Retour...[ Yilna ]

Une étrangère…Une âme se faufilait dans les méandres de la nuit. Aucun filet n’était capable de l’attraper, aucune personne n’aurait pu l’en empêcher. Elle ne savait ce qu’il en était et souhaitait connaître la vérité. Certains la connaissent, d’autres pas. Quelques uns plus que bien et pour le reste, ils doivent au moins avoir entendu au moins une fois son nom. Ombre farouche, lueur glacée, elle avance et rien ne l’arrêtera. Pourquoi ? Pour savoir ? Comment ? Parce que…Parce que tellement de choses se sont passées depuis qu’elle veut comprendre et connaître et surtout, s’en remettre. Vous vous demandez qui est cette personne ? Elle ne possède qu’un nom, peut-être une renommée, une créature à vous glacer le sang ou à adoucir les plus turbulents enfants…Yuuhi Kurenai, connue pour être l’une des seules ombres des terres du Yin et du Yang, et peut-être la seule aujourd’hui de cette île. Après tout, qu’en sait-elle ? Gardienne du mot Fora, sage mais dangereuse, pouvant lire dans le passé comme dans le futur, elle a eu vent de quelques incidents et est bien décidée à remettre un pied actif au milieu de ce peuple qu’elle a si souvent côtoyé. Elle avait tourné la page depuis, elle était passée à autre chose. Takeshi n’était plus mais sa force demeurait en elle, son envie d’être en vie également. Il était l’étoile qui guidait son ciel et ses pas accessoirement. Elle l’avait aimé et ne cesserait de l’aimer désormais. Elle ne souillerait plus sa mémoire en tentant de mettre fin à ses jours, elle l’avait fait une fois et ne recommencerait plus. Au contraire, ces expériences l’avait rendu forte, apte à s’assumer. Les erreurs restent au passé et aujourd’hui, elle avait décidé de prendre le chemin de la victoire…Sa tête fourmillait de pensées. Elle avait entrevu quelques brèves images assez maladroites et floues de ce qu’il était advenu de Yin et Yang. Détruit, il n’existait plus rien…Les cataclysmes et le reste embuaient son esprit. Elle avait mal, mal pour sa terre d’antan. Seulement, elle avait mal d’autre chose, Daikirai ? Sa première pensée fut pour lui. Où était-il ? Etait-il encore en vie ? A cela, elle ne savait répondre. Son fidèle compagnon et elle-même devaient-ils se séparer ? Etait-il venu ce temps ? Elle le vivrait mal si tel était le cas. Affaiblie, elle peinait à rester visible c’est pourquoi elle ne fit bientôt plus d’efforts pour se faire voir de la populace qui était inexistante dans cette contrée exceptée les quelques oiseaux suivant son parcours des yeux. Elle faisait peur ? Ses longs cheveux noirs de jais lui tombaient devant les yeux, ils étaient à moitié attachés et encore, le bout de ruban prenait un malin plaisir à s’enfuir loin d’elle. Ses yeux étaient cernés, appauvris par la faim et la fatigue, son teint, bien plus pâle que d’habitude était parsemé de quelques éraflures dues notamment à l’écorchure des roches sur son visage. Ses mains tremblaient mais elle s’avançait. Elle venait de réaliser…

- Cassilmena est-ce bien ça ? C’est ainsi que l’on te nomme…Ravie de revoir des terres habitables.

Un sourire vint fendre son visage. Elle était toujours présente et bel et bien vivante en comptant le rester. L’ombre filait à l’aide de ses amies, de celles qui avaient toujours été là pour elle. Des images traversaient à nouveau son esprit, elle revit des êtres insoupçonnés, des personnes qu’elle pensait disparues à jamais et l’éclat de ses yeux s’intensifiait à chaque découverte. Alicia…Elle était vivante, ici…C’était si soudain, si inattendu. Elle était heureuse, à croire que les bénéfiques ne s’étaient pas emparés de cet endroit, bonne chose à savoir. Sa course s’arrêta bientôt, elle se retrouva en face d’une étendue d’eau. Ainsi, elle se trouvait sur une île. Intéressant…Elle pourrait donc jeter ses ennemis à la mer, voila qui venait égailler sa journée. Le soleil n’était pas là, la lune ne semblait pas encore décliner. Elle croisa la route d’un loup allant s’enfouir dans des bois pour ne plus réapparaître. Les terres étaient vierges et pourtant, elle sentait des âmes, il y en avait, elle pourrait à nouveau exercer son dû de droit. Prendre, pousser les autres au suicide, en retirer une satisfaction toute particulière, elle était animée d’un désir fort, elle était revenue et ce n’était pas pour rien, on ne se débarrasse pas de Kurenai aussi aisément…

Quelle heure était-il ? Sans doute tard ou tôt selon les uns plus tard pour les autres…Elle se posta là, s’asseyant sur le rebord, observant l’immensité de l’eau. Il y en avait des litres et des litres, de quoi abreuver le plus immense des troupeaux qu’il eut existé au monde. La légère brise venait caresser son visage et ses vêtements, étrangement intacts, dont sa robe ne lui tenaient pas très chaud. Elle avait sur son dos cette cape…Certaine de l’avoir jeté à l’eau, elle était toujours là. Peu importe, elle haussa les épaules, au moins elle n’aurait pas froid, c’était plus qu’on bon point. Se remémorant d’anciennes légendes et ses diverses rencontres à travers sa vie, elle entendit du bruit et ses sens furent aussitôt mis en alerte…

Yilna avait les yeux fermés, se concentrant sur les battements de son cœur, respirant en rythme pour ne plus pensée à rien, se contentant de sentir le vent qui soufflait violement tout en haut de la falaise. La karnash était monté là dans la matinée, son katana dans son dos, ses vêtements déjà déchirés et souffrant se détériorant encore un peu plus. Mais Yilna n’avait que faire de ses vêtements ni même de ses doigts écorchés et d’un de ses pieds nus, elle était tant habitué à la douleur physique et tant concentrée sur son ascension qu’elle se fichait totalement de son propre corps.

