[ Merci de m'avoir permise de m'incruster, malgré l'ancienneté du post! =) ]
Tandis qu’elle survolait allègrement l’île de Cassilmena, son engouement pour ce nouveau continent se raviva, en particulier lorsqu’une bâtisse aux allures angéliques, construite sur un lac, attira son attention. Elle s’en rapprocha spontanément, suivie de très près par sa fée Crow qui, derrière sa race mignonnette cachait plus d’un petit tour dans son sac. Les deux protagonistes ne tardèrent pas à se poser sur un sol humidifié, probablement à cause de la proximité aquatique, et poursuivant leur chute libre dans ce qui semblait être un autre paradis, Kyojà sentit une étrange odeur. Elle était dénuée de toute insanité, elle était propre, l’angélisme parfait qui viendrait à bout de la pire espèce maléfique.
Par réflexe, elle posa discrètement la paume de sa main devant ses narines, ne supportant nullement ces senteurs parfumées, agréables et apaisantes, qui témoignaient d’une présence bienfaisante non loin de là. L’ange déchue, de ses ailes basanées bien qu’aux reflets grisâtres omniprésents, se demandait où se localisait le propriétaire de cet édifice particulièrement divin. Céleste dans son genre, il avait été conçu de telle sorte qu’il suscitait le dégoût de la demoiselle, dont le tissu de sa robe rougeoyante virevoltait derrière elle. Réajustant soigneusement le petit nœud papillon qui décorait son bandeau, et le nouait autour de son crâne, elle s’avança sans une once d’hésitation. Par quoi était-elle poussée ? La curiosité, tout simplement.
« On dirait que quelqu’un est déjà passé par là avant nous, Crow. »
La petite fée à la robe obscure et à la peau laiteuse contrastant avec celle-ci confirma les dires de sa maîtresse, laissant échapper un soupir. Ce soupir en disait long sur ce qu’elle devait penser, et le regard durci de sa maîtresse lui ordonnait silencieusement de partir en éclaireur pour qu’aucun danger digne de ce nom, ne les prenne par surprise. Evidemment, il fallait toujours qu’elle soit la victime expiatoire, et Crow se doutait bien que son trépas ne changerait rien à l’état d’esprit de son possesseur actuel. Elle était consciente du manque de moralité du personnage qu’elle suivait, nuit et jour, d’un regard mi-enjoué, mi-craintif, qui manifestement ne plaisait pas à Kyojà. Elle avait beau l’avoir recueillie, ce fut à contrecœur puisqu’elle lui servait uniquement de guide et d’éclaireur visiblement, à en juger par cette demande. Et battant de ses ailes furtivement, tandis que celles-ci étaient semblables à celles d’un ange déchu, mais en plus petit, elle s’approcha d’une salle dont la porte venait tout juste d’être entrebâillée. Elle avait entendu le grincement sinistre de celle-ci. Puis, surprenant une silhouette imposante et masculine, tout en repérant une présence aussi malsaine que celle de sa maîtresse, elle s’en alla la prévenir et lui soumettre son rapport.
« Il semblerait qu’il y ait un autre être maléfique en ces lieux. Vous n’êtes pas la seule à souiller ce temple saint. »
Kyojà se mit à ricaner, un sourire carnassier incurvant ses pétales de rose colorés de rouge. Une autre personne aussi malsaine qu’elle était sur ces lieux plongés dans une pureté et une bienfaisance obsessionnelles. Elle se rendait malade en se promenant ici, dans ce fichu temple, mais elle semblait attirée inexorablement par son atmosphère, probablement parce qu’il était son contraire et qu’inévitablement, les opposés s’attiraient.
« Soit, allons-y. »
L’ange déchue parcourut un petit corridor qui déboucha sur une pièce décorée avec luxe, embaumée d’un parfum agréable et succulent, qui n’était pourtant pas au goût de l’ex-être de pureté. Elle se sentit offensée de toute part, affrontant soudainement des réminiscences du passé qui refaisaient surface inéluctablement, comme si elle était transpercée de toute part par des pans de son vécu. Des tranches de vie lui revenaient en mémoire, et pour conserver sa discrétion, elle se massa délicatement la tempe droite pour dissimuler cette calamité. Prenant sur elle, elle mit peu de temps à apercevoir non loin de là, l’être qui avait attiré l’attention de son familier. Ses yeux océaniques, d’un bleu perçant et sans pareil se fixèrent obstinément sur une silhouette, à la carrure imposante, qui laissait s’entrevoir un corps masculin et sculpté. Plissant ses mirettes pour percer une légère obscurité, elle posa ses mains sur ses hanches, appuyant tout le poids de son corps sur sa jambe gauche. Ses ongles manucurés s’entrechoquaient frénétiquement, au rythme de sa réflexion et du jugement qu’elle portait sur la personne qu’elle venait de rencontrer. Leurs chemins s’étaient croisé, et allez savoir si cela avait quelque chose de bon. Après tout, ils étaient tous les deux dans le même bateau, en terrain ennemi, et si jamais des êtres bénéfiques venaient les assaillir de tout côté, il n’y avait pas d’autres solutions hormis coopérer.
« Je vois que je ne suis pas la seule à m’éclater…comme quoi, il n’y a pas que moi qui trouve un malin plaisir à visiter les lieux qui me sont proscrits. »
Et toujours cette même attitude hautaine, une voix sèche et persifleuse.