend toujours du plaisir à peindre ses toiles. Le reste m'importe bien peu. "

Une réponse modeste et bien peu étonnante de sa part, tout comme elle sans aucun doute. Mais alors qu'elle s'apprêtait à s'en retourner aux derniers détails de sa peinture, voilà que le jeune Neko mit sur le plat la précipitation de Callisto a être parti lorsque les deux jeunes gens dinèrent après leur mission rocambolesque à la recherche du fragment. Que dire, que dire... Que l'ennui l'avait gagné? Non, ce n'était pas vraiment le cas, mais il était vrai que la jeune femme avait passé tellement d'année loin des foules que le monde dans une auberge lui était agaçant. Etait-ce parce qu'elle voulait exploiter la magie que pouvait lui donner sa pierre? Il était vrai, il y avait de cela... La vérité? C'était tout simplement qu'elle avait des choses plus importantes que chaperonner son camarade, mais aussi qu'elle devait prendre de nouvelle décision, celle de mener sa propre bataille, mettre à profit ses projets.

" Est-ce que mon départ vous aurait froissé d'une quelconque manière? Je ne pensais pas que vous vous seriez si vite attachée à moi.... Je m'en excuse mais voyez-vous... j'avais des affaires importantes à régler... De nouveau pouvoir implique de nouveau projet. Et vous, vous en sortez vous avec votre invisibilité maintenant? En tout cas, vous avez déjà bien meilleure allure que lors de notre première rencontre. "

Callisto sourit alors, légèrement, comme elle le faisait souvent. Abel, lui, portait son unique œil méfiant sur la silhouette de Neko, et décidément, il se refusait toujours à lui apporter ne serait-ce qu'un peu de considération. Le corbeau était un oiseau très entêté et lorsque cela touchait de près ou de loin à sa maîtresse chérie...

Invité

Callisto accueillit l’arrivée du métamorphe avec un sourire léger, mais bienveillant. Neko put constater qu’elle n’avait rien perdu de sa beauté intemporelle,dont il avait pu constater l’étendue à son aise lorsqu’il avait partagé ces quelques jours dans l’immensité gelée du Nord, à la recherche d’un cristal aux pouvoirs mythiques, mais bel et bien réels. Son teint pâle et sa chevelure de jais lui donnait un air irréel et fascinant, un charme des plus troublants qui n’avait pas manqué de toucher profondément le jeune homme qui se retrouvait de nouveau face à elle. Inconsciemment ou pas, Neko éprouvait une admiration sans bornes face à cette ange déchue, perdue dans un monde peuplé de malheur et de tristesse. Il aurait tant aimé la comprendre, mais c’était impossible. Son combat contre ceux qui l’avaient réduits à cet état était bien sûr légitime, mais Callisto recelait des blessures bien trop profondes, qu’elle ne pouvait partager avec personnes d’autre, excepté peut-être ce corbeau posé sur son épaule. A l’admiration s’ajoutait une certaine attirance, où perçait également un amour maternel qui ajoutait à la confusion que produisait chez lui cette apparition aux yeux rosés.

Elle lui rappelait sa mère métamorphe, qu’il n’avait que brièvement connu. Étrangement, malgré l’amour que lui avaient donnés ses parents adoptifs, Neko n’avait jamais éprouvé à leur égard un véritable amour en retour. Cette insensibilité plutôt étrange chez un jeune garçon avait été perçu par ces braves gens comme de la solitude et de la timidité profonde. Mais ce n’était pas le cas. Neko n’avait jamais aimé ses parents adoptifs, c’était un fait. Et cet amour qu’il n’avait jamais éprouvé se dirigeai presque naturellement maintenant vers Callisto. Et pourtant, il la désirait en secret. Il l’avait désiré dés les premiers instants où il l’avait vu. Et il ne rêvait que de la posséder, même si ses aspirations étaient illusoires. Comment aurait-elle pu se soucier de ce faible garçonnet et de ses sentiments ? Et puis, pouvait-on appeler ce désir Amour ? Non. C’était juste une envie confuse qui s’ajoutait au désespoir de la perte de sa mère naturelle. Rien de véritablement précis, juste un flottement de l’âme, quelque chose de subtile et même futile. Mais ça persistait quand même.