Le vent souffla de plus en plus fort et Yilna rouvrit les yeux, son regard totalement perdu dans le vide, pour la première fois depuis longtemps un mince sourire s’esquissa sur son visage, un sourire qui n’avait rien avoir avec la folie ou l’ironie, mais un sourire de joie sauvage. La karnash ferma à nouveau les yeux le vent s’intensifia et un frisson lui parcourra l’échine, Yilna respira profondément et se jeta dans le vide.

Le vent souffla un peu plus fort et la karnash disparu se fondant dans son élément, elle dériva au grès des courants, soufflant sur les feuilles, hérissant le poil d’un loup, frôla la surface de l’eau puis revint dans les buissons, Yilna redevins Yilna sur une branche d’un arbre, perdant par la même occasion sa deuxième chaussure. Pendant quelques secondes ses yeux brillaient de joie sauvage puis lentement ils s’éteignirent. Toute trace de sourire disparue et Yilna redevint l’automate qu’elle était.

La karnash descendit de l’arbre dans laquelle elle était juchée et retomba dans les buissons sans beaucoup de discrétion, puis s’en extirpa s’en douceur. Yilna s’avança alors sur le chemin revenant aux falaises continuant sa route sans vraiment savoir où aller. Et puis elle aperçut une personne au loin, Yilna hésita puis continua sa route, après tout elle n’allait pas faire demi-tour uniquement parce qu’une unique inconnue était déjà là. Et puis en se rapprochant la karnash fronça les sourcils quasiment certaine d’avoir déjà vu cette personne, bien qu’elle ne sache ni où ni comment. Yilna haussa les épaules, elle ne désirait pas se souvenir, et puis si elle ne se souvenait pas clairement de cette personne elle n’avait pas du y attacher beaucoup d’importance….ou alors c’était tout le contraire.

Yilna fronça un peu plus les sourcils agacés et s’approcha de la personne, jusqu’à ce qu’elle soit à moins d’un mètre, elle hésita un instant, se pinça la lèvre puis dans une attitude qui n’avait rien de vivant, elle lança sans véritablement réfléchir.

" On ne c’est pas déjà vu par hasard ? "

La terre avait pris une nouvelle dimension, elle s'était entourée d'eau, telle une forteresse, il fallait un bateau pour la quitter et qui sait ou cela ménerait ? Ce nouveau monde n'était plus le même qu'auparavant, des changements avaient eu lieu et elle était bien curieuse de savoir lesquels. En effet, les falaises n'avaient jamais existé à part sur les quelques îles mais voila qu'elle se retrouvait dans un endroit totalement inconnu. Ce n'était pas un sacrilège et au contraire sentir l'air marin balayer ses cheveux était un régal mais elle se posait beaucoup de questions. Pourquoi cette subite tempête ? Ce désordre dans la nature ? Les éléments étaient tous respectés à part quelques fous qui ne pensaient pas au bien de la planète. Et oui, on pouvait la prendre pour une méchante, voir en elle un monstre se nourrissant des inquiétudes et malheurs des autres mais elle respectait certaines valeurs. Les morts notamment et les esprits, ils étaient ses plus proches compagnons et cela le resterait toujours. Les ombres de la nuit étaient pour elle comme une lumière clémente, un astre plus que chaleureux, un chemin à suivre, un dessein à servir et quiconque oserait dire qu'elle se complaisait dans les ténèbres aurait la tête tranchée. Ce n'était pas ça, il n'y avait eu personne pour atténuer son chagrin à la mort de son époux, personne d'assez fort et capable pour la remettre dans le bon chemin, calmer sa souffrance, trouver les bons mots. Elles lui avaient chuchoté des choses justes, elles l'avaient aidé d'une façon toute autre mais ô combien gratifiante aujourd'hui. Là où personne n'avait réussi, elle s'était trouvé des amies, des personnes fidèles et indulgentes qui ne la jugeaient guère et l'écoutaient. Elle allait mal, elles étaient là. On dit que les ténèbres sont maléfiques et qu'il ne faut jamais s'en approcher mais leur parfum embaume le plus fin des encens et leur toucher le plus doux des velours...Comment après avoir goûté à cela, voulez-vous revenir dans le droit chemin ? C'est définitivement impossible...

Ses pieds pendaient dans le vide. Elle venait de retirer ses chaussures. Elle voulait profiter de cette soirée, de ce retour. Elle mesurait sa chance d'être en vie et savourait la clarté des astres ce soir-là. Presque, elle aurait pu descendre et se baigner mais ça n'en était pas son intention, il faisait trop froid bien que ce facteur ne l'avait jamais réellement arrêté. La lune brillait de mille feux, elle n'était pas différente de celle des Terres du Yin et du Yang, peut-être plus douce en cette nuit ? Elle ne savait pas. Elle entama une prière à l'attention de son défunt époux, lui qui devait suivre son parcours, là-haut, à la cime des étoiles, il devait même en représenter une bien qu'elle aimerait savoir laquelle pour ne se référer qu'à celle-là. Fétichiste ? Légèrement...C'était peut-être un de ces défauts. Elle aimait les traditions et avait du mal à supporter les changements bien que celui-ci soit bénéfique au monde, assurément. Les terres vieillissaient, elles partaient à la dérive alors que désormais, elle pouvait sentir de la vigueur, une nouvelle vitalité en ce monde. Même les ombres étaient plus présentes, plus libres...Elle avait envie d'une proie, de pousser quelqu'un de cette falaise par exemple et de voir son corps s'échouer en bas, faire un bruit sourd en traversant la surface de l'eau, flotter un moment et attirer quelques créatures marines pour ensuite sombrer et ne plus remonter. On se sentait si libéré mort et les gens croyaient encore en des puissances néfastes, ils avaient peur de mourir, elle était là pour les convaincre du contraire car après tout, elle avait fait le premier pas. Elle se souvenait la sensation de la corde tranchante contre sa gorge qui bien sûr n'était pas très agréable mais après, tout s'effaçait, elle sombrait peu à peu pour ne plus revenir, elle ne ressentait rien, ne pensait plus à rien, un grand vide avait envahi sa tête et c'était là une douce victoire que d'être enfin libre et reposée. Seulement voila, elle était réapparue sous la forme d'ombre, elle avait au départ pris cela comme une punition divine ce qui était en partie le cas mais avait ensuite vu le bon côté des choses, elle avait positivé et il faut dire qu'elle avait gagné en confiance en elle, en puissance, elle avait mûri depuis le début. Elle n'était plus la jeune femme capricieuse qui pleurait après son mari mais l'ombre forte et téméraire que beaucoup connaissaient. Elle avait pendant un laps de temps régné sur les anciennes terres et ne s'en retrouvait que plus caractérielle. Déçue de la fin de son règne ? Non, car elle pouvait maintenant faire ce que bon lui semblait, on ne lui attribuerait aucun comportement diffamatoire.