Le corbeau avait-il deviné les pensées du jeune homme ? Il affichait en tout cas un air méfiant vis-à-vis de cet étranger apparu comme un opportuniste, pour tirer profit de sa rencontre d’avec sa maîtresse. D’ailleurs, il ne le quittait plus des yeux depuis qu’il avait pointé le bout de son nez. Comme un garde-chiourme qui veillait au bien être de l’ange déchue, un garde du corps ailé possédant, peut-être, des pouvoirs à l’image de l’oiseau de feu auparavant rencontré par le métamorphe et qui, lui aussi, éprouvait de la méfiance à son propos. L’homme-chat savait que ses gestes devaient être mesurées et surveillées par la femme en face de lui, mais peu lui importait. Il n’avait pas de plans machiavélique pour profiter d’elle. Enfin, pas pour l’instant. Mais qui sait ce que la confusion de ses sentiments vis-à-vis d’elle pouvait provoquer chez lui ? Il était tellement habile à retourner sa veste, notre Neko, que personne ne lui faisait plus confiance. Même les animaux, ces créatures avec qui il possédait des liens permanents, n’avaient plus confiance en lui.

Quoiqu’il en soit, Neko semblait parfaitement naturel face à Callisto, un sourire sur les lèvres, et écouta sa réponse quant à l’avenir de ses œuvres au pinceau. Son talent ne serait jamais reconnu à sa juste valeur, certainement. Mais le métamorphe continuait à croire en la réalité de la beauté qui s’étalait sur la toile.

" Est-ce que mon départ vous aurait froissé d'une quelconque manière? Je ne pensais pas que vous vous seriez si vite attachée à moi.... Je m'en excuse mais voyez-vous... j'avais des affaires importantes à régler... De nouveau pouvoir implique de nouveau projet. Et vous, vous en sortez vous avec votre invisibilité maintenant? En tout cas, vous avez déjà bien meilleure allure que lors de notre première rencontre. "

La réponse de Callisto aux inquiétudes de Neko quant à son départ précipité à la suite de leur mission le fit sourire. Il s’était attaché à elle, d’une certaine manière, mais refusait de l’admettre. Si cela le froissait ? Non, pas vraiment. Disons qu’il aurait aimé la suivre et faire plus ample connaissance avec elle. Mais bon, il savait que ses aspirations ne seraient jamais atteintes. A l’image d’Abel, amoureux transis de sa maîtresse il ne restait qu’un animal de plus dans l’entourage de la belle.

« Non, ça ne m’a pas froissé. Vous aviez sûrement vos raisons. Disons que j’aurais aimé… Non. Rien. Laissez tomber. Quant à mes pouvoirs, je les maîtrise de mieux en mieux. En parlant de pouvoirs, qu’allez-vous faire de ce cristal ? Une vendetta ou un truc dans le genre ? »

Neko avait deviné que la vengeance devait être un mobile suffisant pour que Callisto ait pris la peine de le chercher et de risquer sa vie. Elle voulait tenir les anges par leurs parties. Mais cela ne regardait pas vraiment notre métamorphe.

Le jeune métamorphe était un curieux garçon, mais il attirait aisément la sympathie de Callisto, autant que sa méfiance. La vie qu'elle avait mené lui avait conféré cet aptitude naturelle que de ne jamais vivre dans l'illusion, autant qu'elle en était la maîtresse après tout. L'illusion... par de multiple fois, elle avait jouer de se pouvoir, usurpant l'identité de bien des gens pour se morfondre dans la foule, ou simplement jouer des tours aux allures sadiques à quelques adversaires. La plus terrible était sans doute de faire renaître un mort et de jouer avec les sentiments. C'était une des raisons pour lesquelles l'ange déchue ne le faisait plus. Aussi étrange que cela soit, la jeune femme était avant tout raffinée et élégante, elle ne jouait pas avec la vulgarité. Se jouer ainsi des sentiments en était pour elle, tout comme les anges. N'avaient-ils tous pas fait cela avec sa personne? Rien que parler d'eux ou d'y penser avait le don de mettre en effusion ses émotions haineuses à leur égard. Quoiqu'il en soit, l'illusion n'était point là cette soirée présente.

Se tenant toujours assise sur son tabouret, la damnée des cieux sourit une nouvelle fois à Neko. La réponse qu'il venait de donner était assez hésitante, comme si il n'osait avouer l'un de ses souhaits. Curieux? Juste une impression? Peut-être. En tout cas, il ne semblait point s'être offusquée de la disparition de la jeune femme et c'était tant mieux. Il aurait été inconvenant pour lui de faire un caprice pour si peu, d'autant plus que Callisto était un électron libre, et sa déchéance était sa liberté. Elle qui fut prisonnière de son état bénéfique autrefois, de mœurs que l'on avait voulu lui inculquer alors que tout n'était qu'hypocrisie, se trouvait dépourvue de ses chaines. Pourtant, elle aspirait cependant à se poser quelque part, trouver un lieu idéal, rêver à une vie plu sédentaire peut-être... Pourtant elle s'imaginait difficilement vivre ainsi. Le vagabondage était tout ce qu'elle avait connu.. et puis, peut-être redoutait-elle une fois de plus que l'on la chasse de son "chez elle", comme elle le fut quand le ciel fut sa maison. Pas d'attache, pas de maux. C'était ainsi.

Neko questionna alors la jeune femme au sujet de la pierre, ainsi que de ses projets. Un sourire presque mesquin se dessina sur elle, mais étrangement, cela lui donnait plus une expression amusée et chaleureuse. Qu'allait-elle faire du cristal... Mmmmm.... bonne question, surtout qu'elle avait réussi à extirper le pouvoir enfermé dans le fragment.

" Haaaaaaaaaaa! Ce que je vais en faire.... je peux m'en servir de bien des manières et dès plus intéressantes je dois dire. Vous voulez peut-être que je vous le montre Neko? "

Sans attendre de réponse de sa part, si il était désireux de participer à l'expérience ou pas, Callisto se leva soudainement, présentant alors son impérieuse allure de grande dame. D'un geste de la main, comme si elle effaçait un tableau noir, son chevalet disparut avec sa toile dans une poussière dorée. C'était presque beau comme tour de magie. Quoiqu'il en soit, elle se tourna alors nonchalamment vers le métamorphe, toujours avec un étrange sourire sur le bout des lèvres. A quoi pensait-elle?

Quand elle se trouva face à son camarade félin, elle leva subitement la main et la posa sur la poitrine du jeune homme, juste au niveau de son cœur. il pouvait alors ressentir la chaleur de sa main frêle et pâle. Mais alors que ses yeux rosés ne le quittaient pas, brusquement sa main s'enfonça. Oui, elle s'enfonça dans sa poitrine, le traversant littéralement parlant. Que cherchait-elle à faire? Puis ce fut alors avec une voix relativement sombre et froide qu'elle répondit simplement.

" Ressens ce que le cristal m'a donné... un nouveau pouvoir qui pourrait sembler bien simple. J'ai acquis la capacité de traverser les matières, la chair et le corps en est une. Ne bouge pas Neko... un seul faux pas et je pourrais t'arracher le cœur. Si je venais à relâcher mon pouvoir, tu aurais ma main prisonnière de ta poitrine et quand je la retirerais... "

Ce fut alors que mystérieusement Callisto se mit à glousser légèrement, alors que la situation devenait de plus en plus glauque. Pourtant, calmement, elle retira simplement sa main, sans que nul mal ne soit fait. Pourquoi aurait-elle fait un quelconque mal à Neko? Il s'était montré être un allié et compagnon de voyage intéressant et elle lui était redevable de cela. De plus, elle n'avait aucun intérêt à sa mort, d'autant plus qu'elle était une femme de parole et de principe. Un jour, elle lui rendrait la pareille.