Un bruit parvint soudain à ses oreilles. Elle ne se retourna guère. Elle avait senti la présence à quoi bon chercher à connaître son visage ? Elle le découvrirait bien assez tôt. A en juger par l'intonation de la voix, cet inconnu ne pouvait être qu'une demoiselle, après, peut-être un homme refoulé, tout est plausible dans la nature humaine... Sa question la surprit quelque peu, cette voix lui semblait familière bien qu'avec tout le monde qu'elle connaissait, elle ne pouvait pas vraiment mettre de nom dessus. D'un léger mouvement de la tête, elle vint jucher son regard dans celui de la personne qui venait de prononcer ces mots, en effet, il y avait quelque chose de familier dans ses mouvements, sa façon d'être et de parler. Elle l'associait à quelqu'un ? Mais qui...Enfin peu importe. L'éclat des yeux de Kurenai s'intensifia.

- Le hasard n'existe pas. Il n'y a que des coïncidences. Qui ne me connaît pas hélas...

Elle reposa son attention sur l'eau, le vent amenait quelques vagues qui léchaient le rebord, le précipice pour être précis. Les coïncidences étaient vaines, ce n'était pas le hasard qui avait orchestré tout cela, il devait y avoir des réponses ici ou là à ce nouvel univers, cette nouvelle voie qu'on leur avait réservé. Elle se demandait si d'autres ombres avaient survécu et si elle en trouverait d'ailleurs de nouvelles ? Son chemin était encore long et la vie commençait ou continuait de lui plaîre. Pour une des rares fois, elle s'autorisa un sourire des plus discrets.

- Je me nomme Yuuhi Kurenai, nous nous sommes déjà rencontrées n'est-ce pas Yilna ?

Comment connaissait-elle son nom ? Elle se souvenait...Ses sens aiguisés et la gardienne du mot Fora voit tout de plus...

Yuuhi Kurenai ? Ce nom ne disait rien à Yilna, pourtant elle était certaine de l’avoir déjà vu quelque part ailleurs, à une autre époque. Et puis Kurenai semblait également la connaître, la karnash ne voulait pas se souvenir par crainte de faire remonter quelque chose qu’elle ne désirait pas voir, pourtant ce mélange de frustration et de rage qui s’insinuait lentement en elle, la poussa à faire un effort.

Yilna vit une rue, du monde, une troisième personne, une autre elle, la karnash respira profondément et regarda un moment le ciel, les perdus dans le vague, elle revint un bref instant à Kurenai, puis son regard s’éloigna encore un instant.

« En effet…Il y a longtemps à présent…n’y avait-il pas un loup qui t’accompagner ? »

Yilna se souvenait parfaitement à présent, même si sa rencontre avec Kurenai n’avait été qu’éphémère, elle se souvenait de son étrange empressement à faire couler le sang au côté de deux inconnus, elle se souvenait comme elle était différente à présent et pourtant toujours la même. La karnash ferma les yeux et respira profondément, elle pensait à ce qu’avait dit Kurenai un peu plutôt. Etait-elle connu ? Lors de leur première rencontre ce n’était pas le cas, mais Yilna était à présent tellement hors du monde qu’elle pouvait très bien être passé à côté d’un nom connu sans s’en rendre compte. C’était à peine si elle avait suivi les évènements qui avait mené au monde tel qu’il était aujourd’hui, en réalité il aurait peut-être mieux valu pour elle qu’elle en sache encore moins, il aurait même mieux valu pour elle qu’elle ne voit pas les éléments se déchaîner, mais c’était impossible, impossible de ne pas assister aux catastrophes naturelles, même pour elle, surtout pour elle.

« Il semblerait que le monde et les gens est quelque peu changer depuis que nous nous sommes croisées. »

Yilna regarda la falaise autour d’elle, puis la mer, puis Kurenai qui semblait être devenu plus puissante et qui à présent n’était plus accompagné par son loup, puis il y avait elle-même, mais avait-elle tant changé ? Le monde autour d’elle était toujours régi par les même lois, seul le paysage avait changé…ou peut-être bien plus encore quelle importance de toute façon. Quelque chose vint alors à l’esprit de Yilna, Kurenai était une ombre, elle avait donc réussit là où elle avait échoué plusieurs fois. Le regard de la karnash se voilà un bref instant, puis devient furieux avant de redevenir son morne et vide regard habituel.