" Ne t'inquiète pas, je ne t'aurais fait aucun mal de toute manière. Mais maintenant tu comprends les possibilités qui s'offrent à moi. Pour ce qui est de la vendetta, je crois que je ne suis pas encore assez équipée je dirais. Pour mener une bataille, il fait des soldats et je n'en ai pas encore... il va falloir que je rassemble beaucoup de monde et la tâche sera fastidieuse. Mais, la situation m'est profitable, beaucoup de personne n'ont plus de but ni d'ambition... je leur en offrirait de nouveau. "

C'était une manière optimiste de voir les choses, mais Callisto était avant tout une femme déterminée et quelque soit les difficultés, elle ne renoncerait certainement pas à ces idéaux. Elle détruirait le monde angélique, comme eux c'était plu à détruire le sien. De plus, les déchus avaient bien trop vécu dans leur ombre et étaient des êtres mal vu. L'ange espérait vivement qu'elle changerait leur histoire pour un nouveau tournant, qu'elle ferait comprendre au monde la bêtise qui fut la leur de considérer les siens comme un sous-peuple, des êtres ratés n'étant point capable de suivre une voie honorable. Les clichés sombreront dans l'oubli et on reconnaîtrait la vraie valeur des persécutés.

" Dis-moi jeune métamorphe. As-tu trouvé ta voie? Si je ne me trompe pas, lors de notre première rencontre, tu n'étais que sauvage, ou tout du moins tu t'y étais abandonné à cette vie là. Mais maintenant, as-tu trouvé une raison de revenir dans le monde civilisé? "

C'était une question bien simple, mais que tout a chacun devait se poser un jour. Pourquoi vivait-on? Dans quel but? Avait-on des projets? A ce même moment, Callisto se détourna de Neko et observa le lointain. Abel semblait s'être calmé aussi, et ne prêtait plus attention au jeune homme. Le sourire qu'elle affichait n'était plus présent, et une expression mêlant mélancolie et fureur de vaincre la gagna. Il y avait encre tant à faire.

Invité

" Haaaaaaaaaaa! Ce que je vais en faire.... je peux m'en servir de bien des manières et dès plus intéressantes je dois dire. Vous voulez peut-être que je vous le montre Neko? "

Ces paroles étaient apparemment dites avec une ironie certaine, enfin, c’était ce que Neko espérait. Car le métamorphe remarqua sur le visage de sa douce amie un sourire passager des plus étranges, une sorte de signal que pouvait lancer un chasseur à sa proie encore inconsciente de ce qui lui attendait. Comment allait-elle lui montrer ce dont elle était maintenant capable grâce au cristal, si durement arraché au sein de la glace ? Déjà, Neko regrettait d’avoir poser ses questions indiscrètes. Callisto était puissante et pouvait très bien cacher sous cette carapace calme et paisible une folie furieuse et destructrice, dont il pourrait bien devenir une des victimes. C’est vrai qu’après tout, il ne la connaissait pas vraiment, voir même pas du tout. Que savait-il d’elle à part sa haine légitime envers les anges, créatures ailées au comportement parfois plus que douteux et qui n’avaient pas hésité un seul instant à remodeler les pensées de nombreuses personnes, et à en bannir d’autres, se fichant pas mal, et des conséquences de leurs actes, et de la notion du libre arbitre. De grosses lacunes pour des êtres qui se disaient « bénéfiques ». Elle avait de bonnes raisons de leur en vouloir après ce qu’ils lui avaient fais subir. Mais peut-être que les épreuves qu’elle avait traversé avait eu définitivement raison de sa santé mentale. Peut-être était-elle devenu folle et le masquait sous une couche de froideur qui ne permettait aucun contact direct avec les autres. A l’image de ses toiles, Callisto elle-même pouvait receler différentes couches de lecture, comme des couleurs superposées donnant à son âme un ton atténué et doux. Tel une menthe religieuse, elle attirait ses proies pour mieux les dévorer. Et cette idée ne pouvait que mettre mal à l’aise le jeune métamorphe, qui se savait sans défense face à l’ange déchue aux pouvoirs démesurément supérieurs aux siens.

Alors qu’elle s’était levée, Callisto agita sa main devant son tabouret et son chevalet qui disparurent dans une poussière étoilée. Ce joli tour de magie permit à Neko de se rassurer quelque peu sur les intentions de l’ange déchue débordante de pouvoir. Apparemment, elle n’allait pas l’envoyer aux limbes ou truc dans le genre par simple plaisir cruel ou à cause de ses questions, peut-être trop indiscrètes à ses yeux. En effet, la curiosité du métamorphe était connue pour conduire à l’irascibilité de ses victimes. Avant qu’il ne retourne à la vie animale, il avait eut à souffrir de quelques ennuis, notamment avec les forces de l’ordre. Son passé était loin d’être clair et ses élans de curiosité avaient conduits à biens des problèmes pour lui et pour les autres. Heureusement, Callisto semblait plutôt être réceptive positivement à cela, ce qui n’était pas un luxe. Il ne lui manquait plus qu’elle le tue pour ses défauts de gêneur.

Alors qu’il respirait plus calmement, Callisto vint poser sa main sur sa poitrine. A l’imprévu succéda bientôt la crainte, crainte de ce qu’il pouvait lire dans les yeux de la jeune femme centenaire. En effet, se dessina dans son regard une lueur de malice alors qu’elle se mettait à rire. Sa main fit alors quelque chose auquel Neko ne pouvait vraiment pas s’attendre, à savoir qu’elle se mit à lui traverser le torse, avec une facilité incroyable, comme si elle plongeait ses doigts dans un bol d’eau. La sensation étrange de froideur que ressentit Neko lui arracha un hoquet d’effroi. C’était donc ça son pouvoir. Pouvoir traverser les matières solides. Réjouissant, surtout avec une main dans le cœur. Comme si son malaise n’était pas assez poussé, Callisto jugea bon de rajouter :

" Ressens ce que le cristal m'a donné... un nouveau pouvoir qui pourrait sembler bien simple. J'ai acquis la capacité de traverser les matières, la chair et le corps en est une. Ne bouge pas Neko... un seul faux pas et je pourrais t'arracher le cœur. Si je venais à relâcher mon pouvoir, tu aurais ma main prisonnière de ta poitrine et quand je la retirerais... "

Encore mieux ! Cette fois, la panique était à bord du cerveau de Neko, qui sentait la sueur perler sur son front. Il avait envie de dire quelque chose, de proférer une quelconque phrase pour tenter de résonner la jeune femme mais rien ne sortit de sa bouche grande ouverte. Mais à sa surprise, Callisto retira sa main en riant. Elle lui expliqua qu’elle n’avait nullement l’intention de le tuer. Quant à sa vendetta, elle devait pour cela s’armer de patience et de disciples, histoire d’être en nombre pour faire tomber les anges de leur perchoir cosmique. On pouvait maintenant lire sur les traits du jeune métamorphe un réel soulagement. Par bonheur, il s’était tromper sur les intentions de l’ange déchue, ce qui n’était pas un mal, pour une fois, d’avoir tort.

« Vous… vous m’avez fais peur, je dois l’avouer. »

Il avait balbutier ces quelques mots en essuyant la sueur sur son visage et en retirant son chapeau.