« Mais Kurenai serais-tu connu pour avoir prononcer une telle phrase ? De toute façon je n’ai jamais eu la mémoire des noms… même le souvenir de notre rencontre était flou… »

hj:désolé c'est pas génial U_U

[ Je risque de pas en écrire des masses donc t'inquiète pas ^^ ]

Un loup...Elle devait parler de Reiko ou Daikirai pour sa forme humaine, enfin peu importe. Il restait son frère d'arme, son compagnon de mauvaise fortune, l'être qui l'avait tant aidé pendant si longtemps, cet être sans qui l'âme de l'ombre ne serait plus aujourd'hui. Il avait sauvé son corps lorsqu'elle avait passé cette corde autour de son cou, il l'avait épaulé dans les moments de faiblesse, avant puis après...Jamais elle n'avait connu tel soutien, même pas de la part d'un être humain. Les animaux sont bien plus dociles, bien plus aptes à vous appuyer, quand on a besoin de quelqu'un, il se défile alors qu'eux restent fidèles et ne vous quittent jamais. Vous vous entendez bien avec une bête, vous lui prouvez votre compassion et amour et elle fera tout pour vous, jusqu'à donner sa vie alors que très peu d'êtres à deux jambes sont capables de ce geste. Elle l'aurait fait pour son ami, elle l'aurait serré si fort qu'il n'aurait pas pu partir et ce serait avec joie qu'elle aurait donné sa vie...Contre la sienne. Hélas, elle ne pouvait plus. Seconde fois qu'il disparaissait. La première, cette horrible passeuse l'avait transformé en humain faisant de sa vie un Enfer, se servant de ses peurs et de ses hontes pour en faire un martyr...Elle l'aurait griffé, giflé, battu jusqu'au sang pour cet affront, seulement, elle ne pouvait pas. Cette traîtresse avait choisi, elle l'avait laissé dans les méandres de l'au-delà, livrée à elle-même, ne sachant comment s'en sortir, prête à sombrer parmi les quelques malheureux tentant de la récupérer dans leurs filets s'il n'était réapparu, elle l'avait revu là-bas et son coeur en effet s'était maladroitement accéléré. Elle avait su, elle s'était battue grâce à lui et pour lui, pour ne pas laisser derrière elle tout ce qu'elle avait construit, pour vivre, qui peut en dire autant ? Qui peut dire être passé par de telles épreuves ? Peu de monde au fond mais elle, elle l'avait fait et elle en retirait une profonde jubilé, elle en revenait même à remercier cette maudite chose, cette femme qui se disait passeuse pour ce petit tour d'horizon car plus jamais elle ne serait à sa merci, elle avait réussi son test, avait accédé à son rang de Shinigami et aujourd'hui était plus connue que cette âme téméraire sans nom...Seulement un visage. De longs cheveux blonds, des yeux inexistants, un sourire carnassier, elle lui ressemblait quelques fois mais jamais elle ne serait la même, elle restait Kurenai pour toujours. Repenser au passé apporte réflexion et nouvelles idées. Ce loup qui l'accompagnait autrefois faisait parti d'elle, il était ancré au plus profond de son corps et jamais n'en partirait.

- Un loup...Plusieurs loups, quelle importance ? Il n'est plus ou du moins, j'espère qu'il vive, quelque soit l'endroit où il se trouve. Peut-être le reverra-t-on un jour, il sait arriver quand on l'attend le moins.

Elle n'avait pas envie de parler de cette période de sa vie, d'ailleurs, elle n'avait envie de rien, juste de cet éternel silence et de ce calme qui remplissait ce lieu en ce doux moment. Ses lèvres tremblaient sous le poids de ses derniers mots, elle venait d'énoncer oralement le fait que son ami n'existait plus, il appartenait au passé, était-ce mieux ? Elle n'en avait de preuves mais il fallait penser ainsi sinon la séparation serait bien trop douloureuse. Elle se souvenait leur première rencontre à Yilna et elle, pouvait-on comparer à celle entre Reiko et l'ombre ? Peut-être, il y avait quelque chose de solennel, elle n'aurait jamais cru trouver des gens ce jour-là pour discuter mais ça avait été le cas, elle n'aurait pensé à la tournure finale des choses mais cela s'était produit comme quoi, même ses plus intimes convictions peuvent être chamboulées. Plus loin dans l'avenir, elle pourrait être tuée ou atteinte d'une incurable maladie mais ça aussi, ce n'était pas écrit, rien ne se sait par avance, peut-être des brides de choses, des souvenirs de certaines personnes, des jeux d'images qui n'en disent pas plus...La Gardienne du mot Fora voyait dans ses choses mais les interpréter était plus dur tout comme interpréter les paroles d'une si singulière demoiselle que Yilna Swam. Etrange et pourtant ô combien intéressante. Se pencher sur le cas des gens pour découvrir leur profondeur et leur différence était quelque chose qui plaisait à la faucheuse, après tout, jusqu'où pouvait-on lui accorder du crédit et lui parler ? Beaucoup s'y étaient brûlés les ailes. Elle avait ensorcelé certaines personnes quand à d'autres, cela s'était fini en combat mais à chaque fois, elle avait appris quelque chose de nouveau, quelque chose de nécessaire en son sens, serait-ce à nouveau le même aboutissement aujourd'hui ?

La jeune femme ne releva pas l'allusion ironique lancée par la karnash, à moins qu'elle ne soit que simple constatation sans aucune arrière-pensée, ce qui est envisageable également. On pouvait jouer avec les mots et les prendre de la manière que l'on souhaite, après tout, chacun verra et trouvera ce qui lui convient dans les paroles des autres. Elle pourrait dire " elle est belle " en désignant le lointain, si une femme passe par là, on pourrait penser à elle sauf qu'elle pourrait parler de cette plante là, se débattant pour tenter de subsister...L'art de tout savoir dans une seule phrase alors qu'on ne sait jamais tout. Bien belle métaphore n'est-ce pas ? Kurenai adressa un sourire mêlé d'ironie à l'attention de son interlocutrice, sa dernière phrase reflétait admirablement la personnalité de la miss.

- Je ne suis peut-être pas connue, je m'invente une autre époque, un autre monde, d'autres personnes...Tu es peut-être en train de parler seule et je t'invente tout cette histoire de rencontre...Qu'en penses-tu, serait-ce une meilleure version des choses ?

Yilna fut un peu surprise par les paroles de Kurenai, mais son regard s’adoucit curieusement et un léger sourire nostalgique passa sur son visage. La karnash s’assit en tailleur face à l’ombre.