« Quant à avoir une armée à votre disposition… Ça pourrait se faire… Beaucoup de gens, comme vous dîtes, se sentent exclus d’un système qui n’est pas le leur. Le Bien et le Mal. Je hais ces termes. Et si vous avez l’intention d’éclairer les méfaits des anges, vous pouvez compter sur moi. A condition bien sûr de ne jamais jouer avec mon cœur… Je suis cardiaque moi ! »

Puis Callisto l’interrogea sur sa propre voie. Avait-il choisi un chemin après son retour à la civilisation ? Oui et non. Disons qu’il restait parfaitement neutre et tentait de garder une certaine objectivité sur son environnement. La Nature était sa seule maîtresse, même si, parfois, sa vie passée revenait le hanter quelque peu. En effet, le pêché ne s’effaçait pas si facilement. Neko avait fauté et avait eut facilement tendance à l’escroquerie auparavant. Disons que cela n’avait pas été totalement lavé par son retour à la nature suite au cataclysme.

« Et bien, j’ai rencontré des personnes intéressantes. Mais vous savez, quant à choisir ma voie, je ne suis que mon destin, ni le Bien, ni le Mal. Je fais ce qui me semble juste. En ce qui concerne mon retour à la civilisation, disons que j’apprends à revivre en communauté et ça ne me déplait pas trop. Il y a beaucoup de choses à faire dans ce bas monde… »

Lorsque la main de l'ange déchue traversa la poitrine du pauvre métamorphe qui était une victime de la démonstration de ses pouvoirs, elle sentit rapidement l'angoisse le gagner. Après tout, comment réagiriez-vous si une main se posait directement sur votre cœur et à tout moment pouvez-vous l'arracher? Imaginez aussi si Callisto n'avait aucune maîtrise de ce pouvoir nouveau, si par mégarde sa main retrouvait une consistance propre? Vous auriez sa main figée sur votre torse, comme un nouveau membre? Problématique n'est-ce pas? En tout cas, voilà une bien mauvaise blague faite à notre pauvre jeune homme... Pendant quelques instants, il avait sans doute cru que sa vie prenait fin maintenant, dans cette plaine. Et une nouvelle fois, Callisto aurait usurpé l'identité de la faucheuse.

Quand elle retira sa menotte avec sérénité, un petit sourire malicieux se dessina sur ses lèvres. Elle avait toujours aimé jouer un peu théâtralement mais le plus risible était sans nul doute le visage qu'affichait notre bon ami ici présent. La sueur perlait sur son front, il essuya même du revers de sa manche, retirant son chapeau de gentleman. L'ange laissa alors échapper un petit rire léger, comme une jeune midinette qui gloussait timidement.

" Oui.... il semblerait que je vous ai causé quelques frayeurs... mais ne vous inquiétez plus... Comme je vous l'ai dit, nulle raison pour moi de vous tuer... Il faut m'avoir fait quelque chose de grave pour cela... tant que l'idée de me trahir ne vous traverse pas l'esprit, alors ma lame ne vous pourfendra pas. "

Quand notre grande dame aux cheveux de jais expliqua ses désirs et son ambition, elle conserva son petit sourire en coin de bouche face à la réponse que lui donna Neko. Et bien... il semblerait qu'elle est trouvé un allié dans cet improbable personnage, c'était une bonne chose sans doute, mais il lui faudra sans doute faire ses preuves pour qu'elle vienne un jour à lui faire confiance. Mais elle lui donnait le bénéfice du doute dans la sincérité de ses propos.

S'approchant à nouveau de ce camarade de fortune, elle posa étrangement une main amicale sur son épaule et le fixa intensément de son étrange regard aux yeux rosés. Une étincelle mystérieuse brillait dans son expression, mais son visage affichait une mine sérieuse. Elle ne prendrait pas la proposition du métamorphe à la légère.