« Si en vérité j’étais seule ici, ça n’aurait pas grande importance, puisque à partir du moment où l’on croit qu’un être est vivant et réel ne le devient-il pas d’une certaine manière ? Quant à une meilleure version des choses, je ne sais pas, je pense que chaque version à ses failles, ses peines et ses souffrances, parce que sans malheur il ne pourrait y avoir de bonheur. »

La karnash regarda autour d’elle, la situation était assez étrange, en train de philosopher avec une ombre sur une falaise, comme elle l’aurait tout naturellement avec n’importe qui à une autre époque, à l’époque où elle était encore une enfant ravi de courir en riant pour rentrer chez soit. Yilna se rendit alors compte qu’évoquer le passé ne lui avait pas fait mal, elle était en réalité parfaitement calme, presque sereine, parce qu’elle venait, au contact de Kurenai, de retrouver une partie d’elle-même qu’elle avait presque oubliée à force de ne pas la laisser s’exprimer.

« Néanmoins si meilleure version il y avait le serait-elle pour nous deux ? Voudriez-vous d’une vie où vous n’existeriez que dans l’esprit torturé d’une karnash ? »

Etrange, oui très étrange même ? Pourquoi Yilna continuait-elle sur cette voie, où allait-elle ? De toute façon il y avait un petit moment que la karnash ne savait pas véritablement pourquoi elle avançait ni où ses pas la menait alors pourquoi ne pas continuait cette conversation qui de toute façon ne lui déplaisait pas bien au contraire. Néanmoins elle préférait laisser le soin à Kurenai de continuer librement la conversation afin de l’orienter sur un autre chemin si elle le désirait, car il y avait trop longtemps que Yilna ne s’était pas véritablement exprimée par les mots, arpentant seule des chemins déserts, croisant sans les voir les âmes de ce monde qui de toute façon pour la plupart ne la voyait pas, du moins ne la voyait pas elle-même.

Oui, cela faisait bien longtemps que Yilna n’était plus elle-même, se voilant la face volontairement, pourquoi le faisait-elle à présent ? On aurait pu penser que c’était parce que Kurenai était une Ombre mais il ne s’agissait pas de cela. Yilna avait désiré la mort, seulement la mort car bien qu’elle le détestait également elle aimait être karnash et ne désirait pas être autre chose, pas encore, pas pour le moment. Yilna avait finit par accepter ses deux natures, même si elle avait encore du mal à les faire cohabiter même si s’étaient précisément ses deux natures contraires qui s’affrontaient avec violence qui l’avait achevé. Yilna était donc résolument karnash.

En réalité, la réponse était simple, inutile d’allait chercher bien loin, pour peu que l’on ait l’envie de chercher. Si la karnash montrait un peu d’elle-même aujourd’hui c’est parce qu’en réalité, elle l’avait toujours fait, comme beaucoup d’autres le font toujours. Car à partir du moment ou l’on commence à parler avec une personne, ou l’on réagit à ses paroles, à ses gestes, à ses pensées ou à autre chose venant de cette personne ne montrons nous pas un peu de nous même. Le simple fait d’avoir éviter les autres en dévoiler beaucoup plus sur sa personne que Yilna ne l’avait d’abord pensée, d’abord puisque ensuite elle ne s’était plus du tout préoccupé de savoir si elle montrait quelque chose d’elle-même aux autres ou pas.

Elle se demanda d’ailleurs vaguement pourquoi elle se mettait à songer à cela tout d’un coup, mais après tout qu’importe ? Les pensées viennent et lorsqu’elles ne sont pas douloureuses, lorsqu’elles ne sont pas une menace, pourquoi mes repousser ?

Voila un bien beau raisonnement tenu par notre chère Karnash. Elle pouvait même en témoigner...Elle gardait les marques, les odeurs, les gestes familiers de cet homme qui avait disparu mais qui vivait toujours à travers son souvenir. Son regard plongea furtivement rejoindre les vagues léchant les rochers arides en bas, loin de cette hauteur qui les enveloppait toutes les deux. Elles étaient dans une bulle, loin de toute réalité à philosopher sur l'étendue de l'esprit et de ses facultés à s'inventer des images propres à soi pour combler un quelconque vide. Là, foulant l'herbe de leur corps inerte, respirant seulement pour pouvoir vivre, on aurait pu penser à deux automates qui déclamaient les paroles qu'on leur aurait programmé, à disserter sans comprendre un traite mot de ce qu'ils débitaient et pourtant, elle aurait apprécié ne pas connaître le sens véritable de tout cela. Elle avait vu trop de choses, entendu et suivi trop de destins, trop de bévues, de bonheur gâché, de choses retrouvées, tant de différences qu'elle ne pouvait que constater que cette situation ne serait pas la plus malheureuse. Avoir des gens imaginaires à qui parler, qui vous souffle des mots doux et vous enlace exclusivement vous lorsque vous n'allez pas bien. Sentir leur voix suave susurrer ce que vous désirez entendre, voir leur beau visage pour vous, personne d'autre ne pouvant vous enlever cet être tout droit sorti de votre imagination, à la fantaisie et au goût que vous lui avez donné...La vie serait peut-être moins amère après tout ça, qu'en savait-elle ? Elle n'était qu'une ombre, une personne qui avait vendu son âme, qui s'était exclue de la société de son gré pour n'y réatterir que de plus vive allure. Elle avait tenté tricher avec la vie en la quittant d'une manière des plus discrètes et son retour n'avait été que plus éloquent, en fanfares, elle était devenue un instrument, une créature maudite, récoltant les âmes, poussant les autres au même sort qu'elle s'était infligée...Vous pensez que ceci est une vie ? Et bien oui...Au début, cela avait été relativement dur puis ensuite, l'enivrement que procure la capture de chaque âme, chaque être que l'on tient dans ses filets, la joie et la jubilation de pouvoir être le maître, de tenir le jeu entre ses mains, de savoir qu'il suffirait d'un simple mot pour que tout balance et qu'on se retrouve avec simplement une âme, plus un seul souffle de vie. Cela vous plaît-il ? Mais seriez-vous capable d'offrir votre âme au Diable pour cela ? De vous défaire de la chose qui terrifie tout le monde, perdre sa vie pour cela ? Et dans les premiers temps de supporter revivre cette mort par mille fois chaque nuit, écoper les soirs blancs, les cauchemars sans fins, les larmes, les cris, les souffrances...? Si oui, alors...Il suffit d'une simple corde et le tour est joué.

- Vos dires sont judicieux Yilna. La raison humaine est quelque chose d'extrêmement puissant à ne guère négliger. Je peux intervenir sur celle-ci et faire de la vie de ces pauvres malheureux un Enfer jusqu'à ce qu'ils me cédent leur âme et qu'ils sombrent eux à leur tour, vers des jours meilleurs peut-être.

Elle ne faisait qu'englober ses fonctions et relater cela de la manière la plus simple qu'il soit, sans prétention aucune. La Faucheuse n'était autre qu'une condamnée comme tous mais elle avait fait ses choix et son chemin, elle savait désormais. Elle ne comptait plus comme un pion mais comme un être important, elle choisissait par elle-même, elle ne jouait plus pour quelqu'un. Quelques visions de ses débuts lui vinrent à l'esprit, notamment sa rencontre avec Kaijuu, redoutable monstre de son état...Ce fut un réel calvaire de passer outre cette sévère défaite mais elle s'en relevait et mettait des opinions sur cet affrontement, des discussions et avait progressé grâce à cela.

Son sac se trouvait à quelques mètres de là, accroché à un arbre, sans déplacer le moindre petit cil, invisibles et utiles de leur fonction, les fils invisibles accrochés à ses doigts enroulèrent le sac qui traîna sur le sol légèrement, flottant presque, elle approcha la gourde qu'il recelait à ses lèvres et goûta au doux met qu'est l'eau fraîche. Un remède simple mais délicieux lorsqu'on l'on a besoin d'étancher sa soif et d'atténuer ce brasier au fond de sa gorge.

- Ceci reste à méditer selon ce que vous feriez de moi. Si dans votre esprit j'étais la plus heureuse des créatures alors je serai honorée de ce privilège mais si vous faisiez de moi une simple servante de vos désirs les plus secrets, j'aimerai vous crever les yeux ou vous arracher le coeur.

Kurenai plongea ses pupilles dans celles de Yilna, était-elle sérieuse ? Oui, on ne peut plus même mais c'est cela qui faisait son charme après tout et elle ne ferait rien puisqu'il ne s'agissait là que d'une simple discussion.

Yilna écouta Kurenai décrire ce qu’elle faisait avec sérénité, puis elle la vit attraper une gourde sans chercher à comprendre comment. En réalité la karnash était plongée dans ses pensées, pensées qui s’orientèrent très vite sur les dernières phrases prononcées par l’ombre. Que ferait-elle d’un être qu’elle aurait crée de toute pièce ? Elle ne savait pas même si au fond, elle en avait bien une petite idée.

« Je crois que vous ne seriez ni l’un ni l’autre, je me sais incapable, pour le moment out du moins, de donner le bonheur à une personne fictive ou non, mais je sais également que je ne réduirais pas quelqu’un à me servir… en réalité je ne sais ce que vous seriez, juste ce que vous ne seriez pas. »

Quant à crever les yeux ou arracher le cœur, bien qu’elle ne l’aurait sans doute pas exprimé de la même façon, la karnash aurait sans aucun doute une réaction similaire si on l’a réduisait en servante, comme d’ailleurs elle avait déjà eut, juste après avoir tout perdu, elle avait exprimé son côté sadique au plus haut point, mais qu’importe tout cela était du passé, passé dont elle ne désirait pas se souvenir trop longtemps sans toutefois pouvoir s’en détacher. Ironique.

Quoi qu’il en soit, Yilna ignorait réellement ce que son esprit pouvait engendrer, en fait, elle pensait que très peu était capable de savoir ce qu’il pouvait créer. Certes il était toujours facile de se créer un compagnon de route imaginaire un compagnon de route que l’on connaît parfaitement puisque crée par notre conscient, mais lorsque le reste de notre esprit s’y mettait, lorsque notre âme et notre cœur résonnaient avec ce compagnon fictif, que nous faisions ressortir nos côtés les plus endormis ou les plus profondément encrée en nous, tout ce que l’on a rejeté comme tout ce que l’on à désirait, est-il vraiment possible de prévoir ce que notre esprit créera alors ? Est-il vraiment possible de savoir jusqu’à quel point nous pouvions aller lorsque, poussé par une force inconnue quelles quelles soit nous allions alors véritablement jusqu’aux bout des choses ? Yilna ne le pensait pas. Dotant plus qu’elle savait ses réactions violente dans un sens comme dans l’autre.

« Je sais que je me suis égarée, il y a bien longtemps, et que je me suis mise à errer dans mes propres landes intérieures alors comment pourrais-je savoir ce que vous seriez si vous n’étiez que le fruit de mon esprit. Mais cela n’a pas vraiment d’importance quant on y pense, puisque de toute façon quoi que l’on désire nous sommes et nous devons avancer d’une manière ou d’une autre si nous ne voulons pas sombrer… »

Yilna se tut se rendant compte qu’elle commençait un peu à divaguer, bien que divaguer ne soit sans doute pas le bon mot. Encore une fois elle s’était laissé emporter par ses propres pensées, sa propre vie, ses propres réactions. Mais qui ne le faisait pas ? Comment pouvait-on réagir si ce n’était avec notre acquis ? La karnash garda néanmoins le silence, silence qui ne la gênait pas outre mesure, puisqu’elle aimait le silence. Et puis de toute façon pour le moment, elle essayait juste de mettre de l’ordre dans son esprit chaotique, qui avait tendance à s’enflammer sans jamais laissé sortir les flammes, de sorte qu’il se ravageait souvent tout seul de l’intérieur.