" Compter sur toi? Je pourrais vraiment compter sur toi? Ne me fais pas ce genre de proposition à la légère Neko.... si tu es honnête, si tu es sûr, sache que tu n'auras pas de possibilité de revenir sur ta décision. Veux-tu vraiment participer à mes projets? Divulguer la vérité et dénoncer les hypocrites? Faire tomber ces voiles qui aveuglent les pauvres âmes? Je souhaite que plus personne ne devienne l'esclave de ses gens ou d'un faux dieu. Es-tu vraiment prêt à entrer dans le monde que j'entrevois? "

Ce fut alors que son corbeau se mit à croasser, comme si il montrait qu'il était lui même de la partie, que sa vie était déjà tracée. Lui, il ne se sentait pas esclave, bien que dans un sens, il était de ses sentiments. Pourtant, sa liberté, son choix, c'était de donner sa vie à cette ange déchue. Elle était son rêve après tout, et aussi celle qui avait donné un sens à son existence de simple oiseau de malheur.

Préférant alors aborder un sujet plus léger, elle demanda alors, après le mois qui s'était écoulé, les bonnes ou mauvaises choses qui purent arriver à ce métamorphe là. Neko était un garçon curieux, mais qui de par sa détermination, et son courage pouvait-on dire, était plus ou moins reconnu par Callisto. Après tout, il était venu à son aide sans qu'elle ne lui demande quoique se soit, de son plein grès dans sa course au fragment. Il avait même obéi, ou tout du moins suivi chaque conseil qu'elle lui avait dicté pendant leur voyage dans la vallée des glaces, sans ronchonner... enfin presque. Il ne lui avait d'ailleurs jamais demandé quoique se soit en échange jusque là. Il avait plongé dans les eaux glacées en sachant qu'il avait un mauvais contrôle de sa nature... bref... autant dire qu'il avait fait beaucoup plus qu'une personne normale aurait bien voulu faire. D'ailleurs, c'était sans doute cela qui attisait la méfiance de la jeune femme à son égard. Être altruiste de nos jours, c'était rare. Ou tout du moins, venir l'aider elle, sans rien en retour.

Alors qu'elle écoutait toujours, elle détourna alors son regard vers le soleil. Celui-ci embrasait encore l'horizon, mais la nuit venait avec sa disparition. Les étoiles allaient bientôt apparaître, la lune prendrait la place de l'astre du jour. Un tout autre paysage allait lentement se dessiner dans ces plaines fleuries. Soupirante, elle finit par regarder à nouveau Neko.

" Comme vous le dites si bien... tant de chose à faire dans ce bas monde... Enfin, enfin... Il va me falloir réfléchir par où commencer... je devrais peut-être aussi penser à me trouver un endroit où me poser, cela me servira de lieu de rencontre également. Tant de choses à faire que je ne sais pas vraiment commencer..."

Du revers de sa main frêle, la déchue repoussa alors ses cheveux en arrière, dans un geste gracile et délicat. Même si elle pouvait se révéler effrayante par certaine de ses manières, Callisto avait l'art de rester élégante et raffinée quelque soit la situation aussi. D'ailleurs, cela paraissait assez étrange de la voir si seule. On aurait pu aisément l'imaginer telle une princesse avec une cours, des prétendants, des dames de compagnies... elle avait l'allure d'une aristocrate. Pourtant, elle n'avait personne si ce n'était Abel, malgré le charisme qui émanait d'elle. Sans doute avait-elle choisi cette vie? Ou était-ce ce qu'elle appelait la liberté? Elle ne forcerait jamais personne à la suivre, même son corbeau, mainte fois elle avait tenté de le dissuader de venir avec elle, mais rien n'y faisait. C'était le magnétisme de l'ange déchue.

" Neko... Que comptez-vous faire à partir de maintenant? Avez-vous des projets? D'ailleurs, en parlant de cela, je suis assez surprise de vous voir dans ces plaines... "

Intriguée, Callisto aimait savoir tout des gens avec qui elle pouvait entrer en affaire... Oui, en affaire, Neko n'avait-il pas dit de lui même qu'elle pourrait compter sur lui?

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