[ Désolée du retard puce

]

L'esprit humain est quelque d'insondable, d'étranger, où beaucoup pourraient se perdre. Pendant un temps, Kurenai avait cru subir ce sort-là. Ne comprenant pas son nouveau statut d'ombre, ne sachant comment ni pourquoi ce malheur avait pu arriver, elle avait simplement voué un profond dégoût à cette mort qui n'avait pas voulu d'elle. La laissant pour seule fautive, elle n'était jamais passée outre et s'était résolument perdue sur un chemin qui n'était pas le sien. La vengeance, les plats qui se mangent hélas froids, les mauvaises langues, la haine, elle avait mangé de ce pain pendant trop longtemps pour finalement réaliser qu'il y avait tout autre chose...Bien des choses en fait. Si on désire rester les yeux fermés, sans chercher à les ouvrir pour admirer les alentours, on s'enferme soi-même, on se ment en bâtissant de fausses barrières autour de notre esprit. On s'enfonce dans ses convictions alors qu'il y aura toujours un être pour vous faire douter, un être qui fera tout pour vous persuader du contraire et peu à peu, vous commencerez à le croire et là, un mur se sera effondré. Une seconde personne apparaîtra et agira de la même sorte, c'est le simple cycle répétitif. On ne peut indéfiniment avoir raison, il y a des moments où on doute et où on apprend de ses erreurs. L'ombre avait retenu ses leçons avec brio, elle savait très peu de choses certes mais connaissait l'étendue de ce qui lui manque à comprendre. Elle pouvait de par ses expériences envisager une autre voie, d'autres solutions. Lorsqu'on regardait, elle n'était que Chef de ceux de son état ce qui n'était en soi qu'un titre, rien au fond, de la simple poussière, complètement dérisoire. Une automate...Elle avait été cela toute sa vie, agissant selon ce que lui dictaient ses parents, devant trouver un époux et là avait débuté son tracé hors piste. La demoiselle avait choisi par elle-même et les évènements qui suivirent démontrèrent ses croyances, ses choix, ses envies et ses propres pas, ne pas avancer à travers quelqu'un autre, marcher pour nous serait une belle leçon à tirer. Si seulement...Elle avait également trouvé la mort de sa main, en se balançant au bout de la corde qu'elle avait passé autour de son cou mais, là avait aussi eu lieu sa chute, son échéance, elle avait manqué de réflexion et le payerait sous la forme d'ombre. Au départ, cela peut paraître tel une torture puis ensuite...Vient la satisfaction, peut-être pas pour tous mais elle était calme et sereine en cet instant. Elle avait appris de beaucoup de monde et comptait bien justifier son titre, elle ne ferait pas les choses au hasard.

- Vous sembliez bien perplexe et quelque peu perdue Yilna, je me trompe ? Que vaut ce trouble ? Il n'y a pas que des chemins tracés d'avance, il suffit d'avancer et vous verrez bien. Vous auriez certainement fait quelque chose de moi, que je sois simplement votre confidente, plus ou encore moins. Quelque part, vous connaissez la réponse.

Sombrer...Voila un bien vilain mot dans une bouche qui pourrait être si innocente pourtant...Enfin, ce doit être le même hasard qui a conduit la Faucheuse à devenir une damnée, une ombre de la nuit, une personne qui pourrait se dire entravée aux ténèbres mais qui au fond apprécie sa condition aujourd'hui. Tout le monde a les atouts pour être heureux, il suffit juste de les saisir au tournant et de construire le chemin de sa réussite, familiale pour certains, amoureuse pour d'autres, ou encore obtenir du pouvoir cela dépend du type de personne que vous êtes. Pour Kurenai, il lui suffisait de triompher de ces chaînes qui l'avaient entravés pendant trop longtemps lorsqu'elle était venue à mourir, ayant l'impression d'être un simple instrument, de ne servir aucune de ses envies puis, elle avait pris goût à sa rédemption et était à l'origine de celle d'autres. Prendre une âme...Ca paraît tellement dérisoire et malgré tout, ça possède un tel attrait, une telle jubilation ainsi que satisfaction lorsqu'on y parvient. Se dire que pendant quelques instants, on possède le pouvoir, on est le maître du jeu..On peut aussi bien laisser la vie que la retirer, c'est un tel bonheur de se sentir vivre...Oui, on vit à travers la mort des autres mais c'est ce que certains feront avec brio et que d'autres redouteront bien qu'ils doivent remplir leur contrat, forcément, on ne devient pas un ombre sans être maudit dans un certain sens bien que si l'on dépasse tout cela, les choses vont alors bon train...Mais revenons à notre invitée du moment.

- Et quel âge avez-vous Yilna pour tenir de tels raisonnements ?

Tous les chemins n’étaient pas tracés d’avance, pour cela il n’y avait aucun problème quant à avancer comme ça et attendre, la karnash le faisait depuis trop longtemps pour pouvoir y croire encore pour pouvoir tenir simplement grâce à cette idée. Quelque peu perdue doux euphémisme que ces termes bien qu’au fond tout au fond d’elle la karnash détenait la clé pour retrouver son chemin, fallait-il encore qu’elle la trouve.

« J’ai cessé de compter mon âge à mes quinze ans, et à vrai dire j’ai passé un certain temps totalement déconnecté du monde à tel point que je ne savais si je marchais depuis un jour ou un mois. Il est également vrai que je suis perdue mais mon âge n’y est pour rien, ce n’est pas le nombre d’années qui compte c’est ce que ce nombre fait de nous. Quoi qu’il en soit Kurenai, je ne peu plus avancer sans raison, mais ma douleur vient également du fait que je suis incapable de m’arrêter. »

Pourquoi ? Pourquoi se confiait-elle ainsi à l’ombre ? Elle qui n’avait jamais aimé parler d’elle-même et qui pourtant l’avait tant désiré. Pourquoi parlait-elle d’elle-même ? Mieux encore pourquoi ne pouvait-elle pas s’empêcher de se poser toutes ses questions, pourquoi devait-elle toujours douter sur sa conduite à tenir, ne pouvait-elle pas simplement se laisser aller sans se poser de question. Ca serait si simple, mais la karnash savait que c’était dans sa nature d’être ainsi et à moins d’un immense changement sur elle-même il en saurait toujours ainsi.

Bien entendu Yilna en avait dit très peu et pourtant tellement… mais après tout peut-être que pour une fois elle pouvait continuer cette conversation tant que l’ombre n’était pas contre, rien de l’empêchait d’avancer…mais rien ne l’y pousser également, cruel dilemme qu’elle ne se posait pas uniquement pour une conversation, malheureusement pour elle d’ailleurs.

« Mais peut-être me suis-je égaré également à cause du fait que je ne suis plus capable de comprendre pourquoi j’avance, ne croyez-vous pas Kurenai qu’il nous faut un but ou bien un rêve pour pouvoir retrouver son chemin ? »

Si tel était le cas Yilna avait perdu rêve et but, ou peut-être avait-elle le rêve d’avoir un but, ou bien était-ce encore autre chose, un rêve dont elle ne comprenait pas encore l’existence quoi qu’il en soit pour le moment la karnash se croyait sans rien du moins sans rien de bénéfique pour elle, car en réalité elle se retrouvait avec un tas d’entraves et de chaînes dont certaines avait été crées par elle-même et sa propre folie notamment lorsque les éléments s’étaient déchaînés. Ce n’était pas la mort ni le renouveau qui l’avait dérangeait, rendu folle furieuse serait plutôt les bons mots, puisqu’elle n’avait réalisé tout cela qu’après coup après avoir émergé de son accès de rage auto-destructeur, de cette colère et cette douleur qu’elle avait ressentit envoyant le monde faire ce qu’elle-même n’avait toujours pas réussi à faire. Bien entendu ce n’était pas simplement cela, ça avait juste était la goutte de trop l’étincelle qui avait tout fait exploser, rien de plus et pourtant beaucoup plus. Mais peut-être qui sait, qu’un peu plus tard elle pourrait tirer un avantage ce cette expérience, plus tard…

Elle aurait pu la tuer, ou du moins en faire quelque chose, hélas non...Elle l'écoutait, tout simplement. Comme l'aurait fait une grande soeur ou une mère, peut-être un espoir cachée dans notre jeune ombre ? Rien n'est plus loin de la vérité. Issue d'une famille nombreuse, elle avait l'habitude d'écouter ses frères, leurs soucis peu important quand on y repense aujourd'hui, leur façon de se plaindre et de toujours tout rapporter à eux, pensaient-ils pareillement aujourd'hui que leur soeur n'était plus ? L'avaient-ils au moins cherché un temps soit peu ? Elle n'en savait rien et ne préférait émettre aucune hypothèse. Sa famille...Quelque part elle lui manquait énormément. Ce vide, ce creux qui se formait au sein de son coeur lorsqu'elle ne se rappelait même que quelques brides de souvenirs, ayant oublié l'essentiel, serait-ce un signe de son attachement ? La grande, la magnifique Kurenai aurait-elle des regrets ? Des remords vis à vis de son attitude peu orthodoxe, de ses choix passés et pour ne pas mettre un nom sur son comportement, de son suicide ? Des sensations évanouies, des voix presque familières, oui, elle arrivait à revoir quelques traits de visages, quelques mèches de cheveux bruns...Sentir les bras de sa mère, la sensation d'être dorlotée et choyée...Il y avait longtemps qu'elle avait quitté notre ombre, aujourd'hui, elle ne sentait que la morsure du vent sur ses jambes, et c'était bien mieux ainsi.

Yilna semblait torturée. Elle pouvait la comprendre, quand à l'aider, ça, il fallait encore voir.Le méritait-elle ? En échange, pourrait-elle quémander quelque chose ? Non, ce n'était pas son intention. La vie de la karnash ressemblait à ne s'y méprandre à celle de la danseuse du soir lorsqu'elle avait passé cette corde autour de son cou et que, dans un geste désespéré, elle s'était balancée, retenue simplement à un arbre et que la vie s'en était allée loin de son corps pour lui être insufflée par la suite, sous la forme d'ombre. Dit comme ça, que les choses sont belles, mais la réalité est autre. Les démons avaient envahi ses nuits et peu à peu, elle avait réussi à y réchapper, en acceptant sa condition et puis, plus une seule fois elle n'avait vu eu en songe la nuit de sa décadence ou de sa grandeur si on regarde sa place aujourd'hui. Belle et importante...Grand Faucheur, il y a de quoi s'en vanter et bien ce n'était pas le genre de notre donzelle, si compliquée caractère, on ne va pas lui trouver un défaut si simple. Néanmoins, malgré ses hésitations quand à la façon d'aider notre belle, elle avait une idée, très abstraite et idéaliste mais cela reste une ébauche dirons-nous, d'idée...

- Les rêves ont depuis longtemps quitté ma route. Quand aux buts, ils sont divers et variés, avant, j'en avais, aujourd'hui, j'en ai quelques uns, peu concrets mais je peux tout de même entrevoir des raisons à ma vie. C'est bien dommage de ne plus savoir pourquoi nous avançons, je peux comprendre ta confusion.

Les points communs entre les deux jeunes femmes ne cessaient d'affluer. A vrai dire, cela tira un distrait sourire à notre faucheuse qui s'empressa de lever les yeux au ciel. Il était dégagé, comme ses pensées ce soir-là. Elle laissa un instant dériver ses sens vers cette nature qui les entourait...Elle semblait inchangée malgré tous ces évènements. Le temps n'a d'impact à courte échelle que sur les individus humains à en croire la facétie des choses. Enfin, peu importe, elle s'y faisait.

- Si tu as perdu ton chemin, peut-être qu'un retour aux sources t'aiderait. Je ne peux pas te promettre un voyage ni grand chose mais je peux lire dans le passé...Ou dans le futur, à toi de voir, c'est n'est qu'un simple pouvoir et je ne garantis rien mais peut-être tenter d'éclaircir les choses serait-il bien ? Néanmoins, pour plus de clarté, l'Oracle, si j'ai bien retenu ce nom peut te mener où bon te semble dans ta vie...

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